“Un jour, mon Prince viendra, Un jour, on s’aimera“. “Libérée, délivrée, désormais plus rien ne m’arrête. Libérée, délivrée, plus de princesse parfaite.” Il suffit de comparer les paroles des chansons phares de Blanche-Neige et Elsa, personnages créés respectivement en 1937 et en 2013, pour mesurer l’ampleur de l’évolution des princesses Disney. La toute première princesse Disney, Blanche-Neige, correspond à une vision archaïque de la féminité. Elle est belle, gentille, docile et naïve. Elle prend soin des autres, s’occupe de la cuisine et du ménage. Cette ère des “princesses classiques” – qui comprend plus tard Cendrillon (1950) et Aurore dans La Belle au bois dormant (1959) – se fait le reflet de la condition des femmes à l’époque, reléguées dans la sphère domestique.
Ces princesses évoluent dans la passivité et la dépendance. Leur passage à l’âge adulte les voit quitter l’autorité du père pour celui du prince charmant, venu les sauver. “Les films Disney naturalisent le sentiment amoureux hétérosexuel, il est instinctif, comme une évidence qui s’impose sans grande démonstration.” analyse Célia Sauvage dans “Décoder Disney-Pixar”. Ces premières princesses ont un but dans la vie : rencontrer un homme et se marier. La culture du viol n’est jamais bien loin : Aurore et Blanche-Neige sont embrassées par leurs princes pendant leur sommeil, sans leur consentement.
Par ailleurs, ces récits encouragent la rivalité féminine intergénérationnelle : les trois héroïnes ont pour antagonistes des femmes plus âgées, jalouses et cruelles. Disney se détourne des histoires de princesses pendant trois décennies, ce qui explique à quel point Aurore, Blanche-Neige et Cendrillon ont imprégné l’inconscient populaire et marqué plusieurs générations de petites filles.
Les princesses rebelles des années 90
La place des femmes dans la société a changé en trente ans. Dans La Petite Sirène (1989), Ariel chante son désir d’explorer le monde des humains. Adolescente rebelle et curieuse, la sirène s’oppose à son père. Mais certaines ficelles narratives, héritées des contes de fée, ont la peau dure. L’héroïne tombe amoureuse d’Eric au premier regard et en moins d’une semaine, les voilà mariés ! En 1991, La Belle et la Bête introduit Belle, jeune femme passionnée de littérature et agacée d’être constamment ramenée à sa beauté.
Issue du peuple, Belle refuse les avances de Gaston, dépeint comme un harceleur. “C’est un peu la première princesse Disney féministe. Elle ne veut pas se marier avec le mec le plus mignon du village. Elle veut explorer le monde et elle s’empouvoire par la lecture ”, estime Emma Watson. Comme Ariel qui sauve Eric de la noyade, Belle part sauver son père, renversant le trope de la demoiselle en détresse. Toutefois, Belle tombe sous le charme de son ravisseur : coucou le syndrome de Stockholm ! Sa douceur et sa bienveillance – qualités attendues des femmes – civilisent la Bête, qu’on peut interpréter comme la métaphore d’un homme violent.
La première princesse racisée, Jasmine dans Aladdin (1992), souhaite aussi s’émanciper des attentes paternelles. L’amour hétérosexuel reste le point d’orgue, mais comme Ariel et Belle, Jasmine est une princesse active et rebelle. De plus, elle transcende les classes en choisissant Aladdin, un jeune homme pauvre, pour époux.
Pocahontas (1995), qui édulcore les aventures d’une princesse Native-Américaine ayant réellement existé, est plus subversive dans son dénouement. La cheffe de la tribu des Powhatan choisit de rester auprès des siens. Le film se veut une leçon de tolérance entre les peuples, mais son point de vue blanc le rend problématique. Trois ans plus tard, Mulan (1998), la première princesse asiatique, se travestit pour aller se battre contre les Huns à la place de son père. Sa romance avec Shang est traitée comme une intrigue secondaire.
Les princesses des nineties refusent leur destin préétabli. Elles ont gagné en agentivité et leur représentation s’est diversifiée. En revanche, leur physique demeure irréaliste. Les princesses Disney sont très minces (voir les tailles d’Ariel ou Jasmine) et leurs proportions correspondent à un fantasme de male gaze.
