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Doit-on suivre les neurosciences pour être un bon parent ?

Les discours de parentalité à l’éclairage des neurosciences ont le vent en poupe depuis quelques années. Faut-il nécessairement les suivre pour être un bon parent ?

Les neurosciences semblent avoir bousculé les connaissances sur le développement des enfants, et l’éducation mise en place par certains parents. Mais doit-on absolument suivre ces études pour élever ses enfants et être un bon parent ?

L’influence des neurosciences sur l’éducation

Si le terme de « neurosciences » a fait son apparition dans les années 1960, pour désigner les disciplines étudiant le système nerveux, ce n’est que depuis les années 2000-2010 qu’il séduit en nombre les parents, dans le domaine de l’éducation.

« Le livre de Catherine Gueguen, ‘Pour une enfance heureuse’ a révolutionné le monde de la parentalité », estime Nina Bataille, coach professionnelle certifiée et spécialisée en neurosciences, et autrice de plusieurs livres dont  J’arrête de courir après le temps  (ESF, 2023). « Il a apporté du recul sur des choses intuitives qui étaient jusque là discutables car pas démontrées. Cela a permis d’apporter des preuves, même si on sait que la science est évolutive. C’est très intéressant de comprendre comment se développe le cerveau d’un enfant, qu’avant 2 ans il n’y a pas de caprice, mais qu’il faut ensuite mettre un cadre. »

Car pour la coach, c’est là que le bât blesse. L’éducation à l’aune des neurosciences souffre d’une mauvaise interprétation, ayant amalgamé l’éducation bienveillante avec une éducation laxiste. « Par exemple, François Dolto n’a jamais dit qu’il fallait laisser tout faire aux enfants ou qu’il était interdit d’interdire, mais que l’enfant est un être humain à part entière et qu’il faut bannir la violence physique. Olivier Morel a introduit la notion de violence éducative ordinaire, mais il n’a jamais dit qu’il ne fallait pas mettre de cadre. » précise l’autrice.

« Certes on ne laisse pas pleurer un bébé, on cherche à comprendre ce qu’il a, mais on ne le garde pas toute la journée dans les bras pour autant, la bienveillance ce n’est pas ça. »

Nina Bataille

Pour Michel Vandenbroeck, docteur en sciences de l’éducation, ce ne sont pas les neurosciences qui influencent les parents. « Il faut faire la distinction entre neurosciences et leur utilisation par des non-neuroscientifiques. Selon les neuroscientifiques, il y a encore très peu de conclusions des neurosciences pour l’éducation, et leurs articles sont critiques par rapport à cette utilisation des neurosciences. »

Dans son dernier ouvrage, Être parent dans notre monde néolibéral (érès, 2024), Michel Vandenbroeck dénonce cette utilisation des neurosciences, qui ajoute une « nouvelle couche d’incompétence » aux parents, et une lourde responsabilité sur leurs épaules. « Car cela s’accompagne de discours autour des 1 000 premiers jours, par exemple. C’est une aberration, un poids insupportable, tout ne se joue pas dans les 1 000 premiers jours, même si c’est une période importante. » S’il critique leur utilisation dans certains discours autour de la parentalité, l’auteur précise toutefois que les neurosciences restent des sciences importantes et bénéfiques.

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Les neurosciences ont-elles permis de limiter les faits de maltraitance ?

Les discours mêlant parentalité et neurosciences s’élèvent souvent contre les faits de violence physique et verbale. Ces revendications ont-elles pu aider à bannir les sévices corporels dans les familles ?

Pour Nina Bataille, il n’y a pas de réponse nette à cette question. « Je ne pense pas que des parents se lèvent le matin en se disant ‘Tiens, je vais maltraiter mon enfant‘ Ce qui limite la maltraitance ce sont les signalements faits par des institutions (professeurs, psychologues), ou bien une prise de conscience par soi-même. Mais les neurosciences contribuent à libérer la parole, et génèrent peut-être quelques prises de conscience. »

Quant à la fessée, qui a pu par le passé être brandie comme un principe éducatif, elle est interdite par la loi depuis 2016. « Je ne pense pas que les neurosciences aient contribué à cela, c’était déjà une limite à ne pas franchir pour beaucoup de monde. Mais elles expliquent les dégâts que ce geste peut créer sur le cerveau, cela confirme qu’on est dans le juste quand on ne fait pas ça. » explique la coach.

