Les violences conjugales sont un fléau qui touche une femme sur dix en France, selon le Centre Hubertine Auclert.
Le centre a mené une enquête auprès de 302 femmes qui ont été victimes de leur conjoint ou ex-conjoint, pour explorer à quel point elles sont touchées par ce que l’on appelle les « cyber-violences conjugales ».
Le constat est sans appel : 9 femmes interrogées sur 10 font état d’au moins une forme de cyber-violence conjugale.
Les cyber-violences conjugales, qu’est-ce que c’est ?
Peut-être que ce terme te semble abstrait. À l’occasion de la publication d’un rapport du Haut Conseil à l’Égalité, en février 2018, j’avais déjà écrit un article à son sujet : le cyber-contrôle dans le couple, c’est quoi et comment s’en prémunir ?
Le centre Hubertine Auclert met aujourd’hui de nouveaux chiffres sur la réalité qui était alors décrite. Parmi les femmes ayant participé à l’enquête…
93% des victimes de violences conjugales victimes de cyber-contrôle
- 8 sur 10 expliquent que leur conjoint exigeait qu’elles soient joignables en permanence.
- 7 sur 10 déclarent qu’il leur a interdit de communiquer avec quelqu’un.
- Un tiers d’entre elles déclarent qu’il a déjà exigé une photo pour prouver où elle se trouve.
- La moitié se sont fait confisquer leur téléphone.
J’inclus ici la cyber-surveillance : 21% des femmes déclarent avoir été surveillées à distance sans leur accord par leur partenaire (ou ex) via un logiciel espion.
69% d’entre elles pensent que leur partenaire (ou ex) a eu accès à des informations contenues dans leur téléphone, sans savoir comment il les a obtenues.
Le cyber-harcèlement dans le couple
Au delà du « cyber-contrôle » dans le couple, le centre a également étudié le cyber-harcèlement dont elles ont pu être victimes.
80% déclarent avoir reçu de manière répétée des insultes ou injures via leur téléphone de la part de leur partenaire ou ex-partenaire
La moitié d’entre elles ont déjà reçu des menaces de mort de sa part.
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Les cyber-violences économiques et administratives
Comme dans les violences conjugales « traditionnelles », l’aspect économique n’est pas négligeable dans les cyber-violences conjugales.
Plus d’un tiers des femmes décrivent s’être vues privées d’accès à certains services bancaires ou de subvention suite à la modification des mots de passe par leur conjoint ou ex-conjoint.
Les cyber-violences sexuelles
Et les violences sexuelles ne sont pas à négliger non plus : un tiers d’entre elles ont été menacées de revenge porn, et 16% l’ont véritablement subi.
15% ont également été contraintes de filmer des pratiques sexuelles contre leur consentement.
Les cyber-violences conjugales, omniprésentes
Ces chiffres, nombreux, terrifiants, illustrent l’étendue du problème des cyber-violences conjugales.
C’est encore plus grave chez les jeunes femmes, notamment en ce qui concerne les cyber-violences sexuelles qu’elles sont deux fois plus nombreuses à subir.
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Les cyber-violences conjugales ont d’autant plus d’impact qu’elles sont caractérisées par leur omniprésence : difficile de se couper des menaces étant donné la présence du numérique dans nos vies.
Ces actes ont tout de même conduit 42% des femmes interrogées à limiter leur usage d’outils en ligne…
Le problème des cyber-violences conjugales est trop peu repéré
Malgré l’ampleur du phénomène, il n’est pas toujours repéré par les professionnels qui accompagnent les victimes.
Et même si c’est le cas, l’absence de structures de conseils, la méconnaissance de la loi en la matière, et la minimisation dont font l’objet les violences faites aux femmes en ligne rendent la prise en charge difficile.
Pourtant, la majorité de ces violences sont déjà condamnées par la loi.
Par exemple, on ne peut pas exiger de lire les messages de son ou sa partenaire. Le revenge porn est lui aussi puni par la loi.
Quelles solutions contre les cyber-violences conjugales ?
Au cours de cette enquête, les femmes ont pu faire des suggestions pour améliorer la gestion de ces cyber-violences conjugales.
De manière « évidente », il a été suggéré de systématiser les questions pour détecter ces formes spécifiques de violences. Aussi étrange que cela puisse paraître, cela ne fait pas automatiquement partie de la procédure d’accompagnement.
Cela permettrait par la même occasion de mieux accompagner les plaintes et donc de mieux appliquer les textes de lois déjà existants.
De même, pour lutter contre la méconnaissance des mesures de protection contre les cyberviolences, il serait souhaitable d’en faire systématiquement l’état au moment de la séparation.
Une telle sensibilisation pourrait aussi faire l’objet d’ateliers « d’empowerment numérique » destinés aux victimes.
Bien sûr tout cela nécessite la formation du personnel qui accompagne les victimes.
Les femmes interrogées aimeraient aussi voir se développer des solutions pour détecter la présence de logiciels de surveillance, ainsi que rendre obligatoire l’assistance à la désinstallation de ces logiciels.
Ça fait du pain sur la planche : pour mettre tout cela en place, il faut des moyens pour toutes les associations et institutions qui accompagnent les victimes de violence au quotidien.
Personnellement, je garde en tête que le meilleur moyen pour prévenir ces violences à long terme est de sensibiliser tout un chacun à l’égalité, dès le plus jeune âge, et à continuer de travailler auprès des hommes auteurs de violence.
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Clique ici pour accéder à l’enquête dans son intégralité
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