L’année dernière, le 8 mars 2014, l’association Mémoire Traumatique et Victimologie avait lancé la campagne Stop au déni, pour dénoncer la culpabilisation des victimes de viol. Mais elle ne s’est pas arrêtée là. Après cette campagne, l’association a aussi proposé un questionnaire anonyme pour les victimes de violences sexuelles, qui les interrogeait sur l’impact de ces violences sur leur vie, et la façon dont elles avaient été prises en charge et soignées.
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Le résultat est désormais en ligne sur le site Stop au déni. Plus de 1200 personnes, dont une immense majorité de femmes, ont répondu au questionnaire, et le constat est terrible : d’après leurs réponses, les violences sexuelles en France touchent majoritairement… Les mineur•e•s.
C’est la première fois, en 2015, que cette partie de la population est vraiment prise en compte dans une enquête sur les violences sexuelles en France : même si trois autres études ont eu lieu en 2007, 2008 et 2009, elles étaient centrées sur les victimes majeures.
En 2015, Stop au déni veut donc redonner la parole aux victimes de ces violences sexuelles.
81% des victimes de violences sexuelles l’ont été avant leurs 18 ans
Les chiffres sont particulièrement effrayants. Parmi les personnes qui ont répondu au questionnaire, 81% déclarent qu’elles ont subi des violences sexuelles avant d’atteindre la majorité. 68% ont été victimes de ces violences avant l’âge de 15 ans, et 21% avant leurs 6 ans.
Le phénomène touche aussi bien les hommes que les femmes : ces dernières sont 80% à rapporter des violences sexuelles subies avant 18 ans, et une femme sur cinq avant 6 ans. Pour les hommes, le chiffre des victimes mineures est encore plus important : 90% de ceux qui ont répondu avaient moins de 18 ans au moment des violences.
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Par violences sexuelles, on entend à la fois les agressions sexuelles, les viols (sans inceste), l’inceste (avec ou sans viol) et des violences d’autre types non précisés. Bien souvent, les réponses montrent que certaines de ces violences, comme les viols en situation d’inceste, concernent, dans la très grande majorité, des victimes mineures.
Les personnes interrogées sont aussi plus nombreuses à déclarer qu’elles ont subi des agressions sexuelles, des viols et des incestes lorsqu’elles étaient mineures, qu’après leur majorité. Certaines indiquent même que les violences subies dans l’enfance se sont poursuivies à l’âge adulte.
Dans la majorité des cas, le/la coupable est un•e proche de la victime mineure
Comme les viols subis par des adultes, la plupart des violences sexuelles commises sur les mineur•e•s ne sont pas le fait d’inconnu•e•s. Là encore, il faut oublier le mythe de l’agresseur anonyme qui agit le soir dans l’obscurité. L’enquête rappelle :
« L’auteur•e des faits est un•e proche de la victime dans 94% des cas, et un membre de la famille dans plus de la moitié (52%) des cas, ce taux atteignant même les 70% si les violences ont eu lieu avant l’âge de 6 ans. »
On constate aussi que les violences sexuelles sur mineur•e•s, sont, en grande majorité (96%) commises par des hommes. L’enquête révèle enfin que 24% des auteur•e•s de violences sexuelles sur mineur•e•s étaient eux/elles-mêmes mineur•e•s au moment où les faits ont eu lieu.
La difficulté à exprimer ces violences
Les mineur•e•s victimes de violences sexuelles sont d’autant plus fragiles qu’ils/elles n’osent pas toujours s’exprimer au moment des faits, et ne savent pas toujours les qualifier. Stop au déni relève que ainsi peu de personnes qui ont répondu avoir été victimes de violences sexuelles avant 18 ans sont effectivement mineures :
« […] Il faut du temps aux victimes pour parvenir à mettre le mot « violence sexuelle » sur ce qu’elles ont subi, aussi bien en raison de fréquentes amnésies traumatiques, que du déni qui règne dans notre société. »
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« Il s’écoule des années, parfois des décennies entre le moment où un enfant subit une violence sexuelle et celui où la femme ou l’homme qu’il est devenu, ose parler. »
Ce silence peut s’expliquer par la peur que les enfants ont de leurs agresseurs•ses, mais aussi par la peur qu’ils ont de ne pas être crus. Là encore, l’enquête constate que les stéréotypes liés à la culture du viol persistent, et certaines victimes rapportent leurs difficultés à être écoutées et comprises par les professionnels qui les prennent en charge.
