C’est France 3 Provence Alpes Côte d’Azur qui a révélé l’affaire ce vendredi 16 décembre 2022 : en mai dernier, une jeune femme de 28 ans, a été entendue de façon particulièrement scandaleuse par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides à Nice, dans le cadre de sa demande d’asile.
La demandeuse s’appelle Rose et est enceinte de 8 mois au moment de son audition avec un agent de l’Ofpra chargé d’examiner son cas. À la suite d’un AVC survenu en 2019 alors qu’elle est en Libye, elle a des difficultés « à parler et à comprendre », une information pourtant bien spécifiée dans son dossier.
Cela n’a pourtant pas empêché l’agent de l’Ofpra qui l’a reçue de multiplier les questions insistantes, de l’interrompre et de lui parler sans ménagement alors même qu’elle tente d’évoquer des violences. « L’entretien vire à l’interrogatoire » décrit France 3 Provence Alpes Côte d’Azur qui a eu accès à l’enregistrement de l’audition. Rose y raconte avoir été marié de force, raison pour laquelle elle a choisi de fuir le Cameroun et a mis plusieurs années à atteindre la France.
« L’officier la coupe :
– Écoutez, je vous demande s’il vous a persécutée.
– Oui il m’a persécu…
– Alors qu’est-ce qu’il vous a fait ?
– Il m’a persécuté… par exemple il m’a…
Il l’interrompt à nouveau : « Qu’est-ce qu’il vous a fait ? » Rose reprend son souffle et tente de formuler une phrase : « Il m’a dit que… » Mais l’agent revient à la charge : « Non non, il ne vous a pas dit. Qu’est-ce qu’il vous a fait ? » »
Plus loin, il insiste sur les violences sexuelles qu’elle a subi avec cet homme :
« – Vous avez eu des rapports sexuels avec lui ?
– Oui.
– Bon, alors, ça s’est bien passé, ça s’est pas bien passé ?
– Ça s’est pas bien passé parce que… je… c’est lui qui voulait…
L’officier l’interrompt et s’exclame : « Voilà ! Il vous a forcée à coucher. C’est ça qu’il fallait dire. » »
La demande d’asile de Rose a été rejetée
Dans son rapport, l’agent affirme ne pas avoir été convaincu par les éléments rapportés par Rose, estime par exemple qu’elle « décrit de façon sommaire et convenue les violences conjugales dont elle a fait l’objet sans contextualisation, sans éléments circonstanciés et sans détails tangibles ». La demande d’asile a donc été rejetée.
Rose est désormais aidée par une avocate, Me Pauline Soubié-Ninet qui dénonce un entretien « contraire à la dignité humaine et au respect d’autrui ». Face à l’Ofpra, une personne demandeuse d’asile doit être en mesure d’expliquer de la façon la plus claire possible son histoire et ce qui l’amène à avoir fui son pays pour trouver refuge en France, mais ne dispose le plus souvent que de sa parole.
Comme le rappellent les associations d’aides aux demandeurs d’asile, l’entretien à l’Ofpra est une étape capitale au cours de laquelle il faut raconter les violences subies, ainsi que les risques de persécutions encourues en cas de retour dans son pays d’origine. D’où la nécessité pour les agents de « favoriser la verbalisation », rappelle Me Pauline Soubié-Ninet. Dans le cas de Rose, qui justement n’est pas en capacité de s’exprimer facilement, l’attitude de l’agent semble avoir empêché l’expression claire de son récit, amenant ainsi au rejet de sa demande.
« Si un entretien s’est déroulé dans les conditions que vous décrivez, qui ne sont nullement représentatives de la pratique de l’Office, je le regrette profondément », a affirmé le directeur général de l’Ofpra, Julien Boucher, toujours auprès de France 3 Provence Alpes Côte d’Azur. « Une telle façon de procéder n’est pas admissible et toutes les conséquences devraient en être tirées. »
À lire aussi : Que faire pour aider les réfugiés ?
Crédit photo : Scott Graham
Les Commentaires
Du coup, ton exemple est pertinent: attendre deux jours pour se rendre compte que la personne ne sait plus manger seule c'est ridicule.