Publié initialement le 29 juin 2012
Aujourd’hui, nous allons parler d’une frustration inavouable qui ronge notre quotidien tel un pernicieux poison, j’ai nommé : les désillusions de la vie d’adulte. Toi aussi, tu croyais qu’une fois franchie la magique frontière de tes 18 ans, ta vie se muerait en un doucereux champ de roses et de bergamote ? Allez viens, prends-toi une bière bien fraîche et pleurons de concert.
La fac
Les séries américaines – ces odieuses menteuses – donnent des études une vision idyllique. D’ailleurs, chaque campus semble être subventionné par un émir du Qatar : sauna, hammam, table de massage pour courbatures post-partiels, piscine olympique, piste de ski intégrée, bref, autant d’équipements que tu ne verras jamais dans ton établissement, à moins de prendre des substances hallucinogènes. Lesdites séries étant pour moitié responsable de ton obtention du baccalauréat (tu voulais rencontrer Brandon, ce bellâtre en décapotable, au cours de ta L1 de socio), il convient néanmoins de leur rendre l’hommage qu’elles méritent. Voilà.
L’argent
Quand tu étais petite, tu croyais que l’argent coulait des distributeurs aussi naturellement que la bêtise sort de la bouche des Secret Storiens. Aussi, il ne te serait jamais venu à l’idée qu’une fois adulte, tu devrais économiser jusqu’à la lessive de tes petites culottes pour ne pas manger la semelle de tes chaussures à partir du 15 du mois. Là est le pervers paradoxe de la vie-de-grand : alors même que l’on te donne la clé du Paradis (la carte bleue avec laquelle tu rêves la nuit de dévaliser Asos et Topshop), il te faut réduire tes dépenses comme une mère de quinze enfants au SMIC. La vie est cruelle, sérieux.
C’est lundi, c’est ravioli !
La paperasse
Quand tu étais petite, tu a-do-rais recevoir les missives pataudes de ta correspondante belge ou de ton prétendant dyslexique. Et tu enviais tes parents, ces VIP qui recevaient au moins ton poids en courrier par mois. SAUF QUE. Ton indépendance t’a appris que lesdites lettres n’ont qu’un seul but : te spolier encore et toujours plus cet argent que tu n’as pas. Entre les amendes du bus, les lettres de rappel de la bibliothèque (tu n’arrives pas à te défaire du pléiade de Boris Vian emprunté six mois plus tôt, et préférerais te faire arracher les molaires plutôt que de le retourner à la B.U), divers impôts, tes agios, le gaz, l’électricité et autres joyeusetés, ta boîte aux lettres déborde. Et depuis l’avènement de Facebrother, plus personne ne t’a envoyé de carte postale. Maudite soit l’ère du numérique.
Les règles
Alors que tu n’étais qu’une innocente consommatrice de Barbies et de Petits Poneys
, un mystère de la nature te tourmentait le cervelet : les menstrues. Tu te demandais à quoi servaient les tampons de ta mère, et t’interrogeais devant la taille des couches de ton arrière-grand-mère, croyant voir un lien de cause à effet. De plus, la publicité t’a grossièrement induite en erreur : pour toi, les règles, c’était un pétale de rose sur une rivière enchantée. Et non pas une période apocalyptique où tu souffres le martyre, deviens une hyène acerbe et te couvres de boutons d’acné de la taille d’une balle de ping-pong. J’exagère à peine.
L’amour
Quand tu étais encore en âge d’écouter Notre Dame de Paris sans te cacher, l’amour, c’était un peu comme dans La Boum : une dégoulinade de sentiments et de mignonnerie à n’en plus finir. Mais que nenni. L’amour en 2012, c’est une lutte de tous les instants : ne pas sombrer dans la paranoïa à cause d’un « like » sur Facebro, survivre à l’épreuve du statut « En couple » sans déclencher l’ire de son vivier potentiel tous nos ex, trouver le bon cheval, vaincre la course aux MST, accepter l’idée que les divers Princes Charmants dont papa Disney nous a gavées jusqu’à la moelle sont bel et bien des êtres de fiction, ne pas se transformer en Valérie Trierweiler mégère tyrannique dès que l’élu-e de notre coeur adresse la parole à un-e représentant-e du sexe convoité, etc. Bref, une course de tous les instants bien loin du scénario à base de coeurs et de petits fours de notre enfance.
Toi, t’aurais dû prendre un Tic-Tac.
La fête
Ah, la fête ! Cet obscur objet de ton désir lorsque, à l’âge de dix ans, le bal musette de Pellouailles-Les-Vignes t’apparaissait comme le summum de la liberté et de l’indépendance. À cette époque, tu imaginais la fête comme étant un espace gai et folichon, où, tourbillonnant au son d’une exquise musique, de charmants éphèbes se bousculeraient pour t’offrir une coupe de champagne. J’ai toujours autant de mal à accepter que, souvent, les soirées, ne sont pas le comble de l’amusement et de la sociabilité, mais plutôt un territoire dangereux où l’on peut vomir de la cervoise tiède sur tes ballerines et où tu peux te fêler le coccyx à cause d’une chute sur une capote usagée. Mais bon, life is life, comme diraient nos papys.
Et toi, quelles sont tes plus grandes désillusions ?
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
J'ai été élevée avec l'idée (comme beaucoup) bon diplômes -> emploi stable -> bonne paye -> pas de pb financier. (et ta vie est géniale)
Sauf que l'époque des trente glorieuse (du temps de nos parents) est révolue depuis longtemps.
Maintenant notre génération se retrouve dans un monde hyper compétitif, où quoi que tu fasses, ce n'est JAMAIS assez bien.
Y'aura toujours 500 candidat/es pour le poste (même pas de tes rêves) qui te permettrait d'accéder à un semblant d'indépendance. Une liste d'attente de dingue pour un studio cher, moche dans un quartier minable que tu veux quand même, pour ne pas te coltiner 2h30 de transports tous les jours, à ton travail que tu n'aimes même pas.
Tu seras jamais assez diplômée, intelligente, jolie, dynamique, sportive, jeune, expérimentée, assez présente sur le réseaux pro, assez sociale, drôle, etc. Y'a toujours un truc qu'on va te reprocher quoi que tu fasses.
On a une pression que n'avait pas nos parents.
Parce qu'avec la concurrence sur tous les niveaux et sur tous les critères, et la quasi obligation de s'exposer sur le net (pour montrer que tu as une vie géniale) c'est hyper pesant.
Je sais que j'ai un coté pessimiste, mais c'est vraiment comme ça que je le vois.