Tom a vingt-huit ans et vit dans un environnement plein de violence. C’est sur sa situation qui semble durer depuis un moment que s’ouvre De battre mon cœur s’est arrêté. Pendant une petite demi heure voire un peu moins de temps, Jacques Audiard plante le décor.
Musique et violence au centre de De battre mon cœur s’est arrêté
Magouilles, violence, dureté des sentiments : un environnement pas très plaisant. Et pourtant Tom est au milieu de tout ça sans sembler touché par quoi que se soit, comme si tout autour de lui allait de soi : détériorer des appartements dont lui et ses collègues sont propriétaires pour empêcher des familles de les squatter, tabasser un client de son père à la demande de celui-ci, soit dit en passant pas bien aimable et terriblement dur, annoncer simplement à celui-ci que sa fiancée est une pute, servir d’alibi à un collègue qui trompe sa femme, et compagnie.
Et puis un jour il aperçoit un homme qui travaillait avec sa mère, pianiste, quand elle était encore en vie. Cette rencontre lui redonne le goût de la musique et il décide de se remettre au piano en prenant des cours dans la perspective d’une audition dont lui a parlé l’ancien ami de sa mère.
Alors De battre mon cœur s’est arrêté ne nous dit rien. Ne nous dit pas quand le cœur de Tom s’est arrêté, si ç’a été en décidant de se remettre au piano pour de nouveau vivre ou si c’était dans son quotidien de violence. Libre à nous, aussi, d’interpréter la scène finale par rapport à tout le reste. Retour aux sources, faiblesse, ou au contraire est-ce le signe de son changement ?
Un débat interne dans De battre mon cœur s’est arrêté
Parce que rien n’est dit et que c’est là qu’on trouve de quoi être touché par son histoire, par ce personnage qui ne dit rien.
Ce qui est sûr en tout cas, c’est que le cœur du spectateur s’arrête lui aussi de battre face à l’histoire de Tom. Parce que rien n’est dit et que c’est là qu’on trouve de quoi être touché par son histoire, par ce personnage qui ne dit rien. Parce que si Tom est froid et détestable — quoique, certainement pas autant que son père — , on comprend bien qu’il est sur les nerfs, qu’il doute et n’a pas forcément choisi sa situation. À ce titre la scène où il discute – et fini par crier – avec la première personne à laquelle il décide de parler de son désir de recommencer la musique est très significative.
Tom ne montre vraiment rien mais les plans alternent entre son visage, qu’on voit se crisper à mesure que son interlocuteur lui fait part de tout son mépris, et le visage de celui-ci. Ce mépris là pourtant, on ne nous le présente pas dans le ton d’une voix ou dans une attitude particulière : juste dans les mots, peut-être réalistes mais qu’on ressent comme probablement Tom les perçoit, c’est-à-dire comme destructeurs de son tout nouveau rêve.
Il y a l’affiche qui présente Romain Duris, qui interprète le personnage de Tom, habillé d’une façon très classe avec, malgré tout, la main ensanglantée. Est-ce que c’est une façon de dire que jamais il ne pourra changer ? Parce que De battre mon cœur s’est arrêté, c’est son changement, le film pose peut-être la question de savoir s’il est possible qu’un homme se sépare de sa nature, en l’occurrence héritée de son père, et rompe définitivement avec celle-ci. Quant à savoir ce qu’est la réponse à cette question, tout dépend finalement de l’interprétation qu’on fait de la scène finale.
Tom semble tiraillé entre les deux modèles les plus évidents qu’on lui a offerts : son père, Niels Arestrup tout aussi détestable qu’à son habitude, hautain et méprisant, dont il a plus ou moins repris le métier ; et sa mère, pianiste qui a visiblement fini sa vie en souffrant. Tom se sent un peu à l’écart du monde pourri dans lequel il évolue
, on le voit surtout lorsqu’il se redécouvre une passion pour le piano et qu’il se détache de l’immobilier, mais avant déjà, insensible à tout ce qui l’entourait.
Cependant on comprend qu’il y est attaché avant tout par l’amour qu’il porte à son père, malgré l’attitude de celui-ci, et on sent très bien qu’il voudrait plus de sa part que les relations qu’ils ont, peut-être un peu de reconnaissance. Alors Tom grâce à cette rencontre trouve l’opportunité de changer de monde, d’opter pour le modèle maternel et de s’ouvrir de nouveaux horizons ; ce qu’il ne fait en réalité radicalement qu’après la destruction de son premier modèle. Reste à savoir si ce changement réussit totalement ou non.
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Des émotions en pagaille dans De battre mon cœur s’est arrêté
Ce qu’on ressent dans De battre mon cœur s’est arrêté n’est pas offert sur un plateau. Il n’y a pas de crises de larmes à l’écran, Tom ne parle jamais de ce qu’il ressent et au contraire le cache toujours derrière la violence. La seule scène, peut-être, dans laquelle il se met à nu nous le montre de dos dans une voiture à la veille de son audition. De dos, comme s’il ne fallait pas montrer l’angoisse qui l’assaille et qu’on ne pouvait que la deviner, ou plutôt la comprendre. Dans De battre mon cœur s’est arrêté, les sentiments se taisent et c’est peut-être à nous de faire l’effort de les ressentir en ce sens qu’ils sont cachés ; mais certainement plus forts comme ça.
De très jolies scènes d’amour, aussi, comme celle où Tom demande à sa maîtresse de s’arrêter à l’entrée de la pièce. Aline est dans l’ombre, nue, on ne peut que l’apercevoir, et ce plan alterne avec celui où l’on voit Tom dans son lit sourire devant elle, avec la lumière à côté de lui. Plus encore juste avant l’ellipse de deux ans qui mène vers la dernière scène du film, après la découverte de l’élément qui fait basculer Tom vers cette nouvelle vie, un gros plan sur son visage tremblant, terriblement émouvant et silencieux.
Autre point : on rit aussi. Du grotesque de certaines scènes, notamment au cours des cours de piano donnés en chinois par Miao-Lin, mais aussi de la façon très crue dont sont dites certaines répliques, qui ressortent donc pleines d’ironie ou simplement drôles.
De battre mon cœur s’est arrêté est nettement à la hauteur de ce à quoi on peut s’attendre en voyant le casting : Romain Duris, Niels Arestrup (Parlez-moi d’amour), Emmanuelle Devos (Sur mes lèvres, Rois et Reine), Linh-Dan Pham (Les mauvais joueurs) ; et quand on sait que c’est Jacques Audiard qui l’a réalisé (Sur mes lèvres).
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