OK, je l’admets. Depuis la naissance de ma fille, je fais partie de ces mères gagas de leur progéniture qui passent leur temps à leur dire qu’elles sont les huitièmes merveilles du monde. Sans exagérer, je lui répète plusieurs fois par jour qu’elle est « vraiment trop belle », « trop mignonne », « si chou ». Je fais même un truc très énervant, lui demander avec la voix qui devient suraiguë : « C’est qui la plus belle ? Hein, c’est qui ? ».
Les premiers mois, je me suis dit que mes neurones avaient légèrement fondu suite à l’accouchement, et que ce n’était pas trop grave. Force est de constater, quinze mois plus tard, que rien n’a changé, sauf que maintenant, ma fille se pointe du doigt quand je lui demande : « C’est qui la plus belle ? ». (Oui, elle est aussi très intelligente ou alors c’est peut-être juste une coïncidence).
Les encouragements et les compliments sont une bonne chose pour les enfants
Rendons-nous à l’évidence : je complimente beaucoup ma fille (et beaucoup sur son physique, j’y reviendrais), mais est-ce que je la complimente trop ? Vais-je en faire une petite personne complètement imbue d’elle-même ? Ou lui faire croire que sa valeur dépend de son apparence physique ou de l’intérêt que je lui trouve ?
Alors, pour en avoir le cœur net, j’ai demandé son avis à Justine Maitre, psychologue, qui m’a tout de suite rassurée :
« C’est très bien de faire des compliments à son enfant, c’est un témoignage d’affection. Les encouragements et les compliments, de manière générale, sont quelque chose de positif. Ça peut faire comprendre à l’enfant qu’on l’aime de manière inconditionnelle. »
La psychologue précise toutefois qu’il y a des manières de complimenter les enfants qui sont plus efficaces que d’autres.
« Il y a des méthodes pour essayer de faire en sorte que nos compliments soient des encouragements plutôt que des étiquettes. »
En effet, une étude américaine dans les années 1990 a montré qu’il valait mieux complimenter les efforts des enfants, que leurs capacités.
Dans le cadre de cette expérience, des enfants ayant l’âge d’être à l’école primaire ont été séparés en deux groupes et on leur a donné des exercices mathématiques à faire. À l’issue de ces exos, on a dit au premier groupe un message du genre : « Bravo, vous êtes très intelligents et vous avez réussi ». Au second, on a aussi assuré qu’ils avaient réussi les exercices, mais en valorisant leurs efforts et leur persévérance, plutôt que leurs capacités intellectuelles.
Ensuite, on a redonné des exos aux enfants, et ceux du deuxième groupe ont bien mieux réussi que ceux du premier.
Attention aux étiquettes qui mettent la pression
« Complimenter sur les capacités intellectuelles, ça peut être une étiquette pressurisante pour l’enfant. Alors qu’insister sur le travail qu’il a fallu déployer ou la persévérance est plus efficace, parce que ça permet d’ouvrir le champ des possibles et de donner des pistes aux enfants pour avoir du pouvoir sur leur vie. »
Justine Maitre, psychologue
Plus généralement, la psychologue conseille d’accompagner les compliments d’un descriptif : pourquoi est-on fière de notre enfant ? Pourquoi le trouve-t-on drôle/empathique/généreux/intelligent/agile, etc ?
Parler au « Je » est aussi une bonne idée : « Quand tu fais telle chose, je suis fière de toi parce que…». « Je te trouve très mignonne quand tu as les cheveux qui bouclent après le bain », etc.
Si on trouve que le dessin de son enfant est beau, on peut aussi essayer d’expliquer pourquoi : « j’aime bien ton dessin parce que tu as utilisé plein de couleurs différentes », « je suis émue par ton dessin parce que tu nous as tous dessinés dans la famille », etc. C’est aussi l’occasion d’engager une discussion avec son enfant et de lui poser des questions sur les choix artistiques (oui oui !) qu’il a faits.
Pour bien complimenter son enfant, on peut aussi se rappeler des compliments que l’on a reçus nous-mêmes et qui nous ont le plus touchés. Pourquoi a-t-on ressenti ça ? Comment étaient-ils formulés ?
Complimenter son enfant en faisant gaffe aux stéréotypes genrés
Justine Maitre a ensuite évoqué un autre point très important : les stéréotypes genrés que tout parent a, même les plus féministes, et qui peuvent pousser à complimenter les petites filles quasi exclusivement sur leur apparence physique, tandis que les garçons sont eux valorisés pour leur agilité ou leur force.
Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter de dire aux petites filles qu’on les trouve jolies, ou aux petits garçons qu’on les trouve agiles, mais juste qu’on peut garder ça en tête et varier la palette de compliments.
La psychologue a également un autre conseil très important à donner aux parents :
« On conseille aussi aux d’éviter les comparaisons, notamment au sein de la fratrie, car ça met de la pression sur les enfants. On propose d’ailleurs un exercice familial quand on reçoit des enfants qui ont une mauvaise estime d’eux-mêmes. Chacun dit ce qu’il préfère chez les autres membres de la famille.
Ça permet de réaliser que les forces des uns ne sont pas forcément les forces des autres, et qu’elles ont toutes de la valeur. »
Ne pas se mettre trop de pression en tant que parent
Bon, en écoutant Justine Maitre, je me dis que j’ai déjà foiré des trucs dans ma manière de complimenter ma fille, mais pour la psychologue ce n’est pas grave du tout et il faut que je me détende du slip (sauf qu’elle l’a dit de manière beaucoup plus distinguée).
« Les parents font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord. C’est pas grave si on fait un compliment maladroit de temps en temps. La question c’est : qu’est-ce qu’on en fait ensuite ?
Dans le cas où on réalise qu’on fait beaucoup de compliments genrés à sa fille, on peut ensuite verbaliser cela auprès d’elle : je te dis beaucoup que tu es jolie, mais tu fais aussi preuve de persévérance et d’agilité, alors je ne veux pas que tu crois que c’est la seule chose importante. »
Justine Maitre, psychologue
OK, j’ai capté le message. Ce n’est pas un compliment maladroit qui va ruiner sa personnalité à tout jamais. Et surtout, en discutant avec Justine Maitre, j’ai réalisé quelque chose. Souvent, quand je dis à ma fille que je la trouve belle, c’est une manière détournée de lui dire que je l’aime et que mon cœur explose de bonheur en l’entendant rigoler.
Alors, pour changer un peu, au lieu de lui dire qu’elle est belle, je vais lui dire ça maintenant. Après tout, c’est le message que j’ai envie de lui faire passer : elle a une valeur infinie et inestimable pour moi, quelle que soit son apparence ou ce qu’elle accomplit.
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Crédit photo image de Une : William Fortunato from Pexels
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Les Commentaires
Donc très franchement rendre votre fille pimbêche c'est pas le pire truc qui puisse lui arriver. Réfléchissez si quand vous lui dites "tu es belle" spontanément si vous ne pensez pas plutôt à l'instant "tu es si gentille/rayonnante/pleine de joie". :/ Et plus globalement trop le dire ça appuie encore plus l'importnace de cette qualité imposée aux femmes. Combien de fois j'ai entendu des parents dire à leur fille "t'es pas belle !" quand elles faisaient un truc méchant ou vicieux.