Peut-on violer un robot sexuel doté d’une intelligence artificielle ? C’est la question que l’on peut se poser en regardant la dernière vidéo du Youtubeur Cyrus North, 725 000 abonnés au compteur. Publiée le 30 novembre 2022, elle présente sa dernière acquisition : une sex doll qui lui a coûté près de 11 000 dollars.
« Est-ce qu’un robot avec intelligence artificielle doit avoir la notion de consentement ? »
Alors qu’elle est conçue pour servir à des rapports sexuels, elle refuse à plusieurs reprises d’en avoir avec le créateur de contenu qui plaisante sur le fait d’être friendzoné par ce sextoy à taille humaine. Face au malaise palpable, le diplômé d’école de commerce s’interroge de façon philosophique :
« Je me rends compte que la question qui émane de la vidéo, c’est : est-ce qu’un robot avec intelligence artificielle doit avoir la notion de consentement ? »
De nombreux médias se sont déjà posés la question, aboutissant à la réponse que non, même si les progrès en matière d’intelligence artificielle pose de plus en plus la question de la conscience de ses machines. Notion que relève également le Youtubeur :
« Il faut avoir une conscience pour être consentant : une conscience de la situation, de l’autre, et de soi. »
Entretenir le fantasme de viol ?
L’intelligence artificielle dote d’un semblant de conscience ce genre de poupée sexuelle dernier cri. C’est ce qui amène Cyrus North à dire que sa sex doll, qu’il a rebaptisée Charlotte, feint de ne pas consentir. Il se permet de parler de feinte, car il s’agit de la fonction première de cette machine. C’est ce décalage entre le but de ce sextoy géant et ce que ce dernier verbalise qui crée un profond malaise chez le créateur de contenu qui a alors l’impression d’être un « forceur ». Il cite d’ailleurs en fin de vidéo le docteur en philosophie, bioéthique et éthique Robert Sparrow qui estime que ce genre de robot sexuel pourrait entretenir le fantasme d’outrepasser le consentement. Pour le dire autrement, cela peut entretenir le fantasme de viol.
Cyrus North effleure ce problème de fond sans le développer : dans quelle mesure les robots sexuels à intelligence artificielle peuvent servir des logiques de domination, voire la culture du viol ? Et donc par prolongement, participent-ils à les entretenir dans la vraie vie ? Car c’est bien la dynamique qui se dessine dans cette vidéo, source d’un immense malaise.
La créatrice de contenus féministes Amocide le relève dans un thread Twitter :
« Quel message ça nous transmet de voir un robot à notre effigie, censé être à notre image, pour être juste soumis à un rapport de consommation de leur corps ? Ça nous laisse l’idée qu’on est vendue pour subir les rapports de domination qu’on subit déjà au quotidien et qu’on continuera de subir. Parce qu’on ne sauve pas les femmes en faisant des humanoïdes à leur image. Car tout ce que ça accomplit, c’est de reproduire un rapport spécifique, malsain, violent, qui en plus, en vidéo, fait nécessairement écho à des rapports de domination vécus.
On SAIT que c’est nous qui sommes imitées, caricaturées, achetées, fantasmées on SAIT que c’est en pensant à nous que Cyrus force pour avoir un rapport, on n’a pas spécialement besoin de voir cette violence transformée en expérience de divertissement prétendument scientifique.
(Petite mention honorable pour le « qui voudrait que sa meuf soit insecure » au début de la vidéo pour après sortir un « ah bah elle ne se prend vraiment pas pour de la merde » quand il la complimente et qu’elle dit « je sais »)
Il se passera quoi si c’est un truc qui se démocratise et qu’un jour lesdits robots tombent en panne ? Vous pensez qu’on sera épargnées du manque de ce rapport de domination totale que cette technologie aura créé ? »
Amocide conclut en appelant à abolir le rapport qui commercialise le corps de femmes, plutôt que d’alimenter « ce besoin totalement artificiel par des technologies qui permettent de l’exercer plus librement » : « un tel objet n’est pas neutre, il connote activement quelque chose ».
Érotisation de l’outrepassement du consentement
Et ce quelque chose semble bel et bien être la culture du viol. Car si cela peut ressembler à une fiction que le robot sexuel à intelligence artificielle réponde de façon programmée, oscillant entre refus et consentement, c’est pour mieux paraître vraisemblable, fidèle à la réalité. Mais puisqu’il s’agit d’une sex doll, son propriétaire peut se dire qu’il n’a pas à respecter son consentement, et s’en servir comme de n’importe quel sextoy dépourvu de conscience. Or, cela entretient un rapport flou au consentement, dont l’outrepassement peut alors paraître acceptable. Sans sauter au raccourci que l’on pourrait facilement confondre ce qu’on s’autorise sur des robots avec des humains, on peut quand même s’inquiéter d’une telle érotisation de l’outrepassement du consentement.
Peut-être que Cyrus North évoquera cette crainte plus en profondeur dans l’éventuelle partie 2 de cette inquiétante vidéo qui compte déjà près de 300 000 vues.
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Crédit photo de Une : Capture d’écran Youtube.
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