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« Des mains de la mer s’emparèrent de moi » : Amélie Nothomb évoque le viol collectif qu’elle a subi à 12 ans

Dans Psychopompe (Albin Michel), son nouveau roman, Amélie Nothomb évoque métaphoriquement le viol collectif dont elle a été victime à 12 ans, sur une plage du Bangladesh. Un épisode qu’elle avait déjà tenté de raconter précédemment, mais qui n’avait pas suscité, dans une époque pré-MeToo, les réactions de soutien et d’empathie qu’il aurait mérité.

Autrice prolifique, Amélie Nothomb s’est déjà beaucoup racontée dans ses précédents romans. Mais son 31e, Psychopompe, paru le 23 août aux éditions Albin Michel, est sans doute son récit le plus personnel, le plus intime. 

Dans ce nouveau roman, où elle évoque son enfance ballotée aux quatre coins du monde, au gré des affectations de son père, un diplomate belge, l’autrice de Métaphysique des tubes revient durant deux pages sur le viol collectif dont elle a été victime alors qu’elle avait 12 ans, sur une plage de Cox’s Bazar, au Bangladesh. 

Interviewée lundi 28 août par Léa Salamé dans la matinale de France Inter, Amélie Nothomb a de nouveau évoqué cet épisode :    

« Je pars nager et je suis déjà loin du rivage quand je sens un très grand nombre de mains qui me saisissent par en bas, qui me dépouillent de mon maillot et qui me violent. Des mains invisibles, des êtres invisibles. J’appelle ça ‘les mains de la mer’ parce que je ne les ai pas vues. J’ai éprouvé une douleur extraordinaire mais plus que tout, j’ai éprouvé une peur sans nom puisque je ne voyais pas mes agresseurs. Il a fallu beaucoup de temps pour que je sois capable de hurler. »

La réaction salvatrice de sa mère

Amélie Nothomb raconte ensuite que sa mère, alertée par ses cris, « est arrivée en courant ». « Les mains m’ont lâchée. Et on a vu plus loin sortir de l’eau quatre hommes de plus de 20 ans qui se sont enfuis et qui n’ont pas été inquiétés. »

Mais c’est la réaction de la mère d’Amélie Nothomb qui a marqué l’autrice. Quand elle lui a raconté ce qu’elle venait d’endurer, elle lui a dit : « pauvre petite »

« Ça peut avoir l’air dérisoire, mais je remercie profondément ma mère d’avoir dit ça parce que ce sont les seules paroles qui ont commenté ce qui s’est passé. Si ma mère n’avait pas dit ces deux mots-là, le silence aurait été absolu. C’était une autre époque, c’était les années 70. Je ne me serais pas crue. Comme il n’y a eu aucun commentaire de personne, aucune suite d’aucune sorte, j’aurais très bien pu penser que j’avais complètement déliré, que j’avais complètement inventé cet épisode absolument abominable de ma vie. Grâce aux deux paroles prononcées par ma mère, j’ai su que ça s’était vraiment passé. »

Écrire ce viol a été « une démarche colossale »

Pour Amélie Nothomb, écrire sur ce viol collectif a été une épreuve, qu’elle a mis du temps à surmonter. Si elle avait déjà évoqué cet événement dans une interview accordée au Monde en 2017 et dans son roman Biographie de la faim (Albin Michel, 2004), c’est en usant ici d’une écriture poétique qu’elle a réussi à mettre les mots sur ce qu’il lui est arrivé. 

« J’ai voulu dire mon point de vue, explique-t-elle à Léa Salamé. Je voyais à peine ce qui se passait, mais je le sentais. Je ne peux pas davantage décrire des choses, j’étais là mais je n’étais pas là. (…) Mais déjà le simple fait de le dire, ça a été pour moi une démarche colossale. (…) Ça a mis énormément de temps. Je dois dire que pendant les 30 années qui ont suivi l’événement, j’en ai subi les conséquences tous les jours, j’ai même failli en mourir, mais je n’y ai pas pensé une seule fois. Tous les jours, je me considérais comme dégradée, foutue, etc., mais jamais je ne me suis pensée en termes de personne qui avait vécu cela. »

Des réactions « soit absentes, soit abominables » en 2004

Quant à la réception de ce nouveau récit intime, Amélie Nothomb avoue en avoir eu peur « et en même temps, moins que la toute première fois ». Dans un entretien accordé au Monde pour la sortie de Psychopompe, elle explique que les réactions à ce viol collectif subi enfant avaient été terribles, alors que la révolution #MeToo n’avait pas encore eu lieu

« La première fois que j’en ai parlé, c’était en 2004. Les réactions avaient été soit absentes, soit abominables. Un monsieur m’a lancé : ‘Je suis déçu, donnez-moi les détails.’ Un très éminent critique littéraire m’a dit : ‘Si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé.’ Aujourd’hui, on est dans le monde d’après. J’ignore si ce monde est mieux, mais au moins on sait qu’on ne dit pas de telles choses. Et, pour moi qui viens du monde d’avant, ces quelques lignes, c’est déjà énorme. (…) Dans les années 2000, ma psy m’a dit : ‘Vous savez, votre témoignage suffit’, et ç’a été une parole très importante. Je n’aurais jamais cru que j’étais un ­témoin digne de foi. »

Le Monde, Amélie Nothomb : « Décrire la douleur, j’en suis incapable », 30 août 2023.

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Les Commentaires

1
Avatar de Mary-Sue
31 août 2023 à 15h08
Mary-Sue
Un monsieur m’a lancé : ‘Je suis déçu, donnez-moi les détails.’

Toujours plus pour du sensationnel. Aux dépends des victimes. Triste mentalité.
7
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