Dear White People est une claque. Je suis sortie de la salle et je n’ai rien pu dire pendant plusieurs minutes (pour moi, c’est très rare). J’ai pris une grande baffe dans ma tête de fille qui se disait, comme beaucoup de personnages du film, que « le racisme ça n’existe plus, enfin moins qu’avant ».
Dear White People traite du racisme moderne et ordinaire, dans une université huppée des États-Unis, où les clichés et les maladresses s’enchaînent comme les shots de tequila à une soirée étudiante.
Présenté et applaudi au festival de Sundance, ce film indépendant signé Justin Simien est d’utilité publique. Une satire à voir même si elle n’est pas toujours simple à comprendre, une analyse qui ouvre les yeux des spectateurs, avec des écarteurs chirurgicaux s’il le faut (aïe).
Loin d’avoir fait un carton au box-office américain, Dear White People a cependant relancé le débat de la couleur de peau dans le Septième Art, de l’existence d’un cinéma « pour/par les Noir•e•s » (je conseille cet article sur Slate qui explique tout ça avec beaucoup de justesse).
Une analyse du racisme post-Obama
Dear White People a lieu de nos jours, dans une université réputée des États-Unis. On y retrouve tous les types de clivages qu’on peut imaginer dans une université : les cool et les moins cool, les étudiant•e•s en finance et les artistes… les Blanc•he•s et les Noir•e•s. Tout le monde a à peu près le même (bon) niveau de vie et est issu d’un milieu aisé, mais l’université fait face à un problème de discrimination raciale.
Une des résidences est historiquement occupée par des étudiant•e•s afro-américain•e•s et une réforme universitaire prévoit de l’ouvrir à tout le monde : une culture s’effondre pour Sam, étudiante en cinéma, décrite comme « l’enfant énervé de Spike Lee et Oprah ».
Celle-ci se présente à la présidence de la résidence et là, c’est le drame : en plus de présenter une émission de radio appelée Dear White People, elle se retrouve sans vraiment trop le vouloir à la tête d’une rébellion générale contre les comportements racistes présents sur le campus.
Tous les types de racisme sont représentés : celui issu de l’ignorance, celui qui ne s’en rend pas compte, celui qui provoque exprès, en lâchant des punchlines du genre « J’ai l’impression qu’aujourd’hui le plus dur dans le monde du travail, c’est d’être un homme blanc diplômé »…
« Il a dit QUOI ?? »
Un public non-renseigné sur le racisme et les polémiques à ce sujet aux États-Unis ne saisira pas toutes les références et les sous-entendus omniprésents dans le film, mais on dresse facilement une liste des choses à faire et surtout à ne pas faire, dans le domaine professionnel, personnel ou amoureux (je recommande chaudement à ce sujet une vidéo de la merveilleuse Laci Green sur le sexe interracial et le fétichisme racial).
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Une satire bien pensée et bien réalisée
Bien que j’ai eu beaucoup de mal à trouver un seul mot et un seul genre pour décrire Dear White People, il s’agit à n’en pas douter d’une satire. Si l’histoire du film est inspirée de faits réels et bien ancrée dans le monde moderne, le second degré est omniprésent dans le film.
Je n’estime pas avoir tout compris, la culture et la société américaine étant bien plus complexes qu’il n’y paraît dans Desperate Housewives, mais toute l’intelligence du film permet de saisir le propos et de se sentir changé à la sortie.
Au-delà du message et de son traitement, j’ai adoré l’esthétique de Dear White People : Justin Simien mêle classicisme architectural et musical (big up au thème du Lac des Cygnes qui ouvre le film) à la culture afro-américaine, représentée dans les styles vestimentaires, les coiffures et les attitudes des personnages.
La réalisation est elle aussi aux petits oignons : ce film indépendant n’a rien à envier à un blockbuster tant il est bien réalisé, rythmé, dynamique. Dear White People est décomposé en plusieurs étapes qui mènent au climax d’une soirée polémique au sein de l’université (inspirée de nombreuses fêtes racistes ayant eu lieu aux États-Unis ces dernières années).
Les plans frontaux apportent un aspect presque intrusif à l’approche des personnages, lesquels regardent directement la caméra comme pour s’adresser encore plus personnellement à un public qui prend sa claque éducative.
Un casting cinq étoiles au service de personnages percutants
Pas de grande star au programme (excepté peut-être Dennis Haysbert, qui incarne le doyen de l’université), mais un casting varié et vivant. Les acteurs sont aussi différents que le sont les personnages.
Sam explique dans son manifeste Ebony & Ivy que les Noir•e•s se distinguent selon elle en plusieurs catégories : ceux qui exagèrent le trait pour incarner le cliché et le fantasme, ceux qui gomment les traits pour ne surtout pas avoir l’air Noir•e et ceux qui vivent pleinement et normalement leur couleur de peau et leur identité.
La notion d’identité est centrale dans le film puisque tous les personnages sont en crise identitaire à un moment donné. La métisse se sent constamment obligée de prendre parti d’un côté ou de l’autre de ses origines, le garçon gay et noir ne se sent ni l’un ni l’autre (et on lui confirme souvent : « T’es seulement noir techniquement »), le fils du président tente de se forger une identité personnelle… Tout le monde est perdu et chacun tente d’apporter sa marque tant bien que mal.
Un film vivant et drôle au service d’un message important : ne ratez pas Dear White People, en salles depuis le 25 mars.
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Les Commentaires
Si je veux le voir il va falloir que je me déplace et donc prenne un certain temps (ce qui est dangereux en période d'examens). J'aimerais tellement le voir pourtant...! Et vu le temps que prennent les DVD à sortir, je crois que je n'ai plus qu'à compter sur le streaming ^^'