Qu’ont en commun Bob L’Éponge et Doja Cat ? Leur gros potentiel de transformation en blague récurrente sur Internet (ce qu’on appelle un « mème »), et même au-delà !
Ça fait belle lurette que l’image du personnage de dessin animé qui casse son poignet servait déjà de mème sur Twitter pour s’interroger sur l’orientation sexuelle de personnes, de façon humoristique, généralement précédée de la phrase : « Is he/she/they, you know… » (« Est-ce qu’il/elle/iel est… tu sais… *insérez Bob l’éponge qui casse le poignet* »)
Cela part du fait que casser le poignet est souvent perçu comme un euphémisme pour demander si quelqu’un est gay ou non, en référence au stéréotype voulant que les hommes homosexuels soient particulièrement effeminés, et donc maniérés.
Un cliché dont se moque tout en s’en réclamant Lil Nas X, dans son dernier clip Industry Baby lorsqu’il rappe : « I don’t fuck bitches, I’m queer » (qu’on pourrait traduire par « Je ne baise pas avec des garces, je suis queer »).
Mais TikTok a contribué à placer ce trope de la culture Internet à un tout autre niveau d’humour, et même franchir les frontières du virtuel pour s’incarner dans le réel.
Casser son poignet sur Kiss Me More de Doja Cat dépasse les frontières de TikTok
Le réseau social de courtes vidéos qui facilite le montage sur des chansons a rendu viraux plein d’artistes, dont Doja Cat, championne des titres qui deviennent des mèmes.
Le dernier en date, c’est Kiss Me More (en duo avec l’artiste SZA) dont les jeunes sur TikTok utilisent un extrait caractérisé par un son de cloche (un petit « Ding » isolé) afin de souligner un détail clé mais subtil, comme le cassage de poignet pour signifier qu’on n’est pas forcément cis et/ou hétéro.
Mais comme vient de le rapporter Buzzfeed, ce qui pouvait ressembler à un épiphénomène cantonné à TikTok commence à se traduire IRL.
Immortalisé dans au moins deux boîtes de nuit différentes, le moment « Ding » de Kiss Me More a amené plein de personnes à casser leur poignet en l’air, dans un adorable moment de connivence générale.
Or, si cette tendance a d’abord émergé en étant portée par des hommes gays en premier lieu, le fait qu’elle se popularise ainsi au-delà de cette communauté originelle peut s’avérer à double tranchant, niveau homophobie.
Un geste chargé d’histoire et de stigmate, à manier avec précaution
Car le cassage de poignet tient du retournement de stigmate (d’être gay, a fortiori efféminé) quand il est effectué par des personnes concernées, de la même manière qu’elles peuvent revendiquer afin de se les réapproprier des termes historiquement insultant comme « queer » (qui veut dire « déviant » et s’oppose à « straight » pouvant autant signifier « droit » que « hétéro ») ou « pédé ».
Ce qui veut bien dire qu’avant de devenir une blague pleine d’autodérision, ce geste a longtemps été stigmatisé, perçu comme symptomatique d’hommes jugés trop gays et efféminés (alors insultés de « folles ») par nos sociétés encore structurellement homophobes.
Il reste commun, encore aujourd’hui, de voir des personnes cisgenres hétérosexuelles se moquer d’hommes gays à grands renforts de postures exagérément maniérées et de cassages de poignets, puisant alors dans la follophobie, fruit de la misogynie et de l’homophobie.
Que les jeunes générations massivement présentes sur TikTok le reprennent positivement s’avère amusant et adorable, mais la popularisation de ce mème ne doit pas faire oublier que le cassage de poignet reste un motif de stigmatisation et de moquerie envers les membres de la communauté LGBTI+.
Ça ne veut pas dire qu’il ne faut plus jamais pratiquer ce mème, ni oser articuler son poignet, mais juste qu’il importe de garder en tête qu’il s’agit d’un geste chargé d’histoire et de stigmates, dont la signification change en fonction du contexte et de la personne (concernée, alliée, ou LGBTIphobe notoire ?) qui l’exécute.
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