Ah, misère de misère. On nous promet un beau, un poignant roman de rupture, proche du larmoyant parfois, oui, peut-être, mais détenant l’essence du rapport amoureux et la douloureuse désillusion de la séparation, un roman qui réunit l’usure des sentiments et le regret de ce que ça aurait pu être, les conséquences au quotidien, tout ça entrevu en quelques secondes, dix-neuf justement, l’autopsie d’une relation en quelque sorte. Et à la place, bon sang de bordel, c’est le récit d’une presque banalité d’aujourd’hui : un attentat à la bombe. Dans le métro qui plus est. Alors voilà : trente pages d’autopsie comme j’avais envie d’en lire deux cent quarante-cinq, et le reste de témoignages avant accident, d’ébauches de vie interrompues, d’incompréhension de l’événement et de recherche de coupable. De l’actualité à la place de l’amour.
L’histoire, la voilà : un couple lambda, Sandrine et Gabriel, vit ensemble depuis vingt-cinq ans. Ça fait un bout, et visiblement, un bout trop long. En guise de dernière lâcheté, ils décident d’un jeu. A la station Nation, Gabriel attendra que Sandrine ne descende pas du RER pour considérer que leur relation est close. Parce qu’évidemment, ils vont se quitter, elle sait parfaitement qu’elle ne mettra pas un pied en dehors de son train de banlieue et il le sait aussi.
Seulement voilà, ce jour-là, à cette heure-là, dans cette rame-là, un apprenti terroriste joue les invités-surprise. Le hasard con, quoi. Et du coup, Charras délaisse Gabriel et Sandrine pour chacun des types de la rame RER, qui nous racontent en gros que des fois la vie c’est beau, des fois c’est moyennement supportable et des fois c’est chiant, mais que dans tous les cas, c’est toujours mieux que de finir en bouillie à cause d’une bombe.
L’auteur fait donc parler ses personnages en de courts monologues, avec plus ou moins de justesse. Dans le moins de justesse, on retiendra la jeune fille de seize ans, qui s’exprime comme si elle en avait dix de moins, ce qui passe peut-être pour la Rnac (qui a propulsé Dix-neuf secondes roman fnac 2003), mais qui passe tout de suite beaucoup moins bien lorsqu’on arrive encore à se souvenir de ses seize ans. Enfin, ça devait sans doute constituer la parcelle de lumière.
Cependant, et ce malgré ma mauvaise foi, je suis obligée de reconnaître que les intrusions dans les pensées banales et/ou futiles des personnages a un côté assez émouvant, parce que leurs vies vont être stoppées d’un coup, sans qu’ils aient le temps de s’en accommoder. Et on est un peu triste pour l’ado, qui, aussi niaise qu’elle m’ait semblé, est sans doute trop jeune pour exploser dans le métro.
– Dix-neuf secondes, de Pierre Charras, aux éditions Gallimard (Folio).
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