La marque de prêt-à-porter Gémo, en collaboration avec la start up Ma p’tite balise, propose, pour l’achat d’un manteau taille enfant à 99€, une balise de géolocalisation dont l’abonnement est offert pendant 6 mois.
Cette balise permet, entre autres, de délimiter un périmètre de sécurité au-delà du quel l’enfant ne doit pas s’aventurer. Une fonction SOS permet également au gosse de contacter ses parents.
L’abonnement mensuel, passé les 6 premiers mois, est proposé à 4,90€.
Outre le fait que c’est pas joli-joli de se faire de l’argent avec les angoisses des parents, cette invention pourrait presque passer inaperçue, tant nous baignons dans le tout technologique. Elle n’est pourtant pas sans conséquences, car elle implique une certaine image de la société dans laquelle nous voulons vivre !
Penser par exemple que les enfants sont la proie de menaces inconnues susceptibles de les kidnapper à chaque instant, c’est oublier que les abus qu’ils subissent sont bien plus souvent le fait de personnes faisant partie de leur entourage
. Car comme le montre cet article du blog Internet Actu, les craintes des parents sont avant tout le reflet d’une vision de la société, et évoluent selon que l’on a plutôt peur ou non des étrangers, plus ou moins peur pour sa fille que pour son fils, etc.
On pourrait parler de pédagogie, et expliquer comment les enfants perçoivent et sont victimes des angoisses de leurs parents. On pourrait aussi se demander les limites d’un tel système : après tout, si c’est pour son bien, pourquoi ne pas également suivre un adolescent à la trace ? Un jeune adulte ? Un adulte pour lequel on se fait du souci ?
Mais plus généralement, en matière d’agression, ne serait-il pas plutôt temps, contre les initiatives privées plus ou moins maladroites, de repenser le rapport de méfiance que l’on a, dans l’espace public, envers autrui ? Car aborder le contact avec le monde extérieur en se préparant déjà au danger, c’est d’une certaine façon envoyer à ceux que nous rencontrons le message « tu représentes un danger potentiel »…
Les vêtements connectés pour enfant ne sont pas les inventions de Satan, et on comprend bien les réflexes qui peuvent pousser à les acheter, mais si on grandit avec une puce dans le cartable et une balise GPS dans la poche, faire respecter ses libertés fondamentales une fois adulte, dans un monde que l’on a appris à craindre risque de devenir compliqué.
Je pense à la protection des enfants mais aussi, en parallèle, à celle des jeunes femmes à l’intention desquelles des méthodes plus ou moins imaginatives de protection contre les viols se multiplient.
À lire aussi : Les violences envers les enfants, une effrayante banalité dénoncée par l’UNICEF
Lançons donc le débat : que pensez-vous de cette doudoune ? Comprenez-vous qu’on puisse l’acheter à un enfant ? Seriez-vous prêtes à l’acquérir pour vos enfants, nièces, neveux, cousin-e-s etc. ?
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Est-ce que ça veut pour autant dire que c'est juste ?
Parce qu'à ce moment là, si quelqu'un me force à embrasser/câliner une personne que je connais à peine j'ai le droit de porter plainte. Par contre Tonton Gégé que le gosse voit qu'une fois par an, ça choquera personne si on force le petit à lui faire câlin/bisou à grand coup de chantage affectif/menaces/autres. Ca veut pas dire que c'est bien pour autant. unno:
De plus, si je comprends bien ton raisonnement, puisqu'un enfant est sous la tutelle de ses parents/tuteurs (sauf émancipation) jusqu'à sa majorité, ça veut dire que grosso-modo, jusqu'à ce qu'il ait dix-huit ans révolus, c'est légal de le tracer avec un GPS. Et... ahem... comment dire ?
La balise ne permet aussi que de géo-localiser les enfants qui la porteront. Or, on sait aujourd'hui que la plupart des cas d'agressions ont lieu dans l'entourage proche ce qui fait que la balise se retrouve inutile, sauf en cas de disparition (et on sait aussi que la plupart des disparitions de mineurs sont pour l'immense majorité des fugues et des enlèvements parentaux), et nous avons en France depuis 2006 le dispositif d'Alerte Enlèvement qui a à ce jour, un taux de réussite de 100% (alors que la doudoune GPS, pour peu que le kidnappeur connaisse, il lui suffit de l'enlever et de la balancer sur la route).
Et comme dit plus haut, le plus gros risque qui plane sur un enfant lorsqu'il sort ça reste encore les accidents, et un GPS ne peut pas les éviter.
Donc en gros je vois absolument pas l'utilité de ce dispositif dans les faits, même si l'on omet que ce soit totalement intrusif envers la personne et que c'est la porte ouverte à des dérives énormes de la part des parents/tuteurs.
Pour ce qui est du système d'alarme que tu proposes, je suis d'accord sur le principe et s'il ne permet QUE de donner l'alerte (qu'en gros le gosse ne soit pas géo-localisé H24), mais j'aurais quand même peur que ça conduise à des dérives comme pour les dispositifs "anti-viols" et qu'en cas d’absence d'alerte lors de l'agression (parce que sous le choque par exemple) on fasse reporter la faute sur la victime ("Tu avais ton dispositif d'alerte sur toi, pourquoi tu n'as pas appelé ?"