« Je suis handballeuse professionnelle, internationale française. Je fais du sport de haut niveau depuis plus de 10 ans et l’on m’a posé des questions sur mes menstruations pour la première fois l’année dernière ». C’est ainsi que, début avril 2020, la handballeuse Estelle Nze Minko, débutait une lettre ouverte tranchante, publiée sur le site Règles élémentaires. La sportive de haut niveau s’était émue du manque de considération des structures sportives, clubs et entraîneurs pour un pan important de la santé des femmes, négligé trop souvent, voire tout simplement rendu tabou.
Dans le sport, les règles restent un tabou
Une réalité qui, d’après elle, n’a malheureusement pas évolué, comme elle le déplore dans un entretien au Monde, publié le 20 octobre.
Mon appel a provoqué une prise de conscience. (…) Mais, concrètement, rien n’a bougé. Aucun dispositif n’a été mis en place, ni dans mon club de Györ ni en équipe de France.
En février 2017 déjà, le journal l’Équipe tentait une percée dans ce sujet, en publiant une enquête visant à « briser les tabous » autour des règles. Mais il semble que l’inertie soit de mise. « Avec l’équipe de France, le contexte est tout même favorable. Il y a de la bonne volonté et le sujet n’est pas tabou, du moins entre les filles et l’encadrement. » poursuit Estelle Nze Minko dans son entretien au Monde. Cependant, elle reste persuadée que les sportives de haut niveau ont un rôle à jouer dans l’évolution des mentalités :
En fait, la balle est dans notre camp. C’est aux joueuses de prendre des initiatives pour faire bouger les choses. Une joueuse de haut niveau consacre 80 % de son temps à son club et seulement 20 % à sa sélection. En équipe de France, on manque de temps pour mettre en place des actions concrètes. C’est plutôt au niveau des clubs qu’il faudrait agir…
Des entraînements adaptés aux cycles menstruels des joueuses
Et la France aurait tout intérêt à prendre exemple sur certains pays davantage avancés en la matière, en mettant en place de petites actions très simples. On se souvient par exemple de l’équipe féminine de football américaine, qui avait bénéficié, lors de la coupe du monde de 2019, d’entraînements adaptés aux cycles menstruels des joueuses.
J’entends dire par certaines de mes coéquipières que le Monténégro fait partie des pays les plus avancés. Le sujet des règles est abordé lors des rassemblements en équipe nationale. Les Norvégiens ont aussi mis en place un programme pour étudier le cycle de chacune de leurs joueuses évoluant au niveau international.
Reste que ces avancées sont encore loin d’être suffisantes. D’autant que le sport français semble partir de loin : on se souvient notamment du nouveau dress-code qui imposait le blanc à Wimbledon, source de stress pour les joueuses en période de règles. Ce qui pourrait n’être qu’un détail n’en est évidemment pas un, et surtout le symbole d’un long chemin vers une considération du tabou des règles dans le sport de haut niveau.
Comme le souligne Estelle Nze Minko dans Le Monde, il serait aussi bienvenu de pouvoir bénéficier d’une étude de référence sur les règles et le sport de haut niveau qui fasse l’unanimité scientifique :
Surtout, il faudrait des études accessibles par une jeune femme de 14-15 ans, car c’est à cet âge que les questions liées aux règles émergent. La question des règles peut aussi être une porte d’entrée pour aborder d’autres sujets connexes dont on ne parle jamais, comme l’aménorrhée (absence de règles), l’endométriose ou les fuites urinaires. Au-delà du sport de haut niveau, c’est le bien-être des femmes qui est en jeu.
Image de Une : Unsplash / Marino Bobetic
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