Dog pound : la fourrière. C’est là que l’on entre au début du film, en compagnie de Angel, voleur de voiture, Davis, dealer et Butch, qui a agressé un flic, franchement incarcérés dans le centre d’Enola Vale.
Il ne faut pas se laisser avoir par la violence du titre, ni par le passé tumultueux du co-créateur de Kourtrajmé, Kim Chapiron. Bien sûr, c’est violent, très violent, insoutenable même. Mais ce qui frappe le plus c’est la tendresse du regard que le réalisateur porte aussi bien sur les jeunes que sur leurs gardiens.
Pas d’affrontement entre force du bien et forces du mal ici, seulement des individus, avec leurs qualités et leurs faiblesses qui cherchent à survivre. Bien mieux que d’autres, Kim Chapiron a su peindre avec délicatesse la fragilité de l’adolescence, même dans un milieu dur, a fortiori dans un milieu dur. Plus ils cherchent à se durcir, plus les prisonniers apparaissent délicats. En fait, le plus solide de tous est Max, qui en jouant les faibles (il fait croire qu’il est malade du SIDA) sait le mieux se protéger et s’isoler. Alors que ses camarades, cachés derrière des masques de cruauté finissent tous brisés.
Les premières minutes du film
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Des acteurs « vrais gens »
Kim Chapiron a eu la bonne idée de prendre des acteurs non professionnels, des “vrais gens”, et surtout des jeunes qui ont connu des centres de rétention semblables à celui du film. Ils n’ont donc pas la carapace d’un acteur professionnel, ou tout simplement d’une personne étrangère au milieu. Les blessures sont authentiques ce qui permet d‘éviter la caricature et d’avoir toujours un ton juste, malgré la subtilité des émotions.
Tout le travail de mise en scène sert la mise en évidence de ces deux pôles : fragilité et violence. La musique et le montage sont discrets et légers, le rythme n’est pas rapide, les mouvements de caméras sont contrôlés. Mais à l’intérieur, les émotions sont fortes, brutales, les affrontements bestiaux, et féroces. La violence s’accumule, s’entasse jusqu’à l’apogée finale, une scène magnifique bien que difficilement supportable. Après avoir perdu deux des leur, les adolescents protestent par une grève de la faim qui mènent lentement à une émeute, brutalement réprimée.
Haut les mains peau d'lapin
La prison est un univers qui fascine car il s’agit d’une micro-société à l’intérieur de la nôtre. Si les Etats-Unis en ont fait un véritable genre cinématographique, le sujet reste marginal en France. En filmant aux Etats-Unis, le français Kim Chapiron souhaite aussi mettre en garde des dérives du système carcéral français, qui s’inspire de plus en plus du modèle américain.
Mais ce n’est pas le fonctionnement ou la corruption des centres qui est dénoncée, au contraire les gardiens représentent plutôt des figures paternelles, impuissantes mais bienveillantes, c’est leur existence même qui est remise en cause.
Le but affiché de la prison d’Enola Vale est de remettre les adolescents sur le droit chemin, pourtant rien ne semble agir dans ce sens. On voit des salles de classe, mais elles sont toujours vides d’élèves, les détenus étant toujours montrés dehors, en train de creuser des trous. Une seule fois on les voit réunis pour un cours sur la gestion de la colère qui se termine en baston.
L’absence totale d’échappatoire, de voie de sortie est tragique, et la dernière scène, pendant l’émeute, montrant Butch devant le grillage, puis rattrapé et tabassés par les gardiens cherchant à mater l’émeute, semble suggérer que personne ne sortira vraiment de la prison. Et le tout dernier plan, alors que l’émeute n’est pas encore finie, nous sort de la prison, on repasse brusquement de l’autre côté du grillage, la porte claquée au nez, impuissants.
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