Il faut bien l’avouer : ça fait longtemps que Hollywood est taxé de sexisme et de jeunisme. Le jeunisme, c’est le fait de donner une place importante aux jeunes (c’est l’inverse des entreprises et sociétés en France, quoi), de valoriser le fait d’être jeune… et discriminer le fait de l’être moins.
On peut pas dire qu’à Hollywood, le jeunisme concerne principalement les hommes. Dans les films, il n’est vraiment pas rare de voir des quinquagénaires, sexagénaires ou plus considérés comme tout à fait séduisants. Ce n’est pas mal, en soi ! C’est même carrément bien, de faire comprendre que dépassés les trente ans, on est toujours capable de séduire, voire de trouver l’amour.
Le problème… c’est que ça ne marche qu’avec les hommes. Les femmes, elles, doivent être toujours plus jeunes. À partir d’un certain âge (et par un certain âge, je n’entends pas « un peu âgée » : ça tourne plutôt autour de quarante ans), elles sont très peu à être toujours considérées comme potentiellement désirables.
Après ça, il n’est pas rare que les actrices se retrouvent à jouer le rôle de mères de personnes plus ou moins du même âge qu’elles dans la vie. Ce phénomène, Amy Schumer, la révélation humoristique du moment, l’a parfaitement mis en lumière dans une de ces récentes vidéos, The Last Fuckable Day, avec Tina Fey, Patricia Arquette et Julia Louis-Dreyfus.
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Une autre actrice a tout récemment apporté une nouvelle preuve que l’âge des hommes et celui des femmes sont traités bien différemment : dans une entrevue au site The Wrap, Maggie Gyllenhaal a confié qu’à 37 ans, elle avait été jugée trop vieille pour jouer la maîtresse d’un homme de 55 ans.
Je le redis autrement, parce que ça m’a paru aberrant mention complètement zinzin : une femme a été jugée trop vieille pour un homme plus vieux qu’elle de 18 ans.
La comédienne, connue et reconnue, qui a cette année gagné un Golden Globe pour sa performance dans l’excellente mini-série The Honourable Woman, a confié dans cette entrevue :
« Il y a des choses qui sont très décevantes dans le fait d’être une actrice à Hollywood et qui me surprennent à chaque fois. J’ai 37 ans et on m’a récemment dit que j’étais trop vieille pour jouer l’amante d’un homme qui avait 55 ans. Ça m’a stupéfiée. Ça m’a fait me sentir mal, puis ça m’a mise en colère, puis ça m’a fait rire. »
Notons par ailleurs qu’en 2009, elle jouait le crush de Jeff Bridges. À l’époque, elle avait 31 ans et lui, 59. Maggie Gyllenhaal est loin, très loin d’être la seule concernée : depuis toujours, et très régulièrement, les couples formés à l’écran ont une grosse différence d’âge. Pendant le tournage de Pretty Woman, Julia Roberts avait 22 ans. Richard Gere, 40. Dans Tout Peut Arriver, Jack Nicholson (66 ans) est courtisé et courtise Amanda Peet (31 ans). Dans Magic in the Moonlight, Emma Stone (25 ans) est amoureuse de Colin Firth (53 ans).
Il apparait donc comme évident que le sex-appeal des femmes a une date de péremption dans l’industrie du cinéma
, contrairement aux hommes du milieu qui, eux, semblent pouvoir vieillir sans s’inquiéter d’avoir moins de rôles, ou moins de rôles de tombeurs. Le site Vulture a, il y a quelques années, réalisé une étude à base de graphiques pour comparer l’âge des acteurs célèbres et celui de leurs compagnes à l’écran.
Mise en lumière de cette façon, la différence est frappante. Je me permets d’emprunter celui qui compare l’âge des personnages joués par Liam Neeson et ceux de ses amantes à l’écran :
Attention : je ne suis pas en train de dire qu’un couple formé par une femme très jeune et un homme plus âgé est quelque chose de condamnable (ce serait tirer une balle dans le pied de mon bonheur), mais il est en revanche regrettable de considérer, au même âge, des femmes « pas séduisantes » et des hommes « dans la fleur de l’âge »… C’est en tout cas l’effet que ça fait de l’extérieur.
C’est regrettable, parce que les films et les séries, comme tout ce qui fait la pop culture, jouent un jeu dans la construction des « normes » dans l’imaginaire collectif. Et pour le coup, ça devient au cinéma d’autant plus fort en terme de banalisation de la différence d’âge puisque la plupart des films avec des couples composés d’hommes plus âgés que leur compagne ne parlent pas de cette différence d’âge. En revanche, les films mettant en scène des couples composés de femmes plus âgées que leur compagnon tournent bien souvent autour de ce sujet (je pense par exemple à Perfect Mothers, 20 ans d’écart, Trop jeune pour elle…).
Je ne dis pas que banaliser ce premier type de couples est un problème ; je dis juste que ça ne devrait pas être aussi inégal entre les genres, et qu’il est scandaleux qu’une femme de 37 ans puisse être considérée comme incapable de séduire un homme de 55. Et qu’en plus d’être sexiste, cette façon de procéder laisse à penser que seul le physique et la jeunesse sont importants pour une comédienne.
– Si j’en crois mes calculs, tu as quarante ans dans dix ans et dix mois. – Oh Jean-Mi, tu sais si bien te servir de cette Casio Fx 92 ! – L’expérience, bébé.
En mettant en scène des couples à la différence d’âge aussi importante, mais seulement dans un sens, on sous-entend qu’au même âge, un homme est séduisant tandis qu’une femme ne l’est plus depuis longtemps. C’est une vieillesse à double vitesse qui donne une impression désagréable, un peu comme une fatalité : les actrices hollywoodiennes deviennent à nos yeux (aux miens en tout cas) condamnées à ne plus pouvoir séduire dès quarante ans… Elles n’en ont pas forcément envie, mais on ne leur laisse pas le choix, en tout cas. Comme si elles ne pouvaient pas « bien vieillir », contrairement aux hommes. Et le fait qu’il soit à peine mentionné qu’un homme a le double de l’âge de sa conquête peut, avec plus ou moins de force selon les femmes de la vraie vie, mettre une pression de l’éternelle jeunesse sur les épaules de ces dernières.
Depuis quelque temps, Hollywood est en ligne de mire pour son son manque de diversité. Lors des Oscars 2015, les nominations étaient d’ailleurs jugées à la fois racistes et sexistes. Cette nouvelle preuve de vieillesse à double vitesse selon le genre ne risque pas de calmer les esprits.
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