Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez entendu quelqu’un vous dire « merci » ? De la dernière fois où vous, vous avez remercié quelqu’un ? Pensez-vous qu’un « merci » puisse avoir un rôle essentiel dans nos relations sociales ?
Selon Lisa Williams et Monica Y. Bartlett, chercheuses à l’Université de Nouvelles Galles du Sud, dire « merci » n’est pas seulement une question de politesse : exprimer sa gratitude pourrait permettre de construire et de maintenir nos relations sociales.
Une expérience centrée sur la gratitude
Pour parvenir à ce constat, les chercheuses ont mené une expérience centrée sur l’expression et la « réception » de la gratitude – les résultats ont été publiés dans la revue Emotion. Williams, Bartlett et leur équipe ont sollicité 70 étudiant-e-s sous un faux prétexte : elles ont expliqué aux participant-e-s que l’Université mettait en place un nouveau programme de tutorat.
Dans cette optique, les deux psychologues ont demandé aux participant-e-s d’endosser le rôle de « mentors » et de donner leurs avis sur des courriers envoyés par des lycéen-ne-s (ces courriers étaient de lettres de candidature pour être admis à l’Université).
Une semaine plus tard, Williams et Bartlett rassemblent à nouveau les participants. Cette fois, les chercheuses confient aux étudiant-e-s des lettres prétendument écrites par les lycéen-ne-s qu’ils ont conseillé-e-s.
C’est à ce stade de l’expérience que les chercheuses insufflent de la gratitude pour certain-e-s étudiant-e-s : la moitié des participant-e-s reçoit une lettre dans laquelle le lycéen-ne exprime se gratitude (« je vous remercie TELLEMENT pour le temps et les efforts que vous avez fournis pour faire ça pour moi ! ») et l’autre moitié reçoit une lettre dans laquelle le/la lycéen-ne répond simplement à leurs conseils, sans exprimer de gratitude.
En fin de compte, chaque participant-e a bien reçu un courrier de la part du/de la lycéen-ne qu’ils ont « tutoré-e », mais le contenu de cette lettre n’est pas le même pour tou-t-e-s.
Enfin, les chercheuses demandent aux étudiant-e-s de remplir un questionnaire sur leurs impressions à propos de l’élève tutoré-e, en soulignant que c’est la dernière étape de leur travail. C’est en fait une ultime pirouette de la part de Williams et Bartlett : ce que les chercheuses observent réellement, ce sont les réactions des participant-e-s après toutes ces étapes.
Plus précisément, à la fin du questionnaire, les chercheuses mentionnent, l’air de rien, que l’Université a laissé des blocs-notes à disposition et que les mentors, s’ils le souhaitaient, pouvaient les utiliser pour laisser un mot à l’élève avec lequel ils ont correspondu. Si l’élève était admis dans cette université, ils s’assureraient de lui transmettre ce mot.
L’équipe de scientifiques ajoute que, bien sûr, ce message est optionnel – après cela, les participant-e-s sont laissé-e-s seul-e-s et peuvent décider d’écrire un mot ou non.
Avec cette pirouette, les chercheuses mesurent l’affiliation sociale : les participant-e-s vont-ils tenter d’établir une relation avec les lycéen-ne-s ? Leurs réponses auront-elles un lien avec la gratitude exprimée ou non ?
Résultats : et si la gratitude permettait de se faire des potes ?
Tous les sujets de l’expérience (ok, « tous » à l’exception de trois personnes) ont laissé un mot de bienvenue pour leur petit-e lycéen-ne.
Williams et Bartlett se sont alors penchées sur le contenu de ces mots de bienvenue… et figurez-vous qu’elles ont observé
des différences intéressantes entre les participant-e-s qui avaient « reçu » de la gratitude et les autres ! 68% des étudiant-e-s qui avaient reçu le mot exprimant de la gratitude ont laissé leurs coordonnées dans leur courrier, pour seulement 42% des membres du « groupe contrôle » (celles et ceux qui ont reçu une lettre sans gratitude de la part de leur lycéen-ne).
Autrement dit, lorsque nous recevons de la gratitude de la part de quelqu’un, nous serions plus enclins à entamer une relation avec cette personne…
Les chercheuses ont également analysé les questionnaires remplis par les participant-e-s (portant sur deux dimensions spécifiques : la « chaleur » et la compétence) : les lycéen-ne-s ayant exprimé de la gratitude sont perçu-e-s comme des personnes plus chaleureuses, plus amicales et plus gentilles que les autres. Pour Williams et Bartlett, ce serait cette notion de « chaleur », plus que l’idée de compétence, qui serait liée à l’envie de laisser ses coordonnées disponibles pour les lycéen-ne-s.
Lorsque nous exprimons notre gratitude, nous sommes perçus comme des gens plus chaleureux. Et comme nous sommes vus comme des gens sympatoches, nous avons plus de chances que nos interlocuteurs souhaitent « aller plus loin » et engager une relation avec nous !
Finalement, lorsque nous disons « merci » à quelqu’un, nous disons bien plus qu’un mot… et nous pourrions bien transformer la suite de nos relations grâce à ces « mercis ».
La gratitude est une émotion complexe : elle peut être ressentie, exprimée, et reçue. Vous voulez en savoir encore plus ? Lorsque l’on exprime sa gratitude, on apporte un bien-être à celui qui reçoit cette gratitude… mais aussi à nous-mêmes : dans un article pour Cerveau&Psycho, Rebecca Shankland explique ainsi que le bien-être lié à la gratitude est encore plus intense lorsqu’on exprime son émotion… La vie serait-elle plus jolie si l’on s’exerçait à se dire merci lorsque l’occasion s’y prête ?
Mes madmoiZelles, milles merci pour votre écoute et nos partages passés et futurs !
Pour aller plus loin…
- La publication de Williams et Bartlett
- Un article du New York Magazine
- Le communiqué de l’Université qui a mené l’étude
- Un article de Lisa Williams
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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