Un de mes kiffs, c’est de bosser avec ma voix : je suis comédienne/chanteuse, mais je me suis également tournée très tôt vers le monde merveilleux… du doublage !
Cela peut en étonner certain•e•s, mais je trouve vraiment que le concept du doublage est fascinant. Imaginez pouvoir voyager dans le monde et cliquer sur VF quand vous ne comprenez pas la langue : vous en avez rêvé ? Le doublage l’a fait !
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Des débuts précoces dans le doublage
Je suis tombée dans le bain assez tôt. Quand j’avais 7 ou 8 ans, j’ai tourné dans plusieurs films et téléfilms. Parfois, il faut retourner en studio afin de doubler certaines scènes déjà tournées pour des questions de qualité de son. On appelle ça de la post-synchronisation.
J’ai donc eu ma première expérience de synchro à l’âge de 8 ans.
Un peu plus tard, Christian Faure, le réalisateur de l’un des épisodes de L’Instit (Le Crime de Valentin) dans lequel j’ai joué une enfant espagnole qui sauve des lapins (si, si) m’a rappelée pour que je double une jeune fille africaine parlant mal le français dans le film Loin des yeux.
C’était vraiment chouette, surtout pour une enfant ! C’était comme jouer à la princesse, sauf que là c’était en grandeur nature, la princesse à l’écran avait ma voix ! Bon oui, d’accord, ce n’était pas une princesse, mais laissez-moi mes beaux souvenirs de gosse…
Après une adolescence super tranquille (non), j’ai commencé à suivre mon papa comédien sur certains plateaux de doublage, et là, j’ai attrapé le virus.
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Comment faire du doublage ?
Je n’ai cependant pas retrouvé de rôle en un coup de baguette magique. Pourtant, il n’y a pas vraiment besoin de suivre une formation spécifique pour faire du doublage.
En effet, il existe diverses écoles et formations dédiées au doublage, mais il n’est absolument pas nécessaire d’en suivre une. Soyons clairs : personne, jamais personne ne vous demandera votre diplôme de doublage pour vous donner un rôle.
La plupart des grandes voix du doublages sont simplement des comédien•ne•s qui ont fait une formation comme le Cours Simon, le conservatoire… mais pas forcément ! En ce qui me concerne, je n’ai pas fait de grande école : j’ai commencé toute petite et ai toujours continué de jouer la comédie.
J’ai tout de même suivi un petit stage de doublage qui m’a donné confiance en moi. Mais la seule condition pour pouvoir faire du doublage, c’est donc d’être comédien•ne ! C’est un peu comme être sportif•ve si tu veux faire du foot (quoique être un peu comédien•ne ça doit aider aussi…).
Et une fois comédien•ne, il faut une bonne dose de courage et de passion : vous devrez en gros parcourir les studios de doublage et… réussir à entrer !
Sur place, il faut demander gentiment si vous pouvez assister à des enregistrements, d’une part pour vous familiariser avec la technique, et d’autre part pour rencontrer des directeurs artistiques susceptibles de vous faire passer un essai. Il faut s’armer de patience.
Il y a des moments difficiles où l’on peut essuyer plusieurs refus. Du coup, quand on est accepté•e, ça fait plutôt plaisir ! Il faut dire que les directeurs artistiques sont très, très, sollicités, et que nous sommes beaucoup de comédien•ne•s.
Bien sûr, en ce qui concerne les premiers rôles, il y a des castings. Le directeur de plateau en charge de la série, ou du film, convoque pour un même rôle quelques comédien•ne•s susceptibles de correspondre au personnage pour leur faire passer chacun•e leur tour un essai, sur une ou plusieurs scènes. C’est ensuite la production qui décide de qui aura le rôle, et quand on l’a, autant vous dire qu’on est super content•e !
Quand j’avais 20 ans, j’ai donc porté mon petit baluchon jusqu’aux studios. J’ai eu de la chance car j’ai obtenu assez vite un petit rôle dans Tout le monde déteste Chris, et par bonheur, ce personnage revenait de temps en temps dans la série ! C’est ce qu’on appelle un « récurrent » (à ne pas confondre avec un cure-dent, ça fait désordre).
