Depuis quelques temps, Facebook nous propose de revivre des souvenirs vécus à la même date il y a un, deux, quatre, six ans. C’est parfois l’occasion de se rappeler de bons moments, émouvants ou marrants. Là par exemple, j’ai vu que ça faisait quatre ans aujourd’hui que j’avais arrêté mes études. Je peux encore ressentir le souffle créé par mon soupir de soulagement !
L’immaturité gravée dans la roche (enfin, dans le Web)
Il y a quelques années, j’étais sacrément immature (et plus on remonte loin, plus j’étais con)
Mais c’est souvent l’occasion de constater qu’il y a un, deux, quatre, six ans, on était quand même un peu moins… enfin un peu plus… Enfin toi je sais pas, mais en tout cas, moi, je te le dis : j’étais sacrément plus immature. Et plus on remonte loin, plus j’étais con. Des statuts en guide de mise au point cryptée avec autrui, des statuts à la troisième personne, des statuts niais avec de l’insulte au milieu (pour que ça ait l’air moins niais), l’évocation quasi-systématique du fait que ce groupe, dont je partage le clip et qui est désormais très connu, bah je le connais depuis avant son succès, des selfies à l’appareil numérique avec supplément moue boudeuse et flash mal réglé…
Ces souvenirs de mes travers du passé me font tousser un peu fort.
En fait, dans ces moments-là, je suis gênée. Gênée par moi-même. Je le sais parce que j’ai toujours la même réaction, quand je suis gênée par moi-même : je fronce les sourcils, je plisse le nez, je fais une moue dégoûtée et je couine comme un animal blessé. Si la gêne vire à la honte, je me tiens, en plus, le visage dans mes mains et je secoue la tête comme pour oublier plus vite. Malheureusement, je ne suis pas une ardoise magique et le processus ne sert à rien d’autre qu’à me foutre éventuellement un léger mal de tête.
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Boule de neige du seum
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, une sensation de honte vient toujours avec ses copines. Partant de ce petit souvenir balancé sur mon coeur pas prêt, mon esprit décide alors de vagabonder vers tous les trucs qui me collent un seum gros comme une roue de tracteur. Mais mon cerveau n’est pas qu’un chien galeux : il commence par les petits détails gênants pour terminer sur (ce que j’estime être) les énormes casseroles qui me traînent au cul, comme pour m’habituer à la sensation.
C’est d’autant plus difficile que je suis prise d’un mal, pas très grave et totalement bénin, certes, mais pas toujours simple à accepter. Je… Oh, je ne puis croire que je suis sur le point de te le dire. Je…
Je n’assume pas tout. Je n’assume pas tout ce que j’ai fait dans ma vie.
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Je n’assume pas tout ce que j’ai fait dans ma vie.
J’ai passé quatre ans à répéter, dans divers articles qu’il fallait tout assumer, que tout le monde assume tout, que moi-même, je travaillais comme une forcenée pour assumer tout ce que j’étais, tout ce que je faisais, tout ce que j’avais fait. Mais le fait est que je me suis rendue compte, après coup, que je n’étais pas aussi détendue que je pensais l’être avec mon passé !
Par chance, je n’ai jamais rien fait d’absolument gravissime (sois rassurée, je n’ai commis ni crime ni délit, ni meurtre, ni raclette au micro-ondes par exemple).
Moi si j’avais déjà fait une raclette au micro-ondes, vivant avec ce poids sur la conscience.
Faut-il tout assumer ?
Ça fait des années que je me fais violence pour tout assumer — mes victoires comme mes échecs, mes peurs comme mes angoisses, mes joies comme mes grosses bourdes. Je prends tout en bloc en me disant, à chaque boulette, que c’est parce que je suis maladroite, à chaque coup de colère que c’est parce que je suis un peu sanguine. J’assume tellement que je raconte les trucs dont j’ai pourtant le plus honte, ou avec lesquels je ne suis pas encore à l’aise.
J’ai le sentiment de m’être mis, toute seule, une grosse pression sur les épaules
C’est pas forcément bien, dans le sens où, avec le recul, j’ai le sentiment de m’être mis, toute seule, une grosse pression sur les épaules, parce qu’assumer ses loses, c’est les raconter, les raconter, c’est faire marrer les autres… et faire marrer les autres, c’est faire preuve d’autodérision. Et faire preuve d’autodérision, c’est être cool.
Alors oui, de l’autodérision, j’en ai (bon, c’est vrai, ça me fait pas toujours rire, de me casser la gueule dans la rue quatre fois par mois, mais c’est pas la question : j’ai tellement l’habitude que ça me fait un pic de honte et trois heures après c’est oublié), mais j’ai mes limites.
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Les limites du « j’assume tout »
Mes limites, je les pose là : peutitin, penser à me demander si j’ai vraiment envie, si je suis prête, avant de balancer cette anecdote si drôle qui pourrait pourtant me desservir un jour — ou juste, qui me fait vraiment rougir trop fort quand j’y repense. L’idée, c’est que j’ai le temps de l’assumer à l’intérieur de moi avant de l’assumer à l’extérieur en la partageant avec autrui.
Peutideu : que ça ne m’empêche pas de devenir quelqu’un de mieux. On est humains, on est perfectibles, et je ne dis pas qu’assumer ses erreurs et ses bourdes en tout genre empêche de s’autopimper ! Mais dans certains cas, j’ai tellement assumé d’avoir été une trouducu que j’ai oublié de me dire :
« Hmmmm, t’as été une trouducu. Ne culpabilise pas des plombes là-dessus, mais réfléchis éventuellement à une solution pour faire en sorte que ça ne se reproduise pas, parce que c’est pas une fatalité, après tout. »
Moi quand je me remonte les bretelles.
La leçon que j’ai apprise cette semaine, d’une certaine façon grâce à Facebook, c’est qu’il vaut mieux assumer de ne pas assumer ce qu’on n’assume pas (tu suis ?), parce que sinon, c’est un petit peu plus chiant.
Ne pas tout assumer tout de suite, c’est pas dramatique. Parfois, ça demande une semaine, ou un an, ou dix, qu’il faut se laisser. Quand on a un cerveau un peu lourdingue comme le mien (et comme, peut-être, le tien), je crois qu’il faut accepter d’avoir besoin d’un peu de temps avant d’arrêter d’être gênée par un truc (ce qui est l’exact inverse de ce que j’ai longtemps cru). Et que c’est pas très grave !
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