« C’est qui les meilleurs coups ? Les gens de gauche ou de droite ? »
Voilà le genre de questions qu’on se pose souvent avec mon pote Simon, attablés en terrasse, un Spritz dans un main, une clope dans l’autre.
Au fur et à mesure des années et de nos discussions, la réponse paraissait limpide de mon côté : hors de question de coucher — et encore plus d’envisager une relation — avec quelqu’un qui ne partagerait pas mes opinions politiques, ces dernières étant essentielles à mes yeux.
Les rapports entre sexualité et politique m’ont toujours fasciné : le fait d’être de gauche ou de droite avait-il un impact sur notre manière d’envisager l’amour, les relations sexuelles, le consentement ?
Depuis les années 2010, à l’approche des élections présidentielles, les sondages de ce type se multiplient. Ainsi, le magazine de charme Hot Vidéo sortait en 2012 un sondage avec l’Ifop sur les « moeurs des Français et leurs orientations politiques » : on y apprenait que les électeurs de droite et du centre tendaient à avoir une vie sexuelle moins intense que le reste des citoyens (en jugeant sur la quantité de ces rapports et non leur qualité), ou que les sympathisants et sympathisantes de gauche seraient plus aventureuses en matière de comportements sexuels.
Rebelote en 2017, cette fois dans une étude du site libertin Wyylde avec l’Ifop, qui révélait que pour certaines pratiques « radicales » (BDSM, libertinage, éjaculation faciale et sodomie), la majorité des personnes interrogées affirmant les avoir déjà pratiquées se définissaient comme étant d’extrême gauche…
Exception pour l’anulingus et la bifle, plutôt pratiquées par des gens d’extrême droite.
Le sexe est politique (comme l’amour, et comme toute la vie, finalement)
Au-delà de ces sondages qui font doucement sourire, la question des liens entre vie intime et politique est souvent mise de côté : ce qui se passerait dans nos chambres à coucher serait bien loin des décisions publiques. À tort, selon le chercheur de l’Institut national d’études démographiques (Ined) Mikael Durand, qui étudie la politisation des individus et le rapport au politique des personnes homosexuelles. Il explique à Madmoizelle :
« Pour moi la sexualité est politique au sens où elle relève du politique. Elle est façonnée par des rapports de pouvoir et organise des hiérarchies et des inégalités, notamment entre l’hétérosexualité et les minorités sexuelles, et dans la gestion de la sexualité et du corps des femmes. »
Ainsi, de nombreux sujets liés à nos sexualités et à nos relations amoureuses sont politiques : l’avortement, le mariage pour tous, la PMA, l’IVG, la contraception, la protection contre les MST/IST… Et le chercheur d’ajouter :
« Dans un sens plus institutionnel, la sexualité est politique parce qu’elle fait l’objet de politiques publiques et qu’elle renvoie à des valeurs plus ou moins conservatrices ou libérales. »
Peut-on coucher avec quelqu’un d’un bord politique opposé ?
Dans un sondage mené par le site de rencontres extra-conjugales Gleeden avec l’Ifop et publié quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle 2022, on apprenait que :
« […] être de bords politiques différents est un frein à la mise en couple, pour plus d’une personne sur deux (55%) qui refuserait de nouer une relation, et 58% qui refuseraient d’avoir une relation sexuelle sans lendemain avec quelqu’un ayant des opinions politiques radicalement opposées aux siennes. »
Nolwenn, 26 ans, se décrit ainsi comme « anarchiste », avec « une aversion pour le système et le jeu politique, sur l’élection comme seul horizon politique ». Abstentionniste, elle estime que « le quotidien est politique, de qui fait la vaisselle à comment on prend des décisions en collectif ».
Dans ses relations, elle a parfois vécu des tensions avec ses partenaires quant à ses choix politiques, comme avec la personne qu’elle fréquente actuellement :
« Par exemple, la question de voter revenait tout le temps, c’était une tension latente. J’ai subi de son entourage une certaine forme d’infantilisation, et ça crée des engueulades. »
Pour Mikael Durand, de l’Ined, « la politique ce n’est pas seulement mettre un bulletin de temps en temps dans une urne — ça renvoie à la vision du monde de l’individu, à sa place sociale, à son univers de valeurs ».
De notre classe sociale à notre religion ou à notre manière de voir le monde, notre vision de l’amour est profondément traversée par des histoires politiques.
Qui se ressemble s’assemble, des urnes à la couette ?
Traditionnellement, ceux et celles qui se mettent en couple ont tendance à partager les mêmes opinions politiques, comme le rappelle Mikael Durand :
« La sociologie du comportement politique, montre que l’homogamie politique entre conjoints est plutôt la norme. Néanmoins, les couples politiquement divergents existent, mais l’une des conditions est la faible politisation des conjoints. »
Pour ceux et celles aux opinions politiques affirmées, une moitié aux opinions différentes voire opposées paraît inconcevable, comme l’affirme Nolwenn.
« Quelqu’un qui est encarté politiquement, ça me ferait chier, vu les dynamiques de partis politiques. Même quelqu’un qui vote Hidalgo ou Jadot, pour moi c’est pas acceptable. »
Dans l’étude de Gleeden avec l’Ifop de 2022, on apprenait que les divergences politiques représentent un motif de rupture surtout en cas de vote pour des candidats d’extrême-droite. 42% des personnes interrogées confient qu’elles quitteraient leur partenaire s’il ou elle avait l’intention de voter pour Éric Zemmour, et 35% pour Marine Le Pen — des chiffres particulièrement forts chez les moins de 25 ans, plus politisés et conscients des enjeux climatiques, féministes et antiracistes.
Enfin, le sondage de Gleeden aborde la question du wokefishing, néologisme utilisé pour parler des gens qui cachent leurs convictions durant la phase de séduction, allant jusqu’à prétendre soutenir des positions progressistes pour arriver à leurs fins — une pratique principalement masculine, qui interroge sur le rôle du genre dans les liens entre sexe et politique. Nolwenn constate :
« La prise en compte du care, la capacité de se projeter, l’empathie sont plutôt du côté des femmes. Mais par contre les hommes, quand ils pensent aux autres, ils deviennent des sauveurs et veulent se faire valoriser pour ça. »
D’autant que les analyses montrent que les femmes manifestent plus que les hommes un sentiment d’incompétence en matière de politique, comme le rappelle Mikael Durand.
Sexe et politique, des liaisons dangereuses ? Depuis le début de la campagne, on peut imaginer que nombre de couples ont vu leurs certitudes se bousculer et des tensions naître au vu de la situation politique actuelle. De là à ce qu’ils et elles se séparent ? Seules les prochaines semaines nous le diront.
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Les Commentaires
Bon, c'est ça la sexualité ? Rien que ça ? Jouissance Club, au secours.