La même directrice de plateau m’a ensuite offert le rôle de Megan dans Lipstick Jungle pour quelques épisodes. J’ai continué d’arpenter les studios pendant un an environ, et petit à petit, j’ai fait mon chemin (qui n’est pas terminé).
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Être comédienne de doublage
La plupart des apprenti•e•s comédien•ne•s de doublage, ceux et celles qui débutent, commence par faire ce que l’on appelle des ambiances, avant d’avoir des rôles importants. C’est ce qui permet au directeur artistique de « tester » des comédien•ne•s. Qu’est-ce que c’est, vous dites ?
Mais non voyons ! Les ambiances ce sont tous les petites rôles (une réceptionniste, une infirmière, une voix radio…) qui n’ont que quelques phrases, mais qui sont complètement indispensables au film. Il y a aussi toutes les scènes de foule. Ça peut être un concert, un cocktail, les bureaux du FBI, des gens dans la rue… Là, il faut carrément improviser des discussions pour créer une sorte de brouhaha, d’ambiance donc, mais en français ! Les ambiances sont généralement enregistrées en dernier.
On commence en effet par enregistrer les rôles : on regarde ce qu’on appelle la boucle (en gros, un morceau de scène) qui nous concerne, une fois, deux fois, et on se lance. Si on double un personnage sur une série depuis 37 saisons, ça peut aller assez vite car on a bien saisi le personnage et ses subtilités de jeu.
Quand en soirée les gens apprennent que je fais du doublage, la réaction la plus courante, et quasi obligatoire, est la suivante.
Je vais donc répondre ici aux questions les plus récurrentes. Je suis la voix de Célia Asensio (c’est moi, quel humour). Mais sinon j’ai doublé Emily Rios dans quelques séries (dont Breaking Bad, BIIIM) et je suis la voix de Rita dans le dessin animé Rita et Machin.
L’une de mes dernières fiertés est d’être la voix de Zoé Kravitz (la fille de Lenny !) dans le prochain film d’Andrew Niccol, Good Kill, en salle le 22 avril prochain !
Et si je ne connais pas Bruce Willis, j’ai déjà croisé Patrick Poivey (sa voix donc), et il a l’air sympa.
Enfin, il y a les questions comme :
« Comment tu fais pour parler en même temps que l’actrice ? »
C’est assez simple en fait : en France, on utilise ce qu’on appelle une « bande rythmo ». C’est-à-dire que les phrases défilent sous l’écran de droite à gauche, et dès qu’un mot touche la barre verticale placée à gauche de l’écran, il faut dire le mot. La première fois, ça paraît un peu compliqué… Mais on s’y fait !
De grands acteurs de cinéma ou de théâtre m’ont déjà confessé n’être pas très bons en synchro… Mais en fait, une fois la technique appréhendée, on n’y pense plus vraiment, un peu comme quand on sait faire du vélo.
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En conclusion…
Vous l’aurez peut-être compris, je suis amoureuse de mon métier de comédienne, et particulièrement de cette facette si particulière qu’est le doublage.
Ce qui est génial, c’est qu’on a l’occasion de jouer des scènes et des personnages qu’on n’aurait pas eu l’occasion de jouer « en vrai ». Je ne serai jamais une grande brune mexicaine qui fait des pirouettes… sauf dans The Hit Girls 2 qui sort bientôt. Je ne serai jamais un petit garçon sauvé in extremis des griffes d’une secte diabolique… Ah bah si, dans The Blacklist ! Et je ne serai jamais un grand blond russe et musclé recherché par la CIA. Ah, ça non, je ne le serai vraiment jamais en fait.
En fin de compte, il y a peu d’aspects du doublage qui me déplaisent. Ne jamais être prise pour faire un grand blond musclé, c’est frustrant. Plus sérieusement, il y a peut-être le fait de passer des jours et des jours enfermé•e dans le noir sans voir la lumière du jour.
Mais franchement, si on est passionné•e par ce qu’on fait, on s’en fiche un peu et on se dit qu’on ira faire du roller au parc dimanche. Le doublage c’est le seul job de ma vie qui me donne envie de me lever le matin, chaque matin. C’est passionnant, enrichissant et souvent amusant.
— Retrouvez les expériences (et les dessins) de Célia sur son blog !
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