Avec les confinements et les restrictions sanitaires, les travailleurs et travailleuses du sexe ont vécu la crise de plein fouet, la plupart ayant dû se résoudre à passer en ligne pour poursuivre leurs activités et éviter d’être davantage précarisés.
Mais non, travailler dans le sexe, ce n’est pas de l’argent facile, loin de là. C’est ce mythe, et bien d’autres, que Carmina et Prune aimeraient déconstruire dans « un documentaire sur la vie des créateurs et créatrices de contenus pour adulte », fait et alimenté par les personnes concernées elles-mêmes.
Mais pour que le film dépasse le stade de projet, de gros moyens sont nécessaires. Et en France, il faut se lever tôt pour se voir financer des contenus X, surtout lorsqu’ils sont produits par des indépendants. Le 12 novembre dernier, une campagne de crowdfunding a donc été lancée. Jusque-là, les deux réalisatrices ont réussi à récolter un peu moins de 4 000 euros et espèrent en récolter davantage pour financer TTDS, Télétravail du sexe.
Une image plus réaliste du travail du sexe
Faute d’éducation sexuelle complète, ou même simplement dispensée, les jeunes se tournent bien souvent vers le porno mainstream pour trouver des réponses à leurs questions. Les scènes peu réalistes, et souvent peu éthiques de ces vidéos gratuites, deviennent alors leurs premiers contacts avec la sexualité. Une réalité que Prune, travailleuse du sexe et co-réalisatrice du futur docu, dénonçait dans un de nos articles :
« Si nous avions plus d’éducation sexuelle, et une consommation plus responsable du porno, en soutenant les créateurs indépendants, on pourrait éviter de donner de la visibilité et de la force aux contenus illégaux et dangereux. »
Au-delà des imaginaires qu’il véhicule, le porno mainstream est gangréné par les violences sexuelles subies par les performeuses elles-mêmes, en témoigne la récente plainte pour viols posée contre 4 acteurs français.
En parallèle, de plus en plus de productions indépendantes et plus éthiques voient le jour, avec un accent sur le consentement et l’inclusivité. Mais même là, c’est loin d’être le monde des bisounours. C’est justement ce que Carmina et Prune souhaitent montrer dans TTDS : les réalisatrices veulent filmer les difficultés du milieu, notamment techniques, mais aussi et surtout « les conséquences positives ou négatives sur les personnes qui le pratiquent et leur entourage. »
Le docu, auquel Ser Lait et Aesalya participent également, a pour objectif de pallier l’absence totale de représentation des travailleurs et travailleuses du sexe français :
« La production journalistique et audiovisuelle autour de la pornographie et du travail du sexe est dominée par des voix conservatrices et puritaines […] Ce sont les personnes concernées qui sont les mieux placées pour parler des réalités de ces nouveaux métiers du sexe », rappelle la page de crowdfunding du projet.
Un docu auto-financé
« Les plateformes pour adultes peuvent être un endroit de créativité et d’expression du corps où s’épanouir », déclarent Prune et Carmina dans le descriptif de leur page Ulule.
Pourtant, cette créativité est encore très stigmatisée et les financeurs sont frileux à soutenir tout ce qui touche au sexe. Résultat, les indépendants doivent se débrouiller par leurs propres moyens. C’est notamment ce que dénonce la réalisatrice Olympe de G. dans son livre Jouir est un sport de combat auquel Madmoizelle a consacré un article :
« Il y a notamment la difficulté de financer le porno en France, sachant qu’on n’est ni vraiment rattachés au cinéma, ni au porno mainstream… J’aimerais bien pouvoir réaliser mes films dans les mêmes conditions que les autres réalisateurs et réalisatrices. »
Carmina, travailleuse du sexe et co-réalisatrice du futur film, s’exprimait aussi sur le sujet dans nos pages :
« C’est aussi ce qui fait notre force, cette capacité à se réinventer, à repartir de zéro en développant de plus en plus de compétences. On sera toujours là, car nous aimons notre métier, nous aimons nos communautés, et nous ferons tout pour conserver notre liberté de créer. »
Les réalisatrices visent au minimum 15 000 euros ! L’argent récolté par la campagne servira à financer le montage, le son, la location de matériel ou encore les différents déplacements. Il ne vous reste plus que 25 jours, si vous souhaitez soutenir ce projet…
À lire aussi : Sur MYM, les travailleuses du sexe peuvent encore poster du porno. Mais jusqu’à quand ?
Crédits photos : TTDS
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