Cet article est republié à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école.
Publié le 3 septembre 2019
Le harcèlement pour moi, ça a commencé dans le secondaire. Je ne connaissais personne, j’étais d’une timidité maladive, et je rougissais à la moindre remarque.
Les autres élèves profitaient de mon éreutophobie (la peur de rougir en public) à mes dépends. J’avais droit aux applaudissements exagérés dès qu’il faillait passer devant la classe.
Ça ne ratait pas, à chaque fois j’avais les joues en feu et je pleurais en essayant de cacher mon visage.
Ma vie à l’école avec le harcèlement scolaire
Les moqueries étaient souvent très directes. Ça passait par des mots blessants, des remarques sur mon physique ou sur mon incapacité à aligner plus de trois mots devant les gens.
D’autres fois, c’était des bousculades et des sacs envoyés en plein visage parce que j’avais eu le malheur de m’asseoir à la mauvaise place.
Dans tous les cas, je ne parlais que rarement à mes parents de ce que je vivais à l’école. Et pour cause, mon père a toujours eu un discours très culpabilisant sur le harcèlement…
Pour lui :
« Dans le harcèlement, il y a deux responsables : le ou la harceleuse, et sa victime, parce qu’elle se laisse faire. »
Avec le recul, je sais maintenant que cette phrase est complètement fausse ! Rien, absolument rien ne rend la victime responsable du harcèlement qu’elle subit.
On ne se « laisse pas faire », on subit une situation dont on n’est pas l’initiateur et qui nous fait souffrir. Se « laisser faire », ça laisse entendre que la personne harcelée a toutes les clés en main pour se défendre mais qu’elle refuse de le faire.
Il ne s’agit pas d’un refus de se défendre, mais plutôt de ne pas avoir la force ni les moyens de le faire. À qui la faute : la victime ou le harceleur qui a créé cette situation d’impuissance ?
Mon père pensait m’encourager à me défendre et à riposter aux attaques de mes harceleurs. Il ne pensait pas à mal, mais au lieu de m’aider, il a cassé le peu de confiance en moi que j’avais.
Je m’étais mise en tête que je méritais cette situation. Dès lors, je n’avais jamais osé protester face à mes harceleurs. Jusqu’à ce que j’entre à l’université !
Harcèlement scolaire : mon amie devient ma harceleuse à l’université
Je pensais être débarrassée du harcèlement, j’avais rencontré plein de gens sympas et j’étais surprise de la vitesse à laquelle on se faisait des amis là-bas.
J’étais donc aux anges, je m’étais notamment fait une amie avec laquelle nous partagions, soi-disant, une même expérience du harcèlement. Je pensais avoir enfin trouvé quelqu’un qui me comprenait.
Mais les semaines passent et il se trouve que cette même amie… se transforme en ma nouvelle harceleuse.
Elle commence par m’isoler et fait en sorte de me mettre toutes mes amies à dos. Les autres filles en question la laissaient se moquer de moi, un peu gênées par la situation. Ça devenait de plus en plus persistant et vicieux.
Quand j’ai eu la grippe, elle allait jusqu’à chuchoter à la fille assise à côté de moi :
« Quand est-ce qu’elle crève ?! »
À chaque fois que je toussais, tout en prenant soin de vérifier que j’avais bien entendu.
Elle s’en prenait aussi à cœur joie pour me faire des reproches injustifiés et m’insulter à demi-mots sur des messages groupés sur Facebook.
Harcèlement scolaire : le jour où j’ai tenu tête à ma harceleuse
Un jour j’en ai eu assez, alors en sortant d’un cours, armée de tout mon courage, je lui demande si elle a deux minutes pour parler. Elle est surprise mais accepte de me suivre.
Je lui pose alors clairement la question qui me brûle les lèvres depuis toutes ces années à être harcelée :
« Pourquoi tu me fais ça, tu as un problème avec moi ? »
Dire qu’elle était sans voix serait un euphémisme !
Après un moment bouche bée, les yeux grands ouverts, elle s’est empressée de me répondre que non, elle n’avait rien contre moi et qu’elle ne voyait vraiment pas de quoi je parlais !
Je m’étais préparée à tous les scénarios possibles, mais certainement pas à celui-là ! Je m’étais imaginée qu’elle m’insulterait, voire qu’elle me frapperait carrément ou qu’elle prendrait les gens autour à témoin pour m’enfoncer encore plus.