Le passage au 21e siècle voit Disney s’éloigner une nouvelle fois des histoires centrées sur des princesses. Il faut attendre 2009 pour voir arriver Tiana, la première princesse Afro-Américaine dans La princesse et la grenouille (2009). Si elle se distingue par son ambition professionnelle – elle rêve d’ouvrir son propre restaurant – la jeune femme trouve l’amour hétérosexuel au passage, tout comme Raiponce (2010).
La fin des princesses hétéronormatives
Un vent d’émancipation accompagne l’arrivée de Mérida dans Rebelle (2012), le seul film Pixar qui reprend la recette des princesses Disney. Co-réalisé et co-écrit par Brenda Chapman, il marque un tournant devant et derrière la caméra. Mérida inaugure l’ère des princesses célibataires. Elle refuse ses prétendants et les bat lors d’une compétition de tir à l’arbalète !
Dans son sillage, de nouvelles histoires naissent en dehors du schéma hétéronormatif. En 2013, La Reine des neiges développe la relation sororale entre les princesses Elsa et Anna. Cette dernière évite un mariage toxique avec un prince vénal tandis qu’Elsa est un personnage codifié lesbien. Les princesses des années 2020 sont plus diversifiées et leurs cultures davantage respectées (avec l’apport de consultant·es concerné·es). C’est le cas de la princesse polynésienne Vaiana (2016), dont le physique plus réaliste a aussi été salué. L’abandon d’intrigues centrées sur des romances hétérosexuelles permet de se focaliser sur d’autres liens, comme l’amitié entre Vaiana et le demi-dieu Maui. Le film Raya et le dernier dragon (2021) explore la relation compliquée entre Raya et Namaari, deux filles de chef·fe de tribu en Asie du Sud-Est.
Les princesses empouvoirées
Ces princesses contemporaines ont souvent pour mission de sauver leur monde, à l’image de Vaiana et Mirabel, la princesse colombienne d’Encanto (2021). C’est aussi le cas d’Asha dans Wish, qui célèbre les 100 ans de Disney.
Deuxième princesse noire du catalogue, la jeune Asha est caractérisée par son intelligence et ses liens avec ses proches. Durant son aventure, elle apprend à se faire confiance. Le passage à l’âge adulte n’est plus conditionné à un amour romantique, mais plutôt à un empouvoirement personnel, qui finit par profiter à tout le royaume. Ce nouveau role model pour les petites filles est un condensé de la princesse Disney moderne. Et le film a le bon goût de retourner le trope du sauveur blanc : Asha sauve le royaume en s’opposant aux méthodes d’un roi blanc égocentrique.
Ces nouvelles princesses Disney ont été façonnées par de nouvelles visions. Depuis 2018, Jennifer Lee (réalisatrice oscarisée pour La Reine des neiges) a pris la tête des studios Disney. Sous son égide, les voix féminines diverses se sont multipliées, après des décennies de suprématie masculine à la création. Wish est le seul classique Disney créée majoritairement par des femmes (scénarisé par Jennifer Lee et Allison Moore, co-réalisé par Fawn Veerasunthorn). Croire en sa bonne étoile est une chose, mais il faut aussi avoir l’opportunité de briller.
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Les Commentaires
Je vais pas nécessairement répéter ce que mes vdd ont déjà très bien dit mais vraisemblablement tu n’acceptes le droit de rêver que s’il s’applique à ta propre perception et le refuse aux autres. Tu revendiques ce droit et fustige le fait que d’autres le réclament parce-que tu ne pourrais plus t’identifier, la preuve par deux puisque dès que tu as cru que Elsa pourrait être lesbienne dans une prochaine suite, elle a immédiatement cessé de faire partie de tes préférées. Pourquoi, toi, grande adulte qui a déjà eu le droit de poncer tes 1000 romances hétérosexuelles, refuserais de laisser une autre catégorie de momes se construire plus sereinement au travers de représentations qui de toute façon ne te bousculeront jamais. Tu ne sais pas ce que c’est de grandir lorsque l’on est queer et d’essayer de trouver, de grappiller tous les détails qui pourraient se reconnecter à toi - et grandir, désirer à contre courant parce-que l’on n’a pas de quoi se raccrocher c’est extrêmement difficile dans une période de construction. Excuse-moi mais lorsque j’ai grandi dans les années 90, j’aurais préféré voir une princesse lesbienne que de regarder gazon maudit pour avoir quelqu’un qui me ressemble. Tu as des biais homophobes tellement ancrés que t’as l’impression d’être légitime dans ta revendication, ce ne sont pas tes trois copines/token lesbiennes qui changeront quoique ce soit.