C’est un débat vieux comme le monde (numérique). Les réseaux sociaux — terme aisément remplaçable par « internet » au sens large ou « jeux vidéos » — ont-ils une influence néfaste sur la jeunesse ? Les points de vue divergent, certains appelant à encadrer leur accès, voire à l’interdire complètement, d’autres dénonçant l’effet délétère de certaines plateformes sur la santé mentale des adolescents. Faudrait-il mieux réguler leur accès pour certaines tranches d’âge ? Mieux éduquer les enfants, et leurs parents, à naviguer sur le web ? Le 23 mars 2023, les législateurs de l’Utah, dans l’ouest états-unien, ont tranché : tous les jeunes de moins de 18 ans auront à présent besoin de l’accord parental pour se connecter sur leurs réseaux sociaux.
Une loi appuyée par le gouverneur républicain de l’Utah
Que dit cette nouvelle loi, signée par le gouverneur républicain Spencer Cox ? Comme le rapporte le Guardian, celle-ci concerne tous les mineurs, sans distinction d’âge, sur de nombreuses plateformes comme TikTok, Instagram et Facebook. Les parents auront par ailleurs un accès total à tous les posts de leurs enfants et les plateformes bloqueront l’accès des mineurs à leur compte entre 22h30 et 6h30, à moins que les parents ne modifient ces paramètres. À cela s’ajoute une interdiction ferme pour les entreprises qui détiennent ces réseaux sociaux d’utiliser des techniques qui pourraient « favoriser l’addiction des mineurs », de collecter des données les concernant ou de produire du contenu ciblé pour les jeunes.
Un débat national
L’Utah devient ainsi le premier état américain à interdire à tous les mineurs l’accès aux réseaux sociaux en l’absence d’autorisation parentale, et ce, malgré les résistances de groupes défendant les libertés civiles qui s’inquiètent qu’une telle décision prive les jeunes LGBTQIA+ d’un accès précieux aux réseaux digitaux de soutien et d’information.
« Nous ne voulons plus laisser les réseaux sociaux continuer à endommager la santé mentale de notre jeunesse », a déclaré le gouverneur républicain dans un tweet :
Cette décision s’inscrit dans le contexte d’un débat législatif plus large, qui se tient aussi bien au niveau des états qu’à l’échelle fédérale. Comme le rapporte le Guardian, le jour où Spencer Cox a ratifié le texte de loi, le PDG de TikTok était entendu par le Congrès sur les soupçons dont le réseau fait l’objet : atteinte à la sécurité nationale, à la confidentialité des données et à la santé mentale de ses jeunes utilisateurs.
Une loi inapplicable ?
Un flou demeure autour des conditions d’application de cette nouvelle loi. Au niveau fédéral, le Children’s Online Privacy Protection Act interdit déjà aux entreprises de recolter les données des jeunes de moins de 13 ans sans l’accord de leurs parents. C’est pour cette raison que la plupart des plateformes, comme Facebook, sont interdites au moins de 13 ans. Une règle facilement contournée : il suffit de mentir sur son âge, puisqu’aucune vérification n’est requise.
Des organismes spécialisés des questions tech ont décrié la nouvelle loi :
« L’Utah va bientôt demander aux services numériques de glaner des informations sensibes concernant les adolescents et leurs familles, non seulement pour vérifier l’âge mais aussi pour s’assurer de la filiation parentale. Il faudra fournir des photocopies de documents d’identité officiels, et de certificats de naissance, ce qui exposera ces données à un risque accru de fuite. Cette double loi est en violation du 1er amendement de l’Utah sur le droit de partager et d’accéder à la parole en ligne »
Nicole Saad Bembridge, directrice associée de Netchoice, un lobby tech. Source : The Guardian, 23 mars 2023
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La loi prendra effet en mars prochain. Dans le reste du pays, la bataille législative se poursuit : le Connecticut et l’Ohio ont renforcé le contrôle parental pour les utilisateurs de moins de 16 ans, tandis que l’Arkansas et le Texas ont présenté des projets de loi visant à restreindre l’utilisation des réseaux sociaux pour tous les mineurs, quitte à l’interdire complètement en suspendant les comptes des moins de 18 ans au Texas.
En France, un projet de loi fixant la majorité numérique à 15 ans a été adopté début mars par l’Assemblée Nationale. En dessous de ce seuil, les plateformes devront obtenir l’autorisation explicite des parents. Le texte prévoit par ailleurs une amende de 100 000 euros dans le cas où un réseau social manquerait à ces obligations de vérification de l’âge et du consentement de l’autorité parentale. Le projet doit maintenant être examiné par le Sénat.
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