Quand on reste quelques temps à Séoul, il y a une visite que l’on vous propose constamment, une visite pour laquelle nous avons longuement hésité.?? Cette visite, c’est celle de la DMZ, zone démilitarisée (en anglais « demilitarized zone »), qui se trouve à environ 30 minutes en bus de Séoul. ??Créée en 1953, à la suite d’un traité d’armistice, la DMZ est une bande de terre d’une longueur de 248 km et d’environ 4 km de large, entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. ?Personne ne peut la traverser. ??Ce n’est donc pas un banal lieu touristique, même si de nombreux bus remplis de curieu-x-ses s’y arrêtent tous les jours.? Il s’agit d’une zone minée (on y compte apparemment plus d’un million de mines… gloups), constamment surveillée par 700 000 soldats nord-coréens et 410 000 soldats sud-coréens aidés par l’armée américaine.?? Elle rappelle surtout qu’aucun traité de paix officiel n’a jamais été signé entre les deux Corées, et que les deux pays se préparent constamment à toute agression.
Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à parler de la DMZ avec les Coréen-ne-s : ils vous répondront volontiers même si la plupart n’ont jamais pu y mettre les pieds. Pas de gêne ou de malaise de leur part mais pour eux, il ne s’agit pas réellement d’un lieu touristique. Certains de nos amis nous ont avoué ne pas avoir spécialement envie d’y aller. Cela reste, pour eux, un endroit fortement symbolique et un peu triste. N’oublions pas que certaines familles ont été séparées (un peu comme à Berlin, à l’époque du Mur). Nos amis coréens ont toujours répondu à nos questions sur la Corée du Nord et la séparation, mais n’ont jamais abordé le sujet spontanément.
Néanmoins, la Corée du Sud en a fait un lieu visitable et visité pour les touristes (en majorité chinois ou japonais).?? Pour vous y rendre, vous êtes obligé-e-s de passer par un prestataire extérieur. Il est impossible d’y aller par vos propres moyens. Nous, nous avions choisi une version « light », qui ne permet pas de voir toutes les installations.?? Tout commence avec l’entrée dans la DMZ : il faut passer une sorte de douane contrôlée par les militaires qui vérifient tous vos papiers d’identité et comptent les personnes présentes (ils recompteront à la sortie). ??On peut dire qu’il s’agit de la partie la plus impressionnante de la visite : un paysage désertique et soudain des barbelés, des postes de vigies, des alertes aux mines, des panneaux qui font peur. Mais aussi de nombreux rubans accrochés pour rendre hommage aux familles séparées lors de la division des deux Corées. Au loin, le Pont de Liberté (notons l’ironie de la situation), qu’empruntèrent 12 773 prisonniers libérés par la Corée du Nord en 1953.
L’excursion devient quand même un peu plus « fun » avec la visite du troisième Tunnel d’Infiltration
. La Corée du Nord a creusé de nombreux tunnels en douce afin d’envahir le Sud. Ça n’a pas super bien fonctionné : la preuve, ils ont été identifiés et on peut désormais en parcourir un à pied. Aucune photo n’y est tolérée mais croyez-nous, la situation est comique ! ?On vous donne à l’entrée un magnifique casque jaune OBLIGATOIRE, puis vous descendez, pendant longtemps, très longtemps (oui, il faudra tout remonter après) avant d’accéder au tunnel. ?On comprend alors l’utilité du casque : le plafond étant très bas, il faut adopter une démarche pour le moins glamour baptisée par Alicia « Jeune nain dans les mines de la Moria ».
La suite du programme est la vue (brumeuse) sur la Corée du Nord depuis l’observatoire de Dora. En gros, vous pouvez aller faire coucou à la statue de Kim à travers des jumelles (payantes). Ici, pas le droit de prendre des photos du paysage. Les appareils ne sont pas autorisés au-delà d’une ligne jaune, surveillée par des militaires ; cela donne donc des photos de gens qui regardent la Corée du Nord. Nous avons été tout de même surprises par le « concept » : créer un observatoire artificiel, pour les touristes, au milieu de la DMZ, pour jeter un oeil à « l’ennemi »…
Dernière étape de la visite : la gare ferroviaire de Dorasan, un lieu construit « dans l’espoir de… ». ??La station est située à 700 mètres de la ligne sud de la frontière. Tout y est prêt en cas de réunification des deux Corées : panneaux lumineux, douanes…? Notre guide nous a d’ailleurs éclairées sur le sujet : les Sud-Coréens ont hâte que cela arrive un jour !?? En attendant, la gare n’est visitée que par les touristes adeptes des photos ridicules avec les militaires, profitant du fait qu’ils ne peuvent pas quitter leur poste. Rendons hommage à ces pauvres jeunes (le service militaire est obligatoire pour les hommes et dure deux ans) envoyés à la DMZ, forcés de gérer un flot massif de touristes surexcités !
Nous aurions pu continuer la visite dans d’autres lieux emblématiques des relations entre les deux Corées, mais notre budget restreint nous en a empêchées. Cette excursion nous a quand même permis de nous rendre compte d’une situation compliquée, bloquée et, par de nombreux aspects, inquiétante. De plus, cette rupture coûte chère à la Corée du Sud qui ne posséde aucune ressource sur son territoire et est obligée de tout importer par les voies maritimes, les voies terrestres étant complètement bloquées. Pour l’anecdote, notre avion a carrément effectué une boucle pour ne pas passer au-dessus du territoire nord-coréen (et autant dire qu’au vu de la durée du voyage, on sent passer le détour) !
Outre l’aspect culturel de la DMZ, on retiendra aussi l’aspect surréaliste de la situation : se balader entre deux pays en guerre, en short, appareil photo au poing !
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Les Commentaires
J'ai un peu du mal à comprendre l'attrait de la DMZ...Après ça n'engage que moi.
Mais la Corée du Sud, c'est juste trop bien sinon