De plus en plus médiatisé au cours du XXe siècle, le sport est peu à peu devenu une tribune politique dont les enjeux stratégiques concurrencent parfois les exploits physiques. Les grands événements sportifs peuvent désormais être suivis par des millions de personnes à travers le monde, faisant ainsi du pays hôte et des participants les cibles de l’attention internationale et permettant aux acteurs politiques d’utiliser l’image de leur pays ainsi véhiculée pour initier ou influencer des négociations internationales. C’est ce qu’on appelle la diplomatie du sport.
Comment le sport peut-il pacifier des relations ?
Des accomplissements sportifs peuvent participer au prestige d’un État et diffuser une image positive auprès de l’opinion publique internationale, renforçant ainsi ce qui, en politique internationale, est connu sous le nom de soft power (puissance douce), c’est-à-dire la capacité pour un État d’utiliser son influence politique, économique ou culturelle pour peser sur les actions ou abstentions de ses pairs. Il est donc possible que le prestige footbalistique de l’Espagne nous conduise inconsciemment à modifier positivement notre image de ce pays pourtant en difficulté financière.
L’instrumentalisation politique du sport peut avoir des retombées positives ou négatives sur les relations internationales, mais ne sera jamais qu’un prétexte à des évolutions préalablement voulues par les États. En effet, lorsqu’entre deux États la situation politique est tendue, le sport peut servir de vecteur de rapprochement à condition qu’il existe une réelle volonté d’évolution. Le sport sert alors de prétexte pour déclencher la reprise des relations cordiales, mais doit s’inscrire dans une stratégie globale.
L’organisation de l’événement elle-même nécessite une dialogue diplomatique : il faut déterminer la date et le lieu de la rencontre en tenant compte des intérêts politiques de tous les États participants et il faut ajuster à l’ampleur politique de l’événement le grade des dignitaires qui s’y rendront. La présence de diplomates à cette occasion donnera en effet lieu à des discussions informelles, très libres et sans enjeu officiel, ce qui facilite les prises de contact.
L’Inde et le Pakistan sont de grands adeptes de cette méthode : leur enthousiasme commun pour le cricket permet une grande médiatisation et une instrumentalisation politique des matchs les opposants, ce qui a conduit jusqu’en 2005 à de remarquables rapprochements entre ces deux États malgré l’importance de leurs désaccords.
Le ping-pong a également joué un rôle important dans l’histoire de la diplomatie : alors que la Guerre Froide limitait tout contact direct entre les grandes puissances, l’équipe américaine de ping-pong fut invitée en 1971 à se rendre une semaine en Chine. Un an plus tard, ce fut au tour du Président Nixon de rendre visite à Mao Zedong, incitant alors le Premier Ministre chinois à affirmer que « jamais auparavant dans l’Histoire le sport n’avait été utilisé si efficacement au service de la diplomatie internationale ». En novembre 2011, le ping-pong conduisit à nouveau des puissances rivales à se rassembler lors d’un événement sportif au Qatar, où furent invités (entre autre) la Corée du Nord et la Corée du Sud, l’Inde et le Pakistan, la Chine et les Etats-Unis.
Le sport, grand sauveur de l’humanité ? Pas sûr !
Mais si le sport peut aider à la résolution de conflits, il peut également les entériner, voire les aggraver, comme ce fut le cas pour « la guerre du foot ». En 1969, les matchs de la Coupe du Monde de football entre le Honduras et le Salvador ont été l’élément déclencheur d’une guerre de quatre jours qui a causé la mort de 2 000 personnes. Un conflit territorial opposait les deux États depuis plus de 30 ans et les avait conduits à cesser toute relation diplomatique, mais le hasard du tirage au sort de la Coupe du Monde les ayant désigné comme adversaire, les enjeux politiques furent exacerbés par la fierté nationaliste issue du sport.
Autre exemple (moins sanglant) de l’instrumentalisation du sport pour des motifs diplomatique, le hockey sur glace fut un terrain d’affrontement entre les blocs Est et Ouest pendant toute la durée de la Guerre Froide. Plusieurs compétitions ont été boycottées en réponse à des événements géopolitiques : l’invasion de la Hongrie, en 1957, ont poussé les États-Unis et le Canada à ne pas participer aux Championnats du monde à Moscou, puis en 1962 et à cause de la construction du mur de Berlin l’équipe de la RDA n’a pas eu l’autorisation de se rendre aux États-Unis pour disputer les Championnats du monde. Dans les années 70 et 80, parallèlement au dégel des relations entre les blocs, de nombreux matchs sont disputés entre l’URSS et les États-Unis ou le Canada, jusqu’au très célèbre match du Miracle sur glace où, contre toute attente, les États-Unis ont battu l’URSS lors du tournoi olympique.
En marge des compétitions et des négociations interétatiques, le sport peut également avoir une influence positive grâce à l’action d’acteurs civils comme les organisations non gouvernementales et associations qui profitent de la médiatisation des événements sportifs pour promouvoir une cause sociale et apporter une aide directe à la population locale. C’est le cas notamment de Peace and Sport qui utilise le sport comme « vecteur de stabilité sociale, de rapprochement et de dialogue entre les communautés » et c’est la raison d’être de l’Agence des Nations Unies Sport pour le développement et la paix. Cette dernière cherche à diffuser les valeurs du sport parmi les populations qui vivent dans des situations difficiles, dans un cadre de violences ou de reconstruction post-conflit, et à relancer les échanges entre les communautés antagonistes.
Les Jeux olympiques et la diplomatie
Si le sport est un reflet de la société, alors les Jeux Olympiques sont le terrain d’expression par excellence de la politique internationale. En 1896, Pierre de Coubertin souhaitait organiser une rencontre internationale sportive afin de promouvoir l’humanisme et la fraternité entre les peuples en rappelant que « L’important dans ces Olympiades, c’est moins d’y gagner que d’y prendre part« .
Pourtant, les Jeux Olympiques deviennent rapidement un outil de propagande pour les idéologies, éclipsant parfois les exploits sportifs, notamment à Berlin en 1936. Pendant la Guerre Froide, les boycotts américains puis russes marquent les Jeux de Moscou et de Los Angeles, et les Jeux de Beijing firent l’objet de vives controverses à cause de la situation des droits de l’homme en Chine.
Les manifestations de politique internationale sont également présentes à Londres. Par exemple, le Sud-Soudan n’ayant toujours pas été admis au Comité Olympique, les ressortissants de ce pays ne peuvent pas concourir sous les couleurs de leur pays nouvellement indépendant. Guor Martial, un marathonien, n’a donc pas d’autre choix que de participer sous les couleurs olympiques.
Les exemples ne manquant pas, connais-tu les impacts que ton sport de prédilection a pu avoir sur la politique internationale, et vice-versa ?
Source : sport4diplomacy
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