Après avoir ému tout l’Internet avec son poème sur l’alcoolisme, Patrick Roche dévoile une nouvelle ombre de son intimité.
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Il souffre de dépression. Au micro des Button Poetry, il en parle comme d’un amant abusif, et manipulateur. D’une relation dont il voudrait s’affranchir, sans savoir s’il en serait capable.
Voici son poème, intitulé Couples Therapy.
Conseil Conjugal
« Chaque jeudi, je vois une conseillère conjugale, avec mon compagnon : la dépression.
Il me chuchote à l’oreille de rester au lit un jour de plus. Il presse sa main sur ma poitrine, fébrile à l’idée que je puisse m’évader des couvertures.
Après m’être extrait de la douche, son odeur me colle toujours à la peau. Comme les crises d’angoisses à minuit, comme tutoyer le pharmacien, comme l’appétit que je n’ai pas, mais ça va, j’ai déjà mangé une barre de céréales aujourd’hui.
Nos sessions chez la conseillère conjugale durent 50 minutes. Nous avons passé ce temps à ressasser les mêmes problèmes devant lui. On a eu des hauts et des bas, depuis le lycée, mais cette fois-ci, on a tenu une bonne année. Ça doit vouloir dire qu’entre nous, ça devient sérieux.
Elle me demande si j’ai de l’appétit. Non, je ne mange pas, mais il me préfère maigre, c’est plus facile pour lui d’être la grande cuillère, c’est comme si je disparaissais en lui, comme si son corps avalait le mien.
Elle me demande si j’ai vu mes amis récemment. Non, pas depuis un bout de temps, on reste souvent à la maison. Mes amis sont un peu la troisième roue du carrosse quand nous sortons ensemble. C’est ce qui arrive quand on est en couple avec la même personne depuis longtemps.
Elle me demande s’il y a eu du changement entre nous, depuis que j’ai commencé le Zoloft. Il plante ses ongles dans l’accoudoir, grince des dents, elle me repose la question. Il en devient jaloux, mais Zoloft me fait du bien. Il m’emmène petit-déjeuner le matin, me fait manger du pain perdu.
Il a perdu son sang-froid, m’a accusé de lui être infidèle, a menacé de sortir les ciseaux, alors j’ai menacé de prendre plus de Zoloft — tout le Zoloft. D’un seul coup. J’ai failli le faire.
Elle me demande si c’est le soir où un ami m’a emmené aux urgences. « Oui, mais c’était juste cette fois-ci ». Et l’infirmier a interdit les visites, m’a coupé du Zoloft ; ça nous a rapprochés, de passer du temps en tête-à-tête, comme un couple.
Notre conseillère pense que je reste avec lui uniquement parce que mon père traitait ma mère de pute, ou parce que parfois, il m’arrive encore de souhaiter d’être hétéro, ou parce que je n’ai jamais eu de relation sérieuse. Elle ne comprend pas que cette relation est la plus sérieuse que j’ai eue.
Elle nous dit que le temps est écoulé, revenez la semaine prochaine. Il murmure « d’accord », à travers mes lèvres, claque la porte derrière nous. Notre conseillère dit qu’il y a eu des progrès ces dernières semaines. Que lui et moi resteront probablement toujours ensemble, mais que j’aurai un peu plus d’indépendance, bientôt.
Dernièrement, j’ai commencé à réfléchir à cela. Aux matins où je me réveille, et j’ai faim. Mon corps se souvient comment se lever de lui-même, comment laisser ses bras s’éloigner de sa taille pour quelques heures, pour que je puisse finir un poème.
Regarder Parks and Recreation.
Manger un sandwich.
Faire le lit sans y ramper à nouveau, même lorsqu’il me dit que sans lui, je serais une coquille vide, grinçante, une ruine à l’abandon.
Parfois, je pense encore qu’il a raison, mais la semaine dernière, je suis monté sur la balance, et j’ai pris un kilo.
Ce n’est qu’un kilo, mais c’est le mien. C’est entièrement moi. »
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