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À propos de Madmoizelle

À Denis, mon vieux pote, mon mentor, mon associé, le cofondateur de madmoiZelle

Denis, le cofondateur de madmoiZelle et ami de Fab depuis vingt ans, est décédé brutalement ce lundi 11 février. Voici la dernière lettre que Fab a voulu lui adresser, avec vous, lectrices et lecteurs de mad, comme témoins.

Salut Denis,

je sais que tu croyais pas au Paradis, mais je me dis que là où t’es, tu te démerderas sans doute pour trouver une connexion wifi ou un peu de 4G, et que tu arriveras à lire ce message.

J’espère en tout cas, parce que bordel, comme tous ceux qui t’aiment autour de toi, j’ai pas eu le temps de te dire au revoir.

Tu es mort brutalement, d’un arrêt cardio-respiratoire, ce lundi midi.

Tu venais de partager sur ton profil Facebook l’article sur la Ligue du LOL, que t’avais relu dans la matinée avec Mymy et Clem. Toute cette histoire t’avait tellement remonté tout le week-end. Et puis trente minutes plus tard, bam, tu es parti.

Tu disais régulièrement que t’allais pas tarder à « casser ta pipe », mais je pensais pas que ça viendrait si vite.

C’était si rapide que je n’ai pas eu l’occasion de te dire plein de trucs que j’aurais aimé te dire. Et pourtant, je t’en ai déjà raconté, des trucs, en vingt piges. Plein.

J’en profite aussi pour te prévenir : tu vas sans doute détester ce que je m’apprête à faire. Divulguer ta vie, notre vie, aux yeux de toutes et tous. Tu préférais exister dans l’ombre.

Mais mad, c’est notre projet, et tu mérites que je prenne les lectrices et lecteurs de mad à témoin. Déso pas déso, comme dirait l’autre.

C’est rare de croiser dans sa vie une personne qui, quand tu regardes en arrière, a bouleversé à ce point ton existence. C’est rare et précieux et j’ai conscience de la chance que j’ai eue de te croiser.

Un jour de 1999, t’as passé la tête dans mon bureau-bocal chez Pimkie, sans doute intrigué par le bruit en émanant à longueur de journée (j’avais 20 ans et j’épuisais tout le monde à chanter l’intégrale de Notre Dame de Paris en boucle) (oui).

J’ai été étonné et intrigué sur le moment : t’avais 35 ans, tu venais de fermer ta boîte pour trouver un job de directeur de la communication chez « Pim ».

T’y connaissais pas grand-chose en Internet, mais t’avais suffisamment d’expérience dans le Minitel (sisi) (t’appelais les sites « les kiosques » à l’époque) et de curiosité pour m’écouter, piger ce que je voulais faire et me dire « bah fais-le, gamin ! ».

Ensemble, on a créé un magazine web pour Pimkie, qu’on a ensuite appelé MoVe and Be (ce nom, c’était ton idée). On a fait grandir ce projet entre 1999 et 2005, puis j’ai fini par quitter Pimkie.

Toi t’y es resté, mais on a continué ensemble avec ce nouveau projet, madmoiZelle (ça c’était mon idée), qui était la continuité logique de l’expérience Pimkie.

Entre temps, dans notre vie perso, on est très vite devenus très bons potes, malgré nos quinze ans d’écart.

Je me souviens, un samedi, tu m’as invité à un barbecue chez toi avec Cath, j’ai rencontré ta femme et tes mômes, hauts comme trois pommes à l’époque. J’étais impressionné, tu t’rends compte, j’étais chez le boss, avec sa famille étou, wow.

On allait déjeuner tous les midis ensemble, tu m’as pris sous ton aile et appris tellement, tu m’as enlevé mes œillères sur tant d’aspects de la vie, je sais aujourd’hui que je ne serais pas le même homme si je ne t’avais pas rencontré.

Mais je crois pouvoir dire aussi que t’as pas mal changé à mes côtés.

On a grandi ensemble pendant 20 ans, nos familles ont évolué aussi, nos femmes ont monté leur agence immobilière ensuite, ta fille est devenue la marraine de Lyna, notre aînée.

Elle a fait ses premiers pas chez vous, on a passé nos vacances ensemble, puis vous vous êtes séparés avec Isa, on a dû gérer ça dans notre quatuor, je pense qu’on s’en est bien tirés…

Merci Isabelle, merci Andélis, merci Hugo pour tous ces bons moments.

