La cystite, un mal inconnu ? Pas tant que ça puisqu’apparemment, toutes les femmes en connaissent au moins une dans leur vie. Quelle chance !
Pour ma part, la première est arrivée alors que je n’avais même pas huit ans. J’ai aujourd’hui presque vingt-et-un ans et ça fait très longtemps que je ne compte plus les cystites.
La cystite et la douleur, cercle infernal
De mes huit à mes dix ans environ, j’ai passé mon temps au laboratoire à faire des analyses d’urine — qui ne donnaient pas souvent de résultats.
Au fait, une cystite, c’est quoi ? C’est avoir envie d’aller aux toilettes et que rien ne sorte, ou quelques gouttes seulement. Glamour, hein ?
Mais ce n’est pas que ça. C’est aussi un muscle (le périnée je crois) qui se contracte par spasmes involontairement ; la douleur va alors du bord de l’urètre jusque dans le ventre. Ça brûle, ça pique, ça tord.
Et là commence l’enfer.
Quand je souffrais d’une cystite, j’espérais de toutes mes forces qu’il y ait une infection. Parce que lorsque c’était le cas, on me donnait un antibiotique et j’étais tranquille jusqu’à la suivante. Ça me laissait normalement deux mois de répit — en sachant qu’à l’époque, une cystite me faisait mal pendant environ une semaine, le temps que l’on trouve ce que j’avais.
À l’inverse, quand aucune infection n’était détectée — ce qui arrivait très souvent — les médecins me faisaient comprendre que j’étais une menteuse ou que j’exagérais.
Je ne vous raconte pas le nombre de médecins qui ne sont pas informés, qui s’en moquent, qui ne comprennent pas ou n’essaient même pas de comprendre…
Ma mère était adorablement patiente, mais je sentais bien qu’elle en avait marre de m’emmener tout le temps chez le médecin et au labo.
Puis c’était ma faute aussi, je ne buvais pas assez ! Pourtant, je faisais vraiment des efforts, mais je n’ai presque jamais soif, depuis toujours. J’étais trop petite ou alors je n’avais pas encore assez souffert de ce mal. Quoiqu’il en soit, j’oubliais souvent de boire. Et il suffisait d’une journée sans avoir bu (et sans avoir soif donc) pour que le lendemain, au réveil, ça brûle atrocement.
Mais j’ai appris à vivre avec.
Vivre avec la cystite
Je suis devenue une vraie pro : changement de culotte deux fois par jour, lingettes intimes constamment dans le sac, je buvais autant que possible (j’avoue que ça, j’ai eu beaucoup de mal)… Dès que je sentais qu’une cystite arrivait, je me faisais deux bouteilles de deux litres d’eau à boire en une heure, puis cinquante centilitres par heure. Une vraie pro, vous dis-je !
Je gardais ça pour moi, ce n’était pas agréable mais rien d’insurmontable. Au final, ça se résumait juste à une petite pochette dans mon sac et beaucoup d’eau d’un coup de temps en temps… et aussi à ne pas faire trop d’équitation, jamais plus d’une heure — je ne sais pas pourquoi, mais les frottements déclenchaient souvent des cystites.
Je n’en parlais pas, je m’auto-gérais, tout allait très bien.
Puis, en octobre 2013, j’ai rencontré un garçon avec qui j’ai fait l’amour pour la première fois. Tout s’est bien passé, je n’ai pas eu mal du tout. C’était fait de manière totalement consentie, réfléchie, sans aucun « traumatisme ».
Le lendemain, j’ai cru mourir tellement j’avais mal. Je suis allée à la permanence médicale de ma fac, et on m’a diagnostiqué une maladie sexuellement transmissible : un papillomavirus. Pourtant on s’était protégés, et c’était quelqu’un de confiance. Mais bon, j’ai cru le médecin.
Il m’a pris un rendez-vous en urgence avec un chirurgien pour enlever ça. Ma mère m’a emmenée voir un autre médecin pour confirmer le diagnostic. Ce dernier a constaté qu’il n’était pas du tout question d’un papillomavirus mais d’une mycose !
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Une cystite mal diagnostiquée et ses conséquences
J’ai donc eu un traitement antimycosique, en l’occurrence des ovules, mais je ne pouvais pas les mettre, j’avais trop mal et ça ne passait pas.
Ma mère m’a reproché de ne pas vouloir me soigner. Je suis allée consulter une gynéco qui m’a examinée sans un mot ; me prenant de haut, ne m’expliquant rien, elle voulait en plus me mettre l’ovule elle-même. Je refusais, mais elle me criait dessus :
« Il faut pas s’étonner d’avoir mal dans ce cas ! »
Alors je l’ai laissée faire. Elle a forcé, j’avais trop mal, j’ai pleuré et me suis levée de la chaise d’auscultation (de torture, oui !). J’ai rejoint ma mère dans la salle d’attente, lui disant que tout allait bien. On est passées au secrétariat et on est parties.
J’ai décidé de garder tout ça pour moi. Nous étions en novembre 2013 ; j’allais avoir mal jusqu’en février de l’année suivante. Je séchais les cours parce que j’avais trop mal pour rester assise, et surtout je ne dormais presque pas, et n’avais donc pas l’énergie pour rester assez concentrée pour suivre le/la prof. Je me suis éloignée de certain•es de mes ami•es parce que je ne sortais plus.
