Alors qu’elle se produisait sur la scène du Glastonbury Festival, le 28 juin dernier, la chanteuse Amanda Palmer a connu une légère déconvenue vestimentaire. Dans le feu de l’action, son sein gauche s’est échappé de son soutif et de sa chemise – chemise qu’elle a rapidement ouverte de toute façon, c’est vous dire si l’artiste était particulièrement préoccupée par la pudeur.
En soi, rien de grave. Mais le Daily Mail a repris l’incident, sous ce titre très très finaud : « Making a boob of herself », jeu de mot avec l’expression « making a fool of herself », soit en français : se ridiculiser.
Tout en finesse, le Daily Mail.
La réponse d’Amanda Palmer
Lors de son concert à Londres, la chanteuse avait sommairement préparé une chanson spécialement dédiée à la rédaction du Daily Mail. Amanda Palmer répond à l’article sur son sein dans une « lettre ouverte » fort bien sentie. Voici sa performance live
:
[NSFW, nudité !]
http://youtu.be/RRWp4B0qsW8
Et pour les non-anglophones, voici une traduction des paroles :
Cher Daily Mail, J’ai appris dernièrement que ma récente apparition au Glastonbury Festival avait reçu une mention dans vos colonnes. Je faisais un certain nombre de choses sur scène, incluant même chanter des chansons (comme tout le monde) Mais vous avez choisi d’ignorer ceci, et à la place, vous avez publié une revue illustrée de mon sein.
Cher Daily Maily, Il y a cette chose qu’on appelle un moteur de recherche : utilisez-le ! Si vous aviez googlé mes nichons auparavant, vous auriez su que vos photos n’avaient rien d’une exclusivité. De plus, vous affirmez que mon sein s’échappait de mon soutien-gorge comme un voleur en fuite Comment savez-vous qu’il n’essayait pas tout simplement de profiter d’un rare rayon de soleil britannique ?
Cher Daily Mail, C’est si triste ce que vous faites, vous les tabloïds Votre acharnement à déconsidérer l’apparence physique des femmes dégrade l’espèce humaine Mais un torchon est un torchon, et il ne me viendrait pas à l’idée d’aller censurer qui que ce soit – OH NON ! Il apparaît que mon corps tout entier est en train d’essayer de s’échapper de ce kimono !
[Elle retire son kimono, et continue à chanter, nue.]
Cher Daily Mail
[NDLR : sur les réactions provoquées par son changement de costume, la chanteuse essaie d’avoir le calme : “chut, il faut que vous entendiez les paroles, c’est vraiment bien, là ! C’est juste une femme nue !”]
Vous, bande de connards misogynes Je suis fatiguée de ces “bosses à bébé”, “vagin flashés”, “chapeau de muffin” Où sont les BITES dignes des Unes des journaux ? Si Iggy ou Jagger ou Bowie se mettent torse nu, la nouvelle ne retient pas l’attention bla bla bla féministe bla bla bla conneries de genre bla bla bla OH MON DIEU UN TETON
Cher Daily Mail, Vous n’écrirez jamais une ligne à propos de ce soir, Je le sais car en vous adressant directement, je me suis rendue inintéressante à combattre, Mais grâce à internet, des gens du monde entier peuvent apprécier ce discours Et communier avec cette salle pleine de monde à Londres, qui ne sont pas en train de boire des kool-aid comme les vôtres Et bien que des millions de gens acceptent la barrière culturelle là où vous la placez, Il y en a bien d’autres qui sont tout à fait prêts à voir des seins dans leur habitat naturel J’anticipe avec enthousiasme votre couverture hautement littéraire de mes prochaines tournées, DANS TON CUL.
La version originale est à lire sur le site de la chanteuse : My open letter to the Daily Mail.
« Sommes nous les médias ? On dirait bien »
Le concert à Londres a eu lieu le 12 juillet. Un jour après sa mise en ligne, la vidéo était à plus de 200 000 vues. La chanteuse américaine s’étonne ironiquement de l’écho populaire de sa prestation face à l’absence d’écho médiatique.
Amanda Palmer avait déjà fait parler d’elle en 2012, lorsqu’elle avait eu recours au crowdfunding (au « cwouad fonding») pour financer la sortie de son album et sa tournée. En désaccord avec le label qui la produisait, elle a décidé de s’adresser directement à ses fans pour continuer à se produire :
Son projet lancé sur kickstarter a récolté près de 1.2 millions de dollars, sur un objectif de 100 000 €. La polémique a enflé lorsqu’après avoir récolté cette somme, elle a continué à poster sur le site des appels à participation. Elle proposait notamment à des musiciens de se joindre à son groupe sur scène, dans les villes où elle se produit, sans offrir de rémunération.
Sur Ted Talks, elle a explique sa démarche. La vidéo dure 13 minutes et elle vaut vraiment le détour :
Pour Amanda Palmer, ce mode de financement est « le futur de la musique ». Plutôt que de lutter contre le téléchargement, elle l’encourage. À la question « comment faire en sorte que les gens paient pour la musique », elle répond qu’il suffit de demander. Et elle relate effectivement de nombreuses anecdotes, de rencontres avec des fans qui lui ont permis de développer son groupe et de produire sa musique.
Personnellement, je viens d’ajouter Amanda Palmer à la liste de mes héro-ïne-s.
Et toi, que penses-tu de ce mode de financement ? Es-tu prêt-e à encourager financièrement les artistes que tu écoutes ?
Photo de @michaeleast, reprise sur le site d’Amanda Palmer. Concert à Glastonbury.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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