C’était la grande absente des plateaux de cinéma. Depuis 2020, et sa prise de position aux Césars, Adèle Haenel se faisait rare. À part quelques projets documentaires, l’actrice avait pratiquement déserté le milieu, à tel point que Télérama s’était enquis de son sort dans une longue enquête. La comédienne, qui officie à présent au théâtre, a finalement choisi de prendre la parole dans une lettre, publiée le 9 mai 2023 parTélérama. Extraits choisis.
« J’ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma »
L’actrice dénonce en premier lieu un milieu complaisant avec les agresseurs sexuels. Elle affirme son souhait de ne plus participer à « l’ordre mortifère, écocide raciste du monde ». Pour l’actrice, le cinéma « continuer de rendre désirable ce système » qu’est le capitalisme, et y contribuer est un acte profondément « criminel ». Car y prendre part, c’est entretenir l’aveuglement et l’asservissement des oppressés pour que « tout le monde reste bien à sa place », détaille l’artiste.
« Face au monopole de la parole et des finances de la bourgeoisie, je n’ai pas d’autres armes que mon corps et mon intégrité. De la cancel culture au sens premier : vous avez l’argent, la force et toute la gloire, vous vous en gargarisez, mais vous ne m’aurez pas comme spectatrice. Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir »
Adèle Haenel,
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« Garder foi dans ce que peut vouloir dire la puissance de l’art »
Adèle Haenel ne tourne pas le dos à l’art au sens large, mais bien au cinéma, à qui elle reproche de perpétuer un système capitalisant sur les oppressions, à coup de films légers « sur les pauvres héroïques et des femmes exceptionnelles ».
Son ancienne agente, Elizabeth Simpson, explique d’ailleurs à Télérama que depuis sa prise de parole dans Mediapart au sujet du harcèlement sexuel et des attouchements qu’elle rapporte avoir subi de la part du réalisateur Christophe Ruggia, Adèle Haenel ne recevait plus que des propositions pour « des rôles de femmes abusées, des histoires d’inceste ou des films où elle servait de caution ». C’est donc par conviction et suite à l’écœurement face à un système qui se complait dans un cercle vicieux d’abus répétitifs, que la comédienne a repensé son rapport à l’art :
Depuis 2019 je poursuis mon travail artistique dans la collaboration théâtrale et chorégraphique avec Gisèle Vienne. C’est une artiste qui construit une des œuvres les plus puissantes que j’ai jamais rencontrées. Face au détachement, à la vacuité et à la cruauté que l’industrie du cinéma érige en principe de fonctionnement, le sens, le travail et la beauté qu’elle met en permanence en jeu sont une lumière qui me permet de garder la foi dans ce que peut vouloir dire la puissance de l’art. »
Preuve que l’art, lorsqu’il est utilisé à bon escient, reste aussi un outil de lutte puissant.
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Les Commentaires
Franchement je n'ai aucun doute que le milieu du cinéma soit un monde de gros bourges malsains passant leur temps à lécher le cul des autres pour protéger leur place dans le game. Sans compter que je suis persuadée que donner un peu de pouvoir a des hommes renforce forcément l'apparition de comportements violents. J'ai connu une ou deux femmes actrices, plutôt dans le théâtre, et aucune ne m'a caché que le cul et était un des premiers moteurs à la réussite. Pour ça que l'idéalisation des stars de cinéma ou toutes les cérémonies hyper gnan-gnan en mode "on est une famiiiiille" ou "les droits des minorités cey important" me fait souvent rire.
Après, étant une grande grande fan du cinéma (pas des gens qui le font), je ne peux pas m'empêcher de regretter sa décision quand je vois certaines pépites qui peuvent encore sortir. Factuellement le cinéma est un des arts les plus accessibles pour la population "tout venante" et quand il n'est pas au service d'une idéologie débilisante ou abrutissante il peut, selon moi, permettre de nourrir une réelle pensée politique. J'aurais espéré qu'elle puisse continuer sa carrière auprès de personnes et de projets dans lesquels elle croit.