Mardi 27 juin 2023, un adolescent de 17 ans, Nahel, a été tué à bout portant par un officier de police à Nanterre, après un refus d’obtempérer. Depuis, la France s’embrase, en réaction au meurtre du jeune garçon racisé. Dégradations, incendies, les révoltes dans la capitale française, ses banlieues et de nombreuses régions prennent des proportions incroyables.
La révolte face au meurtre et le discours politique
Évidemment, les politiques sont sur le front, multiplient les interventions dans les médias, et certains disent de très grosses conneries, comme c’est le cas du préfet de l’Hérault Hugues Moutouh, interrogé par France Bleu :
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Sa meilleure citation ? La voici :
Si ces enfants sont élevés comme des herbes folles, faut pas s’étonner qu’à 12 ans, ils caillassent la police. Si demain, vous attrapez votre gamin qui descend dans la rue pour brûler des véhicules de police ou caillasser des pompiers ou piller des magasins… la méthode, c’est quoi ? C’est deux claques et au lit ! C’est ce que faisaient nos grands-parents.
France Bleu
Si les révoltes qui mettent le pays à feu et à sang peuvent inquiéter et indigner tout un chacun et c’est bien normal, affirmer, sur un média du service public, qu’il faut user de la méthode du « deux claques et au lit » pour faire rentrer dans le rang des adolescents qui veulent tout péter parce que l’un des leurs s’est pris une balle dans le cœur par un policier, c’est tout aussi problématique.
Ce que l’on entend dans ce genre de discours paternalistes et adultistes, c’est aussi un gouvernement qui fait reposer la responsabilité de ce qu’il se passe, d’un point de vue sociétal, sur les méthodes d’éducation d’une population minorisée, dénigrée, qui n’est, selon lui, pas capable de gérer ses enfants. C’est du racisme et du classisme, tout simplement. Au lieu de demander des comptes aux parents qui laissent leurs ados cramer des trucs, il serait intéressant de demander des comptes au gouvernement qui a laissé ce genre de situation arriver.
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Des politiques en parfaite déconnexion
Quand on entend des propos comme ceux du préfet de l’Hérault, ou quand on lit des tweets comme celui de Christian Estrosi, le maire de Nice, qui n’hésite pas à dire qu’il faut carrément supprimer les allocs des parents dont les enfants ont participé aux émeutes, c’est à se demander si la France pourra un jour guérir de la fracture immense qui existe toujours dans la société. Vous êtes déjà au bord du gouffre ? Allez hop, on vous pousse au fond.
Quant à la paire de claques proposée par le préfet qui n’hésite pas à citer le Code civil lors de son interview, en disant « Il y a dans le Code civil ce que l’on appelle l’autorité parentale, c’est un ensemble de droits et de devoirs qui s’exercent dans l’intérêt exclusif des enfants », il serait judicieux de lui suggérer que quitte à citer le Code civil, autant le faire bien : il est interdit par la loi de frapper les enfants. Est-ce qu’il aurait dit « une femme, ça s’élève avec une paire de claques, c’est comme ça qu’on faisait dans le temps » ? Non. Alors, cher préfet, merci de ne pas profiter de la situation dramatique que vit la société française pour balancer ces propos, au mieux déconnectés, au pire dangereux. Ces réflexions patriarcales n’ont plus leur place en 2023.
Une responsabilité partagée
Bien évidemment, il n’est pas dit ici que les parents n’ont aucune responsabilité quant à l’éducation et aux actes de leurs enfants. Mais il est tout aussi important de comprendre pourquoi on en arrive là, pourquoi tout est en train de cramer, pourquoi la colère gronde. Dans le cas des émeutes et de la mort du jeune Nahel, entendre le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti s’écrier « qu’ils tiennent leur gosse ! » alors qu’il devrait plutôt s’occuper de tenir ses flics et leur apprendre à ne pas tirer des balles dans le cœur des ados, qu’ils refusent d’obtempérer, ou pas, est scandaleux.
Comme le dit tout à fait justement la journaliste Barbara Krief dans un article de L’Obs :
Comme si le sujet n’était pas celui d’un policier, d’un État, d’un système éducatif, d’un contexte social, mais d’une crise familiale. C’est donner aux parents seuls beaucoup plus de poids qu’ils en ont réellement. S’il faut, comme le veut la formule, tout un village pour élever un enfant, il faut aussi toute une société pour désavouer une jeunesse.
Et puis, de quels parents parle-t-on ? Sûrement pas de Nadine Morano, dont un des fils sera jugé en septembre prochain pour un accident de voiture sous l’empire de la cocaïne. Ni d’Éric Zemmour, dont le fils a été mis en examen le 8 mai dernier pour un accident de la route ayant fait deux blessés alors qu’il conduisait alcoolisé.
Les parents qui reçoivent ces leçons sur leurs méthodes éducatives sont ceux qui sont les plus précaires et les plus démunis.
Barbara Krief
Deux poids, deux mesures, dans une société raciste, paternaliste, adultiste et patriarcale.
Messieurs les politiques, et plus particulièrement monsieur le préfet de l’Hérault, sachez que l’on peut très bien élever et expliquer les règles de la vie en société à un enfant, sans lui mettre des mandales. Est-ce que vous arriverez à l’intégrer ?
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Les Commentaires
J'ai déjà poussé mon aîné aussi, alors qu'il me faisait mal et qu'il ne voulait pas arrêter.
Je me refuse à les frapper car j'essaie de leur apprendre de ne pas utiliser la violence. Autant dire que si je les frappe, ce principe aura du plomb dans l'aile.
En revanche, mes parents m'ont donné un certain nombre de fessées, mais très rarement des gifles. Pour moi, une gifle est nettement plus sérieuse qu'une fessée. Déjà, ça fait plus mal, parce que la fessée, c'est sur du gras, ça claque, mais c'est tout. Et surtout, une gifle s'attaque au visage. Symboliquement, je trouve ça plus grave. Une vraie baffe, mon père ne m'en a jamais donné, mais je l'ai vu en donner une à mes adelphes lorsqu'iels lui ont fait très peur.