Et toi, Denis, t’as toujours eu le chic pour me poser la bonne question, me faire la bonne remarque, pour me mettre le nez dans mon caca. Tu ne me le collais pas dessus, non, tu me le montrais juste, comme ça. « T’as vu ? Il est là ! ». Et puis tu me laissais gérer.

C’était relou, souvent, et je finissais par m’y atteler, parce que je SAVAIS que t’avais raison, mais c’était tellement précieux d’avoir quelqu’un à mes côtés pour me pointer CE TRUC que je n’avais pas envie de gérer.

C’était parfois rock’n roll entre nous, on a été capables de s’engueuler, quelques fois violemment, mais même dans les moments tendus, on n’a jamais douté de notre bienveillance l’un envers l’autre.

Et si on n’a jamais douté, c’est parce qu’on savait tous les deux qu’on avait créé une boîte hors-normes.

J’en suis certes à la tête depuis tout ce temps, mais tu m’as été d’une immense inspiration, en m’initiant à la liberté, en m’aidant à me débarrasser de mes carcans, à soigner mon propre syndrome de l’imposteur, à modeler la boîte que je voulais faire.

En me posant ta question préférée, « pourquoi tu fais ça ? » — que je fais aujourd’hui « subir » à mes équipes et à mes proches.

Une boîte tellement hors-normes qu’on faisait nos conseils entre associés le samedi matin, et qu’on finissait par discuter de nos prises de tête entrepreneuriales en faisant les courses familiales tous les deux, alors que je trimballais Lyna en porte-bébé. Qui fait ça dans la « startup nation » ? (Vous devriez, c’est l’ingrédient secret de notre potion magique)

Tu étais mon « homme de l’ombre », celui qui agissait plutôt dans les coulisses — en dehors de quelques articles d’actu naguère, tes nombreuses interventions sur le forum et cette interview en 2008 de Jean-Louis Aubert, que tu admirais tant.

Tu étais mon miroir, tu étais ma béquille quand ça n’allait pas, ou capable de t’effacer et de m’aiguiller ailleurs quand tu ne savais pas, tu étais mon déversoir quand j’avais un trop-plein, tu savais aussi dire les choses que je ne savais pas formuler.

J’ai toujours eu conscience de la chance que j’avais de t’avoir à mes côtés quand je voyais mes camarades entrepreneurs et entrepreneuses galérer seuls. Je sais aujourd’hui que je ne serais pas le patron que je suis sans toi.

C’est toi qui m’as filé les bases de « c’est quoi être un patron de boîte », qui m’a inculqué cette obsession de la gestion « responsable », qui fait que mad est toujours vivante et indépendante après toutes ces années.

Tu as été d’une aide tellement précieuse, à tellement de niveaux.

Maintenant, tu es parti. madmoiZelle a perdu son deuxième daron, les membres du forum ont perdu cet avatar de Gandalf qui sévissait sur les sujets d’actu, Clem et Mymy, avec qui tu bossais quasi quotidiennement, ont perdu un ami et un Grand Sage, et moi j’ai perdu mon grand frère.

Ma tristesse est infinie et je pleure depuis une heure que j’écris ce texte.

Mais toi-même tu sais, mon vieux, parce qu’on se l’est déjà dit : madmoiZelle te survivra, madmoiZelle nous survivra, madmoiZelle, c’est désormais plus grand que nous.

Finalement, le truc qui me rend plus triste que tout, c’est que t’aies pas vécu assez longtemps pour voir à quoi ressemblera madmoiZelle dans les années à venir, et ce que deviendra Rockie, notre p’tite dernière, en grandissant.

T’en étais si fier, de nos projets.

J’espère juste qu’où tu te trouves, ta connexion Internet est pas trop dégueu, que t’as un beau gîte avec un magnifique paysage à contempler quand tu te lèves le matin. Garde-nous une place au chaud, on viendra te rejoindre en temps voulu.

Je t’aime, mon vieux, et j’aurais dû te le dire plus (saloperie de masculinité toxique). Merci pour tout, tellement. Je t’aime et surtout : t’inquiète pas pour moi, pour nous, on va se sortir de tout ça encore plus fortes.

PS : J’ai sans doute pas besoin de te le préciser, mais compte sur moi pour prendre soin de Sab, d’Isa, des enfants, de Virginie et Chat Cannelle bien sûr.

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Les Commentaires

67
Avatar de Nastja
20 février 2019 à 10h02
Nastja
Oh non je suis désolée
Je peux enfin mettre un visage sur cet avatar de Gandalf mais c'est si triste de le découvrir de cette façon.
J'aimais bien ses interventions, un peu mordantes parfois mais toujours raisonnées.
Courage Fab!
0
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