J’ai acheté tous les traitements antimycosiques que j’ai trouvés en pharmacie. Ça n’a rien changé, au contraire. Alors je buvais encore et encore, parce que le seul moment où je n’avais pas mal, c’était quand j’urinais. Allez savoir pourquoi, personne — y compris moi — n’a pensé à une cystite (quand j’y repense, je me déteste).
En janvier 2014, j’ai soudain eu de la fièvre, et la douleur est devenue insupportable, elle s’était emparée de mon dos. J’engloutissais les dolipranes et tout ce que je trouvais « contre la douleur ».
J’en ai parlé à mon père qui m’a emmenée voir un docteur, le premier homme que j’ai vu pour des douleurs aussi intimes. Il a tout de suite suggéré la cystite, m’a prescrit des analyses puis des antibios. Il se trouvait que cette fois, c’était une pyélonéphrite : la cystite avait « simplement » dégénéré.
Je ne pouvais plus avoir de relations sexuelles. La peur d’avoir à nouveau mal me bloquait totalement. Mais pour d’autres raisons, mon copain de l’époque et moi n’étions plus ensemble au moment où on a découvert que je souffrais d’une pyélonéphrite.
J’ai continué ma vie, ponctuée de cystites de temps à autre ; cependant, oh joie, j’avais trouvé un super médecin qui me recevait à chaque fois en urgence et me prescrivait des antibios sans même attendre les résultats du labo.
Une nouvelle période de cystites à répétition…
Durant l’été 2014, j’ai rencontré celui qui est devenu le grand amour de ma vie. Nous nous sommes mis ensemble. Nous avons couché ensemble et le lendemain, je me suis retrouvée avec une cystite.
Je savais que c’était lié à la relation sexuelle. Je ne voulais donc plus en avoir : quand on essayait, je faisais du vaginisme. Mon corps me suppliait de ne pas avoir à supporter de nouveau cette douleur.
Le super médecin m’a dit qu’après chaque rapport, il me fallait aller aux toilettes…
Après un long travail, je n’ai plus fait de vaginisme. J’ai découvert qu’en effet, je devais absolument aller uriner après un rapport, même protégé, puisque le préservatif me provoquait très facilement des infections.
Le temps de contrôler tout ça, j’ai fait de jolies cystites carabinées.
C’était vraiment, vraiment pas cool. Vraiment.
Par la suite, j’ai déménagé et ne pouvais donc plus aller consulter le super médecin.
Je me suis heurtée à l’incompétence, l’inefficacité et au désintérêt des autres professionnel•les.
À nouveau, j’avais beaucoup de mal à avoir des relations sexuelles. Heureusement, j’ai un conjoint très doux et compréhensif : il m’a épaulée, m’a aidée et ne m’a jamais mis la pression.
J’ai eu une période de cystites à répétition. Ça a encore été très dur. J’ai donc choisi de faire presque deux cents kilomètres aller-retour pour retourner voir le super médecin. Puis j’en ai enfin trouvé un proche de chez moi qui a su prendre le relais.
…et le répit
Aujourd’hui, ça va faire sept mois que je n’ai pas eu de cystite. Certain•es diront que c’était psychologique, d’autres que mon corps a développé un super système immunitaire.
Je n’en sais rien, et là n’est pas la question. Si j’écris aujourd’hui, c’est parce que j’ai pris du recul. Et je me souviens de tout ce qu’il s’est passé.
Je me souviens de la violence verbale et même physique de certains médecins. Surtout les femmes — peut-être parce que je suis tombée sur des doctoresses qui n’avaient eu que de petites cystites et pensaient savoir ce que c’était. Les hommes ne sont pas aussi arrogants avec moi, présument moins la douleur que l’infection peut causer.
Je me souviens de leur incapacité à diagnostiquer quelque chose qui me semble pourtant très simple à reconnaître.
Je me souviens des gens qui ne comprenaient pas pourquoi je ne voulais plus les voir. C’est pas facile de parler de ça : « Ouais, je viens pas parce que j’ai mal quand je pisse ». Allez expliquer ça à quelqu’un qui ne sait pas ce que c’est. Je refusais aussi de dormir ailleurs que chez moi, de peur de re-contracter une infection.
Je me souviens des heures passées dans les salles d’attente. Des radios, des échos, des tests urinaires.
Je me souviens de la douleur physique, des heures à pleurer parce que je pensais que ça ne cesserait jamais. Des heures à tourner dans ma chambre. De celles à rester assise sur les toilettes, m’endormant de fatigue dessus.
Je me souviens de la détresse psychologique (et vraiment, je pèse mes mots) dans laquelle je me suis trouvée...
Je sais bien que je suis ou que j’ai été (je touche du bois !) très sujette aux cystites. Je sais que j’en ai fait de très grosses. Mais c’est tellement facile de les diagnostiquer, tellement facile de les soigner, que personne ne devrait connaître un dixième de la douleur que j’ai ressentie.
Ce à quoi uriner devrait toujours ressembler — grosso modo.
Alors j’espère que cet article pourra toucher des filles, des jeunes femmes ou même des femmes qui souffrent sans savoir de quoi ou qui pensent qu’elles exagèrent leur douleur.
Qu’il touchera des médecins qui ne respectent pas leurs patient•es et font honte à leur profession.
Et puis, c’est aussi une petite revanche perso sur la cystite : je lui ai fait la peau, enfin !
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