On reproche souvent à l’édition jeunesse de perpétuer des stéréotypes de genres, de montrer une vision blanche et hétéronormée de la famille, de mettre dans la tête des petites filles l’attente d’un prince charmant. Et tout cela est historiquement vrai !
Lorsque l’on regarde avec un œil un peu critique les Dicos des Filles et autres Petit Ours Brun, on peut vite être effarés du sexisme à l’œuvre. Mais les choses sont en train de changer dans le paysage de l’édition jeunesse !
Une jeune maison, mais néanmoins déjà reconnue, On ne compte pas pour du beurre, entend bien prendre à bras-le-corps le problème du manque de représentations de tous les enfants et de toutes les familles, via des histoires passionnantes et variées.
Deux très bons albums sont déjà sortis : On n’est pas petits, dans lequel Hic et Nunc, des jumeaux de cinq ans explorent le monde en compagnie de leurs deux papas et de leur maman ; et La Voix bleue, dans lequel la petite Lila, qui a des superpouvoirs, vit des aventures extraordinaires en compagnie de ses deux mamans.
Deux nouveaux albums vont paraître le 14 janvier, l’un avec Hic et Nunc et l’autre avec Lila, et d’autres projets sont en préparation.
Interview d’Elsa Kadadouche et Caroline Fournier, fondatrices d’On ne compte pas pour du beurre
Nous avons interrogé les créatrices de cette belle maison d’édition, Elsa Kedadouche et Caroline Fournier, sur leurs projets et leurs ambitions. Une maison qui a un riche avenir devant elle !
Madmoizelle : Comment est né ce projet ? Quelle est l’histoire de cette maison ?
Caroline et Elsa : Étant deux mamans d’une petite fille dans une famille homoparentale, nous étions à la recherche de livres où notre famille pouvait exister. Et il y en avait si peu… Et encore moins d’histoires où ce cadre familial n’était pas le sujet.
Nous n’avons pas besoin d’expliquer à notre fille que sa famille est normale. Alors, nous avons créé cette maison d’édition, pour banaliser les représentations de personnages manquants à la littérature jeunesse.
En quoi ces livres sont inclusifs et féministes ?
Nous éditons des livres avec des personnages qui ont des schémas familiaux non classiques, qui sortent de l’hétéronormativité, qui peuvent être non-blancs ou atypiques… sans que tout cela ne soit les sujets de nos histoires.
Et nous sommes attentives aux stéréotypes de genre : les filles ne sont pas forcément douces, les garçons pas forcément courageux. Et d’ailleurs, la non-binarité aussi peut être représentée ! C’est un projet féministe dans le sens où nous luttons contre le sexisme, mais au-delà, nous luttons contre toutes les formes d’oppressions.
Pensez-vous qu’il y ait un manque de diversité actuellement en édition jeunesse ?
Pour ce qui est des représentations des personnes LGBTQIA+ par exemple, oui ! Vraiment ! Et cela se raréfie plus encore lorsque ces personnages ne sont pas dans des histoires qui expliquent, qui parlent d’acceptation des différences.
Par exemple, on voit deux papas le plus souvent dans des livres dont la thématique est la famille. La question est évidemment politique et il y a encore beaucoup de frilosités en littérature jeunesse. Deux petites filles amoureuses ? Cela en a fait reculer certain et certaines à notre stand au Salon du livre jeunesse de Montreuil…
Est-ce important de donner des images de famille diversifiées et pourquoi ?
Les livres jeunesse fabriquent des imaginaires et la possibilité de se projeter : être et devenir soi, parmi les autres qui sont différents. Si l’on ne peut jamais se reconnaître dans un livre, ou si l’on se reconnaît d’une façon négative voire ridicule, c’est une forme de violence car le monde nous indique que l’on n’est moins valable, sous-estimés. Cela crée des inégalités.
Et si l’on ne peut jamais reconnaître l’autre, savoir qu’une famille avec deux mamans existe par exemple, cette ignorance favorise du rejet. Il est urgent pour nous d’offrir d’autres visions.
Vous éditez principalement des femmes, est-ce une volonté ?
Notre politique d’auteurs et d’autrices n’est pas sexiste, elle est ouverte à tous et toutes avec une priorité donnée aux personnes concernées. Nous travaillons actuellement sur un projet avec un certain Thomas Quillardet.
Vos livres ont un propos mais sont aussi beaux, est-ce important d’accorder du soin à l’esthétique et à la fabrication ?
Merci ! Il est très important pour nous de proposer des univers créatifs singuliers et de beaux objets.
Si notre projet est politique, il est tout aussi artistique. Et les deux vont ensemble. Pour nous, il est important de donner de la valeur aux personnages que nous voulons mettre en avant bien sûr, mais aussi de faire découvrir des créateurs et créatrices qui nous touchent, avec des sensibilités et des regards exigeants.
Quels sont vos projets à venir ? Combien de publications par an ?
Au printemps, vous pourrez découvrir Léo là-haut, un.e enfant atypique dans la lune et Je m’appelle Julie, une petite fille trans qui prépare sa rentrée avec son nouveau prénom. Nous souhaitons éditer 7 livres par an.
Où peut-on acheter vos livres actuellement ?
À partir du 14 janvier, dans toutes les librairies en France, en Belgique et en Suisse, vous trouverez nos quatre premiers albums. Et l’on prépare la suite pour le printemps…
Retrouvez toutes les publications d’On ne compte pas pour du beurre
À lire aussi : « J’ai voulu représenter les familles LGBTQ+ avec ma maison d’édition jeunesse inclusive »
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Les Commentaires
@Fille du Feu : je te conseille "le voyage de June" (l'histoire d'une petite fille qui fait un voyage en train avec ses 2 mamans pour aller chez ses grands-parents, tout simple et mignon) et "Julian au mariage" (un petit garçon et une petite fille jouent lors du mariage de 2 femmes, ce que j'ai trouvé un peu dommage c'est que c'est pas évident pour un enfant que ce sont 2 femmes mais le livre est très beau!). Ma fille (4 ans et demi) aime beaucoup les 2!
Et ça ne représente pas de maman mais elle vient d'avoir pour Noël "le camping car de Papy" : un papi parle à sa petite-fille des voyages qu'il faisait en camping car avec son amoureux (le grand-pa de la gamine donc) où on voit un couple d'hommes mais ça parle aussi du décès, des souvenirs, de la famille... C'est très beau!
Pour Petit Ours brun dans mes souvenirs (années 80/90 donc :vieux les livres étaient assez sexistes avec une répartition des tâches très genrée. Dans les livres de ma fille ce n'est plus le cas, je pense qu'il y a clairement eu une volonté de moderniser et dépoussiérer l'image (le design aussi a changé). C'est pas transcendant niveau inclusivité bien sûr mais ce n'est pas ce qu'on attend de ce genre de littérature. Pour le dessin animé je n'en sais rien par contre !
Si certain-es ici ont des enfants qui ont lu des livres des éditions "On compte pas pour du beurre" je suis curieuse d'avoir des retours d'enfants sur les livres (et l'âge des enfants?).