Michel Vandenbroeck nuance ce propos. « Les neurosciences nous ont montré quels effets dévastateurs des cas de grave négligence peuvent avoir sur le cerveau. Mais on ne peut pas en déduire la même chose pour des petits moments de stress dans la vie de tous les jours, aucune étude sérieuse ne ferait ce lien, ce serait un amalgame. Le stress toxique nuit au développement du cerveau quand il est prolongé, de jour en jour, d’année en année, ce n’est pas le cas dans les petits moments où l’on perd patience et crie sur son enfant. »

Suivre les neurosciences, une condition nécessaire pour être un bon parent ?

« Une affiche britannique vantait les bienfaits de faire des câlins aux enfants, car cela aide au bon développement de leurs synapses. Mais a-t-on vraiment besoin des neurosciences pour faire des câlins à nos enfants ? » remarque Michel Vandenbroeck. 

Pour le docteur en sciences de l’éducation, tous les parents essayent de faire au mieux, dans le contexte et les circonstances qui sont les leurs. Mais il reproche au discours scientifique de ne pas prendre en compte ces inégalités de contexte, en prodiguant des conseils généralistes aux parents, qui changent constamment.

« ‘Bon‘ c’est un jugement. » rappelle de son côté Nina Bataille. « Il n’y a pas besoin de rajouter à la culpabilité déjà présente. On n’a pas forcément besoin des neurosciences pour éduquer ses enfants et en faire des adultes stables et épanouis. Mais puisqu’elles existent, il est intéressant de se renseigner. »

Pour éduquer au mieux ses enfants, doit-on alors absolument acheter des livres sur le sujet de la parentalité ? Michel Vandenbroeck alerte sur la pression que ces livres peuvent mettre sur la responsabilité individuelle des parents, en occultant la responsabilité des services publics, et en faisant croire aux parents qu’ils sont incompétents et ont besoin de l’éclairage d’experts. « Les conseils aux parents ont souvent comme effet de renforcer leur insécurité et leur sentiment de responsabilité. Même si ces livres sont faits avec les meilleures intentions, leur effet est contre-productif, cela renforce l’idée que tout repose sur vous. »

Pour la coach spécialisée en neurosciences, il est toujours intéressant d’acheter des livres, d’écouter des podcasts, de regarder des émissions ou de suivre des ateliers en parentalité, mais en choisissant un seul courant de pensée, pour ne pas avoir trop d’informations contradictoires. « Il faut s’en tenir à un ou deux livres, on n’est pas obligé d’en lire 10 ! J’aime bien renvoyer les gens aux fondamentaux, comme Thomas Gordon, Elaine Mazlish ou Terry Brazelton pour ne citer qu’eux. »

Les deux experts se rejoignent sur une chose : les parents ne doivent pas éduquer leurs enfants seuls, c’est une tâche impossible. « Il faut tout un village pour élever un enfant, c’est une conviction pour moi. » assure Nina Bataille. « Dans ce village il peut y avoir quelques livres, quelques personnes de confiance, son médecin. Attention, les coachs en parentalité sont bien pour les parents, mais ne sont pas formés pour accompagner les enfants. Pour eux il faut se tourner vers des pédiatres et des psychologues. » Michel Vandenbroeck attire, lui, l’attention sur l’effort public qui est de plus en plus en retrait, en témoigne la crise des milieux d’accueil de la petite enfance. « On va vers une commercialisation du soutien à la parentalité avec des coachs en sommeil, en propreté, en sevrage. C’est utile, mais l’Etat doit proposer des services où l’on peut partager cette responsabilité, plutôt que d’en faire une responsabilité individuelle. »


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