Article publié initialement en décembre 2019
Je me suis toujours dit qu’il fallait que je fasse un saut à l’élastique au moins une fois dans ma vie. Grâce à mon mari Hugo, mon rêve est devenu réalité. Il a décidé de m’offrir un saut pour mon anniversaire et en a également pris un pour notre fille Emma. On est un peu des aventurières dans la famille !
Une fois le rendez-vous pris, nous partons en Lorraine, direction les Vosges.
En arrivant, je me sens minuscule au pied d’un pont immense de 40 mètres de haut. Je me dis que je dois vraiment être cinglée pour vouloir faire ça. Au même moment, je vois une personne se jeter dans le vide en poussant des cris d’animaux qu’on égorge. La suivante doit déjà être morte, aucun son ne sort de sa bouche.
Mais qu’est-ce que je fous là ?! Pourquoi je me suis levée ce matin ?! Bon, je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien, autant aller voir de plus près ce qui se passe sur ce pont. Je marche quelques minutes dans la forêt avec ma fille pour atteindre le sommet de la structure. Mon mari, très courageux, reste en bas pour nous filmer.
Le grand moment de solitude avant mon premier saut à l’élastique
Une fois sur le pont, malgré ma témérité, je n’en mène pas large et Emma non plus. Gégé nous accueille et me montre un objet identifié que je fuis comme la peste depuis 10 ans :
— C’est quoi ça ? — Une balance Madame. Vous devez vous peser. — Et pour quoi faire ? — On doit connaître votre poids pour pouvoir adapter l’élastique. S’il est trop fin, vous vous écraserez au sol et s’il est trop épais, vous vous écraserez contre le pont.
Sa réponse étant pertinente, je m’exécute. Je monte les yeux fermés, j’ouvre un œil, puis le deuxième. Merde ! Qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai pris 10 kilos en 10 ans… La dernière fois que je me suis pesée, c’était pendant ma deuxième grossesse, ça compte pas de prendre des kilos à cette période.
Mon point de repère, c’était mes vêtements plus ou moins tendus, mais je rentrais dedans. Je lève la tête et je vois Gégé avec un petit sourire en coin, il m’énerve celui-là. Je baisse la tête et je vois la balance, elle m’énerve celle-là aussi.
Et d’un seul coup, sans prévenir, Gégé attrape ma main : « Allez, 62 kilos pour la dame ! »
Non-content de crier mon poids, il l’écrit sur le dos de ma main au gros marqueur noir. Vous savez, celui où il faut se savonner 10 fois avec la gratte-gratte avant que ça s’efface. Il devient mon pire ennemi de la journée. J’ai envie de lui prendre son marqueur des mains et d’écrire “ abruti “ sur son front. Ma fille passe également par cette machine à mécontentements et en ressort ravie. C’est beau la jeunesse.
La préparation pour mon premier saut à l’élastique commence et les doutes s’installent
Nous arrivons vers Maxime qui nous scratche des sangles de 20 cm autour des chevilles et nous rajoute un harnais autour des épaules. Pour l’instant, j’arrive à me maîtriser, je suis calme, je n’irais pas jusqu’à dire détendue, mais ça va. Il reste trois personnes devant nous et ma fille s’agite dans tous les sens :
— Oh la la, j’ai trop peur. — Calme-toi ma puce, ça va bien se passer. — Et si je fais un arrêt cardiaque ? — On ne fait pas d’arrêt cardiaque à 15 ans. — On ne sait jamais. — Tais-toi, tu vas finir par nous porter la poisse. — Et si l’élastique ne tient pas et que je meurs dans d’atroces souffrances. — Alors effectivement, si tu continues à parler, tu vas mourir dans d’atroces souffrances et ça sera pas à cause de l’élastique.
Ma dernière phrase a l’effet escompté : je réussis enfin à la faire taire. C’est vrai quoi, on ne dit pas des choses comme ça, juste avant de sauter de 40 mètres de haut !
À nous maintenant ! Ma fille veut passer la première pour que je puisse la soutenir psychologiquement. Je dois être forte et mettre ma propre peur de côté. Ça fait plusieurs minutes que je la rassure, que l’animateur la rassure, que les personnes qui attendent la rassure…
Elle va se lancer ? Oui, c’est bon, je la vois se laisser tomber sans un cri. J’espère qu’elle n’est pas tombée dans les pommes ?! Finalement, non, tout va bien, je vois un bras bouger puis un autre, c’est rassurant.
Mon premier saut à l’élastique : les sensations
Bon, je ne peux plus reculer, si ma fille de 15 ans l’a fait, moi aussi, je peux le faire. J’écoute attentivement ce que me dit Stéphane, l’animateur que l’on voit juste avant de faire une dernière prière. Je regarde droit devant moi, car je sais que si je regarde le sol, je vais me dégonfler.
Je sens mon cœur qui bat très… non, trop fort. Il me semble que j’entends des gens parler, mais je n’en suis pas sûre. Allez, c’est le moment, j’arrête de réfléchir et je saute.
Youhou !!! Je pousse un cri à la Homer Simpson et ça va très vite. Tout se relâche ! Les muscles. Le cerveau. La vessie ? Ah non, c’est bon de ce côté-là. Ma respiration est partie en vacances et mon cœur va bientôt sortir de mon corps. Je vois ma vie défiler dans ma tête, car mes yeux sont fermés et je me demande pourquoi j’ai choisi délibérément de mourir si jeune.
L’élastique est tendu à son maximum et tout le poids de mon corps est réceptionné par mes chevilles. Merde, ça fait mal, j’aurais dû penser à mettre des chaussettes hautes. Et je remonte ! Et bim, l’élastique dans le nez ! Je l’ai senti ? Oui, je l’ai senti, c’est que je suis pas morte. Si je n’étais pas accrochée au bout d’un élastique, je sauterais de joie.
Après avoir fait le yo-yo et repris un peu mes esprits, une perche se tend devant moi. Je la saisis dès que j’en suis capable. Le perchiste tire dessus et me ramène vers lui. Ils sont deux, un qui me tient les bras, l’autre les jambes et ils me déposent délicatement au sol.
Le perchiste me regarde me relever et je vois un franc sourire accroché à ses lèvres : « J’ai déjà vu des gens coordonner la couleur de leurs vêtements à leurs chaussures, mais jamais à leur tête ».
Pour l’occasion, j’avais enfilé mon plus beau débardeur de sport, entre le rose et le rouge fluo, je n’aurais pas dû. L’entendre rire finit d’évacuer la pression, je ris aussi et le remercie pour cette journée que je ne suis pas prête d’oublier.
Je rejoins ma fille et mon planqué de mari, les jambes encore en coton. Aujourd’hui, j’ai vraiment cru que j’allais mourir, mais si j’en avais de nouveau l’occasion, je le referais sans hésiter. Je repars du pont avec des images et des émotions plein la tête, et surtout très fière de moi. Et Gégé, tu ne perds rien pour attendre, je reviendrai !
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