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Pour une meilleure prise en charge des victimes
Autre problème : même lorsque les victimes sont écoutées et les violences identifiées, la prise en charge du problème et son traitement n’est pas toujours adaptée. D’après Stop au déni, les professionnels de santé ont une méconnaissance des symptômes qui peuvent découler des violences sexuelles :
Les « […] conséquences psychotraumatiques ne sont pas identifiées comme telles, ni expliquées, ni traitées spécifiquement puisque la grande majorité des professionnels de la santé ne sont toujours pas formés, et ne font pas de liens entre les symptômes présentés par leurs patients et d’éventuelles violences subies. »
Lorsque les souffrances des victimes sont mal reconnues et que les conséquences des violences sexuelles, et notamment les symptômes, sont mal identifiées, on ne peut pas agir aussi efficacement qu’il faudrait pour protéger ces personnes et empêcher de futures violences. Stop au déni note :
« Seules 4% des victimes agressées dans l’enfance […] rapportent avoir été prises en charge par l’Aide sociale à l’enfance »
Quant à celles qui ont effectivement été protégées, les trois quarts rapportent des expériences pas très bonnes à carrément mauvaises.
Un impact très fort sur la vie future
Pourtant, une prise en charge adaptée est absolument essentielle, car les violences sexuelles peuvent influer sur la vie future des victimes mineures. Plus la victime est jeune au moment des violences, plus elle est proche de son agresseur et plus il a de l’autorité sur elle, et plus cet impact peut être important.
D’après l’enquête, 82% des personnes qui ont subi des violences sexuelles avant 6 ans estiment qu’elles ont « un impact particulièrement important sur leur qualité de vie », qui est encore plus fort quand l’agresseur•se était un•e membre de leur famille. 66% de ces personnes considèrent que les violences ont eu un impact important sur leur santé mentale.
Les individus qui ont subi des violences sexuelles dans l’enfance ont des risques très élevés de développer un état de stress post-traumatique. Les conséquences peuvent aussi être :
- des tentatives de suicides (qui concernent presque la moitié des personnes victimes de violences sexuelles avant leurs 6 ans) ou des idées suicidaires
- un sentiment d’être en danger
- un sentiment de solitude extrême
- une souffrance psychique
- l’interruption des études et/ou la précarité professionnelle, à cause des phobies sociales, de la peur de subir d’autres violences
- des conséquences sur la santé physique
- des violences qui se succèdent
La prise en charge adaptée de la victime est donc essentielle pour l’aider à comprendre ce qui lui est arrivé et à désamorcer peu à peu le processus de traumatisme :
« La bienveillance, la reconnaissance de la gravité des violences subies, ainsi que l’information et l’orientation des victimes, sont donc des étapes à part entière des soins à prodiguer aux victimes de violences sexuelles »
Ces soins sont essentiels pour aider les victimes à s’en sortir. Car comme le rappelle le rapport, l’état de « victime » n’a rien de péjoratif, et ne constitue jamais un trait de caractère permanent. Les victimes sont victimes des faits, des préjudices qu’elles subissent :
« On ne naît pas victime, on n’est pas victime par essence, on l’est du fait d’actes répréhensibles commis par un•e auteur•e à un ou des moments précis de son histoire, le ou les actes pouvant être uniques ou répétés et s’inscrire dans la durée. »
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Les Commentaires
"Ce silence peut s’expliquer par la peur que les enfants ont de leurs agresseurs•ses, mais aussi par la peur qu’ils ont de ne pas être crus." et la peur qu'ils ont qu'on leur en veuille de l'avoir dit, qu'on leur en veuilel de pas l'avoir dit plus tôt, la peur de rendre nos proches (ceux qui n'ont rien vu, ceux chez qui ça c'est passé...) malheureux, la peur d'être obligée de donner plus de détail qu'on ne se sent capable d'en donner, la peur de voir un de ses proches tuer l'agresseur et finir en prison. et la peur qu'on te dise que c'est rien. que c'est pas grave. que tu dramatises.
et évidement l'impact sur une vie est énorme surtout si la victime est tres jeune. comprends à 3ans et demi que tu ne peux faire confiance, n'être en sécurité avec personne. apprends à 3ans et demi que n'importe quel personne peut abuser de son autorité pour te faire du mal. et essaye de te construire une vie normale dessus. de ne pas vivre dans la peur de l'autre, dans le défi de l'autorité. bonne chance