Il faut peut-être le dire tout de suite, histoire que les choses soient claires : Dix-sept fois Cécile Cassard est un film magnifique. Grandiose, merveilleux, époustouflant : la liste de grands adjectifs adaptés pourrait être longue. Est-ce que c’est trop en faire que de voir dans ce film sans prétention un véritable chef-d’œuvre ? Certainement pas.
Cécile Cassard est une femme, un peu plus de la trentaine. Elle a un fils, Lucas, et souffre le martyre parce que son mari vient de mourir. Elle tourne en rond dans une petite ville. Elle attend, ne fait rien, erre. Le temps passe, jusqu’à ce qu’elle prenne conscience qu’elle est devenue dangereuse pour son fils, et qu’elle décide de l’abandonner en le laissant à une amie, prête à renoncer à la vie. Et pourtant, elle n’en trouve pas la force, et s’en va habiter dans une autre ville, Toulouse. Là, elle fait la connaissance de quelques hommes, un peu au hasard, et démarre une nouvelle vie avec eux, et notamment avec son ami Matthieu. A partir de là, elle doit réapprendre à vivre, à oublier la mort de son mari ou du moins l’accepter. A redémarrer.
Au premier abord, Dix-sept fois Cécile Cassard peut sembler terriblement lassant, plat, chiant à mourir. Ce n’est pas très difficile d’être tenté par ces impressions, et ce pour la simple raison que dans ce film, en gros, il ne se passe rien. La souffrance de Cécile Cassard, même, son histoire, ne sont pas exprimés, criés sans cesse. Et pourtant, c’est clairement là tout l’intérêt de la chose. L’action, déjà, est justement cette absence de faits palpitants. Il ne se passe rien, et c’est ça, l’histoire. L’errance d’une femme, qui mène une vie triste et comme on pourrait en voir beaucoup. Rien d’exceptionnel, et c’est ce qui est merveilleux. Ses sentiments se devinent sans que l’on tombe le moins du monde dans le pathos. Ca, c’est certainement dû à la personne de Béatrice Dalle, qui interprète le personnage principal : Cécile Cassard semble égoïste, obnubilée par sa douleur, froide avec tout ce qui l’entoure, terriblement dure. Cependant, on ne passe pas à côté de ce qu’elle ressent et on ne peut qu’éprouver de la compassion ou du moins être touché.
C’est là tout le talent de Christophe Honoré, écrivain. Cette capacité à nous faire entrer dans ce petit morceau de la vie de Cécile Cassard presque l’air de rien. De nous y faire entrer sans les artifices habituels du cinéma, comme si le spectateur n’était là que par hasard et que rien n’avait été fait pour lui. Comme s’il ne faisait que s’introduire dans la vie de Cécile Cassard et ses amis pour un petit moment, obligé de comprendre les choses sans que l’on ne lui dise rien.
Mais avec cette chance incroyable de pouvoir s’émerveiller devant la beauté de cette histoire. Banale, peut-être, mais tellement belle. Par la retenue des choses, probablement, par ce sentiment que puisque le pathos est loin, on ne peut pas saisir la profondeur des émotions en un clin d’œil, mais qu’une fois qu’elle est là, c’est bien plus fort. Assurément, certaines scènes peuvent paraître bien inutiles si l’on n’est pas pris par la chose ; mais dans le cas contraire, on n’en est que plus émerveillé. Et il y a aussi celles, notamment lorsque Matthieu et Cécile sont tous les deux, telles la dernière ou celle où il lui offre son cadeau de Noël, devant lesquelles on peut difficilement ne pas être touché… époustouflé. Et tout ça l’air de rien, en toute modestie : c’est grandiose, juste grandiose. Et si beau.
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