Mise à jour du 28 juin 2017 — Deborah de Robertis, l’artiste italo-franco-luxembourgeoise féministe, revient avec un nouveau projet, cette fois audiovisuel.
Pour rappel, la jeune femme réalise des performances en posant nue, jambes écartées, devant des œuvres d’art exposées dans des musées, comme l’Origine du Monde.
« MA CHATTE MON © », sa nouvelle création, est un clip construit autour de sa performance devant la fameuse et très photographiée Joconde — dont les images ont déjà été diffusées dans un reportage de France 2, en mai.
« MA CHATTE MON © », la nouvelle production visuelle de Deborah de Robertis
Il sera possible d’en savoir plus sur la démarche féministe de l’artiste. Le communiqué de presse précise que cette nouvelle performance a pour but de nous questionner notamment sur la personne à l’origine (encore elle, ouais) de l’image.
De qui provient-elle, le modèle ou l’artiste ? Deborah incarne les deux.
« Et si le copyright revenait au modèle ? C’est la question que pose l’artiste avec son slogan MA CHATTE MON ©. »
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Le clip est le fruit d’un travail qui multiplie les talents, avec en autres la rappeuse Mac Manu, le rappeur Yaway, la violoniste Maria Poljanic et Aurore Le Duc des Supporters de l’art contemporain.
Ainsi, sa performance devant La Joconde sera mêlée aux codes du rap US et du hip-hop revisités, et bien plus encore. À l’image d’Alberto Sorbelli qui a exposé ses fesses devant le même tableau en 1997, son acte se veut geste d’émancipation.
Si tu étais instrigué•e par le travail de l’artiste, il sera donc possible de voir sa vidéo dès septembre 2017 !
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Article publié le 25 avril 2017 — France 2 diffusait lundi 24 avril dans Stupéfiant !
, l’émission présentée par Léa Salamé, un sujet consacré à Deborah de Robertis.
Le projet de l’artiste performeuse est simple sur le fond, mais pas des moindres sur la forme : elle pose nue devant des œuvres d’art dans des musées.
Sa dernière cible en date : La Joconde, célébrissime tableau de Léonard de Vinci exposé au musée du Louvre à Paris. Le reportage suit les préparatifs de cette performance, du choix des costumes jusqu’à l’exhibition.
Deborah de Robertis est surnommée la bête noire des musées
Deborah de Robertis : les origines du projet ont… une Origine
C’est en 2014 qu’elle ouvre le bal de ses performances en s’asseyant à terre, cuisses écartées et vulve apparente, devant l’œuvre de Courbet, L’Origine du monde — performance qu’elle a intitulée Miroir de l’Origine.
Dans un témoignage publié par L’Obs en juin 2014, la Luxembourgeoise racontait à ce sujet :
« Ce qui m’a frappée dans cette scène, c’est qu’il y a eu un transfert. En prenant place sous le tableau, j’ai provoqué une inversion du point de vue.
Je suis devenue spectatrice de tous ces gens qui me regardaient. Je ne voyais pas mon sexe, je voyais leurs visages devant mon sexe. Tout s’est mis en mouvement autour de moi. C’était un ballet.
Tous ont joué un rôle, ils sont devenus les acteurs du Miroir de l’Origine. La femme qui s’est mise devant moi pour me cacher, comme pour jeter un voile sur le tableau, comme si elle avait recréé l’époque où il faisait scandale.
Les gardiens auraient pu choisir de me sortir, mais c’est le public qui a été contraint. Les spectateurs ont été touchés par les gardiens mais moi, dans ma pose, aucun gardien ne m’a touchée.
En évacuant la salle et en respectant « leurs règles », ils ont sacralisé ma pose. »
Deborah de Robertis : de l’art militant ?
L’objectif de l’artiste est donc de prendre la place du modèle et de l’incarner, voire de le réinterpréter de manière plus audacieuse — pour ne pas dire plus trash.
C’est pour elle une manière de renverser le rapport de force entre public et art, et de faire en sorte que l’œuvre qu’elle incarne confronte le spectateur, voire le toise.
La démarche est revendiquée comme étant féministe. Deborah de Robertis évoque dans le reportage son souhait de redéfinir la place des femmes dans l’Histoire de l’art. Le rapport avec ses parties intimes tient en une phrase :
« Ouvrir son sexe, c’est ouvrir sa bouche. »
Art politique ou exhibition sexuelle ? Je vous laisse y réfléchir, vous avez quatre heures (je plaisante, venez en parler dans les commentaires).
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
La sexualisation des organes génitaux est un des discours qui circule autour du sexe. Or, comme le montre Foucault dans Histoire de la sexualité, les discours autour du sexe sont forcément liés au pouvoir. Donc, ça n'est pas neutre de sexualiser les organes génitaux, ça a des effets, et notamment au niveau politique (par l'interdiction de la nudité publique par exemple). Je n'ai pas dit que c'était mal de sexualiser les organes génitaux, simplement que c'était une construction par un discours qui est lui-même porteur de pouvoir concret, qui s'impose concrètement. Or, l'un des rôles que l'art en politique, c'est de confirmer ou au contrairement remettre en question ce genre d'association d'idées rigides. Ici, l'art est une résistance, et évite que les discours qui circulent deviennent trop rigides. Donc le fait de vouloir condamner la performance qui remet en question cette association organe génital/sexe, ça n'est pas vide de sens. On est pas simplement dans une discussion autour des sensibilités personnelles ; tout ça a un enjeu politique.