Mise à jour du 9 juillet 2021
Le projet de loi visant à réformer la protection de l’enfance vient d’être discuté en première lecture à l’Assemblée nationale. De nombreux amendements avaient été déposés pour enrichir le projet de loi initial, jugé très insuffisant par les militants et associations de défense des droits des enfants placés.
Parmi eux, certains ont malheureusement été rejetés, notamment ceux qui prévoyaient l’attribution systématique d’un avocat aux enfants pour que leur avis puisse être pris en compte par les juges.
Les jeunes placés bientôt accompagnés jusqu’à leurs 21 ans ?
Un amendement a par contre été adopté, et il pourrait vraiment faire la différence pour les jeunes placés. En effet, il prévoit que la prise en charge des jeunes par l’Aide sociale à l’enfance devra se poursuivre au-delà de leur majorité jusqu’à leurs 21 ans. Avec un objectif : éviter toute sortie « sèche » du dispositif, afin de ne pas passer d’un foyer à la rue…
Quand on sait qu’un SDF sur quatre est un ancien enfant placé, on comprend combien ces trois années d’accompagnement supplémentaires pourraient être utiles pour permettre aux jeunes de démarrer leur vie adulte sur de bonnes bases.
En modifiant l’article L112-3 qui définit l’ensemble des mesures administratives de l’Aide Sociale à l’Enfance, le projet de loi crée bien une obligation de prise en charge des jeunes majeurs par le département.
Mais (oui, il y a un mais, vous vous en doutez), le nouvel article L222-5 ne décrit pas précisément la prise en charge. Chaque département jugera des conditions et des modalités. Certains pouvant se contenter de filer un peu d’argent sans apporter de soutien administratif et logistique par exemple.
De plus, l’amendement précise que cet accompagnement est octroyé « à titre temporaire », et pour l’association Cause majeur !, cela laisse « la porte ouverte à toutes les interprétations ».
« Il ne faudrait pas que certains départements s’appuient sur ce texte pour octroyer, comme certains le font déjà aujourd’hui, en trop grand nombre des contrats [ndlr : contrats jeunes majeurs, qui existent déjà de manière facultatives] de trois mois, parfois renouvelables, laissant planer au-dessus de la tête des jeunes majeurs une épée de Damoclès insoutenable. Comment se construire et se projeter dans la vie quand vous devez tous les trois mois tout reconsidérer, tout remiser, tout prouver ? »
Enfin, les militants et associations s’inquiètent du financement de cette mesure. Pour accompagner effectivement tous les jeunes placés jusqu’à leurs 21 ans, il faudra nécessairement que l’État soutienne les départements et pour l’instant, aucun montant n’a été prévu. Il faudra attendre la loi de finances pour en savoir plus.
Article initialement publié le 16 juin 2021
Ce mercredi 16 juin, un projet de loi qui réforme la protection de l’enfance doit être présenté en conseil des ministres. Après l’émoi suscité par le meurtre d’un jeune mineur placé par l’Aide Social à l’Enfance en 2020 dans un hôtel, ce texte très attendu doit permettre de mieux prendre en charge les enfants placés ou isolés, mais les militants et associations pointent les failles du projet de loi.
Une nouvelle loi a minima sur la protection de l’enfance
Le texte prévoit ainsi de rappeler
l’interdiction des placements à hôtel, mais ne débloque pas de moyens supplémentaires pour créer des places en foyers ou en familles d’accueil, selon le journal La Croix. Or, cette interdiction est déjà souvent contournée, et continuera probablement à l’être si des alternatives ne sont pas mises en place, et si les départements ne sont pas mieux contrôlés.
En effet, la protection de l’enfance est une compétence départementale, et selon le lieu où l’on se trouve, les moyens débloqués et les choix faits pour prendre en charge les enfants ne sont pas équivalents.
Les militants et associations regrettent également que certaines mesures de protection des droits des enfants ne figurent pas dans le projet de loi, comme l’explique Lyes Louffok sur Twitter, ancien enfant placé et membre du Conseil National de la Protection de l’Enfance :
« Le texte ne comporte aucune mesure permettant de lutter efficacement contre les maltraitances dans les lieux de placements : l’avocat d’enfants obligatoire, l’instance nationale indépendante de contrôle et la création de normes d’encadrement n’y figurent pas.
Par ailleurs, il est inacceptable que le gouvernement refuse d’interdire la mise à la rue des enfants placés qui sortent du système de protection de l’enfance à 18 ans. Pour lui, nos vies ne valent rien et la pandémie nous l’a prouvé. Un SDF sur quatre est un ancien enfant placé. »
Le texte qui prévoit aussi de revaloriser le statut des assistants familiaux, pour convaincre de nouvelles personnes de devenir familles d’accueil afin de pallier la pénurie actuelle, doit être présenté au Parlement cet été. En attendant, Lyes Louffok promet une mobilisation dans les semaines à venir pour convaincre les députés et députées d’améliorer le texte et d’offrir, entre autres, un droit inconditionnel à la protection pour les enfants placés jusqu’à 21 ans.
À lire aussi : Face à la situation des enfants placés, s’indigner c’est bien, agir c’est mieux
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires