« Cette collection s’inspire de l’anatomie féminine, de la reine Elizabeth I, de la rose rouge sang et de Magdalena Abakanowicz, une artiste transgressive et puissante qui a refusé de compromettre sa vision. Ce défilé est dédié à Lee Alexander McQueen, dont le souhait a toujours été de donner du pouvoir aux femmes, ainsi qu’à la passion, au talent et à la fidélité de mon équipe », a sobrement écrit dans sa note d’intention du défilé Alexander McQueen printemps-été 2024, la directrice artistique Sarah Burton. Après 26 ans au sein de la maison, voilà qu’elle la quitte, sans pour autant en avoir donné les raisons. C’est le samedi 30 septembre 2023, au Carreau du Temple décoré des sculptures textiles vulvaires de l’artiste polonaise Magdalena Abakanowicz, qu’a donc eu lieu ce chant de cygne de la créatrice en forme d’ode à la féminité, tant célébrée par le fondateur de la maison qu’elle a remplacé suite à son décès en 2010.
Le défilé Alexander McQueen printemps-été 2024 était le dernier de Sarah Burton pour la maison
Comme toujours pour un défilé, la première silhouette doit donner le ton de toute la collection, et c’est Kaia Gerber (fille de Cindy Crawford) qui l’a incarné dans une petite robe noire à la coupe sablier, découpée à la verticale le long de la poitrine et des épaules, comme si elle venait d’être lacérée. Des baleines la corsettent, tandis qu’un laçage rouge sang la structure tout le long de la colonne vertébrale dans le dos.
Suivent d’autres passages qui reprennent des thèmes chers à la maison, et même des pièces déjà abordées par le passé, présentées cette fois dans une version encore plus radicale. Ici, des bustiers en cuir rigide et à basques, sur des jupes tout en franges horizontales (le 2e passage, couleur or, pouvait évoquer de la bile) qui dévoilent les jambes par leurs interstices. Là, des tailleurs-pantalons noirs à la coupe chirurgicale, ornée de fils qui forment une traînée rouge sang se terminant par des franges le long d’une manche et de la jambe (look 3).
Un hommage viscéral de Sarah Burton pour Lee Alexander McQueen et les femmes
Une variation autour de la rose, emblème britannique, tantôt s’imprime sur une robe ou un costume sanguinolent (7, 17, 19, 33, et 41), tantôt se matérialise par des pétales surdimensionnées placées verticalement de manière à créer des robes-vulves sublimées par le mouvement de la démarche (40 et 42). Deux passages (22 et 23) relevaient de prouesses de maille blanche formant une sorte d’exosquelette fleuri, douillet et fascinant (22 et 23). Le 37e look ressemblait au premier, sauf que le décolleté vertical s’ornait cette fois de broderies dorées, comme si cette plaie saignait de l’or, rappelant la pratique du kintsugi (méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d’or, symbolisant la résilience), ou des représentations religieuses. Enfin, la supermodèle Naomi Campbell, aussi proche du défunt fondateur que de celle qui lui a succédé, Sarah Burton, a clôturé le défilé dans ce désormais fameux bustier à basques sur une jupe à franges horizontales, cette fois complètement argenté.
C’est donc un hommage tout en or, argent, et évocations viscérales qu’a rendu Sarah Burton à Lee Alexander McQueen mais aussi aux femmes pour son tout dernier défilé à la tête de la maison qui appartient au groupe Kering. Nul ne sait où la créatrice britannique ira, encore moins qui la remplacera. À noter que si un homme la remplace, alors tous les postes de direction artistique du conglomérat de luxe seraient occupés par des hommes. De quoi rendre cette ode à la féminité encore plus significative.
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