Mais ce n’est absolument pas ce qu’il s’est passé, j’étais moi-même surprise d’un tel déni, mais surtout agacée. Elle me harcelait depuis deux mois et elle ne voyait pas de quoi je parlais ?
J’ai dû lui demander pourquoi elle faisait ça au moins cinq fois avant de comprendre qu’elle ne me donnerait jamais de raison et qu’elle nierait jusqu’au bout.
Je lui ai donc calmement dit ce que je ressentais quand elle se moquait de moi, que je détestais ça, et qu’elle ne recommence plus jamais puisque visiblement elle n’avait pas de problème avec moi !
Et elle l’a fait. Plus jamais elle ne m’a harcelée, je n’ai jamais eu droit à des excuses, ça a été dur d’en faire le deuil, mais j’ai pu terminer mon premier semestre à l’université en paix.
Quelques mois plus tard, elle arrêtait les études, depuis, je ne l’ai plus jamais revue.
Harcèlement scolaire : ne pas avoir peur d’en parler et de demander de l’aide
Ado, j’avais peur d’en parler à un professeur ou que mes parents le fassent pour moi comme ils me l’ont si souvent proposé.
J’avais peur des représailles, je pensais que ça attirerait encore plus l’attention sur moi, que ça deviendrait un nouveau sujet de moquerie (« la fille qui appelle ses parents à la rescousse », ou « la fille qui balance »).
Aujourd’hui, avec le recul de cette histoire, je pense que rien de tout cela ne me serait arrivé. Pour la simple raison que les harceleuses et harceleurs ne sont pas nécessairement fiers de ce qu’ils font.
Ils en donnent l’impression quand ils harcèlent mais d’après mon expérience, quand on les met devant les faits, ils ont surtout honte.
Cela ne signifie pas que c’est le cas de tous et toutes, ni que tous auront une réaction passive face à une victime qui proteste. Il ne s’agit que de mon expérience, et si on ne le sent pas, ce n’est pas grave, on peut tout aussi bien demander de l’aide.
Toujours est-il que pour ma part, quand je lui ai parlé, ma harceleuse aurait pu se retourner contre moi par des moqueries et des insultes, comme elle l’avait fait tant de fois auparavant, mais elle n’a rien fait.
Et je pense que le fait que je lui ai parlé seule à seule et que je sois restée très calme tout du long y soit pour beaucoup.
Mais dans les situations extrêmes, ou simplement quand on n’ose pas se défendre soi-même, on peut toujours demander l’aide d’un adulte de confiance. Et j’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de honte à avoir !
Et c’est vrai ce qu’on dit : plus on grandit, moins on rencontre de gens comme ça, et plus on sait se défendre.
- Non au harcèlement, le site du gouvernement, et le numéro dédié : 3020
- Une parole de victime et des témoignages de harceleuses sur madmoiZelle
- Je suis victime de harcèlement scolaire, que faire ?
- Se remettre du harcèlement scolaire : comment faire ?
Ndlr : certaines phrases de ce témoignage ont été éditées après publication. Il s’agit de deux phrases qui ne changent pas le propos global mais apportent quelques précisions.
À lire aussi : Victime de harcèlement scolaire, j’ai transformé mon expérience
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Les Commentaires
Je réagis par rapport à la phrase que j'ai mis en gras. Je me demandais pourquoi ils n'ont pas su ? Pourquoi ne pas les tenir informés que des choses sont mises en place ? C'est une vraie question : est-ce qu'il y a une raison ?
Je me dit que même si ça n'aboutit pas tout de suite, ça peut aider l'élève harcelé de savoir qu'il n'est pas seul face à tout ça unno:
Plus haut tu dis que vos actions n'ont servi à rien à part à fatiguer les parents du harceleur qui ont fini par changer leur enfant de collège. C'est donc bien que ça a servi à quelque chose.
Ok, l'élève en question n'a sûrement rien appris, et va potentiellement refaire des victimes ailleurs malheureusement (il devrait y avoir un suivi là dessus, mais en tant que prof, ça n'est pas ton rôle), mais au moins, vous avez protégé vos élèves en permettant qu'il soit éloigné d'eux. Ca n'est pas rien à mes yeux.