Chères Madmoizelles.
Celles d’entre vous qui ont mon âge se souviendront certainement de leur obsession pour la jupe qui tourne à volants de Roberta. Quant aux autres, je leur offre, dans mon infinie bonté, l’occasion d’étudier de plus près cette pièce fondatrice du concept de Tube de l’Eté. Attention Madmoizelles, c’est intense.
La Lambada, c’est d’abord du bonheur, de la frisette et de l’accordéon. Dans le monde merveilleux de la Lambada, tout le monde sourit. Même si on n’est pas très beau, on sourit : c’est le bonheur on a dit.
T’es chauve ? T’es heureux quand même. Obligé.
Et à quoi est lié ce bonheur incroyable ? Eh bien, voyez-vous, la Lambada est le monde de la fesse. Les gens montrent leurs fesses à longueur de journée. C’est obligatoire. Le derrière des fesses :
Et le côté des fesses (pour les gens qui aiment le côté de fesse).
Mais également le devant des fesses.
C’est pas juste trop bien comme monde, la Lambada ? Tout le monde est toujours bronzé, épilé et musseuclé, et hophop du cucul on display à toute heure du jour et de la nuit.
La Grande Touffue, qui règne sur ce paradis, chantonne. C’est son don au monde (elle montre pas son cucul, elle, en revanche. C’est la Reine, quoi). Bref, tout le monde est content. Même le petit garçon qui est exploité à jouer de la musique toute la journée alors qu’il ferait mieux d’aller à l’école.
Il a pas l’air très éveillé comme ça à première vue, hein ? C’est parce qu’il vient de la voir, elle :
Et il est bien connu que le garçon, même petit et mignon, quand il tombe amoureux il a l’air aussi éveillé qu’une mortadelle tiède. Malgré le fait que ces deux jeunes gens puissent te sembler, justement, très jeunes, il faut savoir qu’en Lambada, on doit se frotter les uns contre les autres (on daahanhanse, les uns avec les autres, on rihihit les uns avec les autres… tout ça quoi).
Un peu comme toi et moi on doit trouver un travaillement, en Lambada, on se frotte (frotteuh-frotte).
Drame : l’élue du cœur du petit garçon n’a qu’un œil. Heureusement, l’amour est aveugle et au royaume des aveugles, les borgnes se garent vachement plus facilement. Ou un truc comme ça.
Nonobstant a différence de taille et le fait que cette pauvre fille n’a qu’un œil et qu’elle risque de lui marcher sur les pieds oups pardon et de danser penchée, le petit garçon, n’écoutant que son cœur, l’invite à lambader.
Sourds aux échos du monde et indifférents à la différence de taille (moi en CM2 je faisais 1 mètre 56, donc je te raconte pas comment c’était trop mon rêve un joli petit garçon en pantalon blanc qui m’aimerait et me ferait lambader malgré la différence de taille), nos Roméo et Juliette lambadiens frétillent du popotin.
Je te remets une couche de la super jupe qui tourne à volants. Vingt ans après, j’en suis encore rongée de jalousie.
Regarde-les se regarder. Il sourit à son menton, elle est émue par le haut de son crâne : c’est le début d’une belle histoire.
Sauf que…(supense, supense ! Tadaaaa ! )
Eeeeeeh oui ! Ca, c’est le papa de la pitite fille. Observe-le bien. Qu’a-t-il ? Il ne sourit pas ! Non ! Le papa est immigré en Lambadie, mais il vient de la région parisienne. Il est cafetier. C’est te dire s’il n’est pas là pour sourire. En fait, il a été envoyé en évangéliste, pour apprendre aux Labadiens à tirer la tronche en payant un café dégueu 4€30, servi par un mal-aimable qui fume des gitanes maïs. Voir sa fille sourire et danser, c’est pas juste inattendu, c’est une insulte à tout ce qu’il est, à tout ce en quoi il croit, à son métier, sa vocation, sa mission. Alors il sort de derrière son comptoir, et là…
Il la DECOIFFE !
La troupe plie bagage et part du café tenu par monsieur Je-fais-du-boudin. Bon, ils peuvent pas s’en aller très vite vu qu’à chaque pas ils doivent tourner deux fois sur eux-mêmes, et faire pointé de talon derrière, gauche, pointé de talon derrière, droite.
Chico se laisse aspirer par la spirale infernale de la boisson.
Quant à Roberta, elle n’a plus d’autre choix que de suivre la tradition familiale, et elle commence à tirer la gueule derrière son comptoir. Que va-t-il se passer ? (j’ai huit ans, je suis devant un vieux poste de télé en noir et blanc, et je retiens mon souffle. Si Chico et Roberta ne devaient pas se revoir, je perdrais toute foi en l’amour, en tout futur, et en l’humanité en général).
Heureusement ! Roberta rejette le carcan des conventions, le poids des chaînes traditionnalistes suspendues à ses chevilles innocentes, et court, court vers son Chico !
Chico court lui aussi, court vers sa Roberta ! (Devant ma télé, les larmes me montent aux yeux)
Et ils se retrouvent ! (non je ne pleure pas, j’ai les yeux qui transpirent).
Pour fêter ça, hop, ils retournent frétiller derechef et avec volants.
Han ! Le papa de Roberta se dirige vers eux, le regard mauvais ! Chico et Roberta ne sont que des enfants innocents, leurs petits cœurs pleins d’amour pourront-ils survivre à une nouvelle séparation ?
Heureusement ! La reine de Lambadie intervient ! Choucroute autoritaire et lippe aguicheuse, elle détourne le père du jeune couple ! Et là, il se passe un truc de dingue !
Le papa de Roberta sourit ! Tout est bien qui finit bien en Lambadie ! De joie, les fidèles sujets de la Grande Touffue se livrent à des figures acrobatiques traditionnelles, telles le Balais-Retourné…
… l’inévitable Fourmi-Fluo…
… et le célèbre Mille-Pattes de Lambadie.
Tout est bien qui finit bien. (On a eu peur).
Bibliographie : Chico et Roberta sont ici et L’affaire des bananas
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Vive la Lambadie !!