Publié initialement le 22 février 2013
Comme des millions de filles avant moi, j’ai connu l’enfer du crush du lycée. Ce coup de coeur pour un élève de terminale qui n’a jamais daigné poser les yeux sur moi autrement que par pur hasard, alors que je crevais de l’intérieur à l’idée de devoir passer une minute sans lui dans ma vie. Dix ans plus tard, je réalise enfin que j’aurais dû passer mon année de seconde dans un asile pour fous dangereux et qu’un certain Benjamin l’a échappé belle, parce que j’étais à un poil de nez de le kidnapper pour me faire une grenouillère avec sa peau.
Cette obsession s’est déroulée en cinq phases distinctes – qui ne sont pas les mêmes pour toutes les filles. Dans ce cas précis, gardez bien en tête qu’il s’agit de l’étude de comportement d’une véritable psychopathe en puissance, qui prouve bien que les adolescentes sont des êtres profondément instables et qu’il est préférable de se tenir à distance.
Phase 1 : la découverte
Tout a commencé peu après mon entrée en seconde au lycée Jacques Decour, lorsqu’une amie s’est jetée sur moi à une pause pour me parler d’un élève de Terminale ES qui était tropsupercanon et que toutes les meufs du lycée voulaient se taper. Il fallait absolument que je l’accompagne pour jeter un coup d’oeil discret au phénomène afin de lui donner mon avis.
C’est alors que j’ai posé les yeux sur Benjamin. Un grand skateur aux cheveux d’ébène, mi-en bataille, mi-en pics, et aux yeux d’une couleur complètement indéfinissable, entre vert bouteille et bleu acier – bref, le beau gosse typique de 2002. Le premier réflexe sur le moment est d’approuver juste assez pour se fondre dans la masse, mais pas trop, histoire de paraître cool et distante. J’ai dû balancer un truc du style « Mouais, ça va, il est pas mal mais bon, c’est pas non plus la folie furieuse quoi, faut qu’elles se calment les autres, MDR ».
Essayer de contenir ce qu’on ressent vraiment devient douloureux mais vital – si jamais on avait le malheur d’admettre qu’on a passé trois nuits de suite à penser à lui avant de s’endormir, les moqueries ne s’arrêteraient jamais. Le beau gosse du lycée est censé vaguement fasciner, fédérer les hordes de jeunes femmes hétérosexuelles et éventuellement servir de projecteur à fantasmes – rien de plus. On ne doit jamais prétendre vouloir aller plus loin, s’imaginer à son bras, dans ses draps, ou mariés avec 4 gosses dans un pavillon de banlieue. On doit se contenter de soupirer, glousser et se moquer de lui pour paraître distante tout en lui jettant des oeillades pseudo-coquines une fois de temps en temps.
Sauf que pour moi, c’était perdu d’avance.
Phase 2 : l’intérêt grandissant
Après avoir passé environ trois semaines à penser à lui H24, en oubliant de manger, de me concentrer et même parfois de respirer tant il m’obsédait, j’ai été forcée d’admettre que j’étais sacrément dans la merde.
Il est vite devenu évident que je n’étais venue au monde que pour une seule raison : rencontrer Benjamin. Une fois ce constat fait, accepté et (presque) assumé, tout part en couille. On peut plus respirer correctement dès qu’il est dans les parages, on a l’impression d’avoir une bassine d’acide de batterie qui déborde à la place de l’estomac, on est toujours sur le point de tomber dans les vapes, il devient réellement douloureux d’aller se coucher en acceptant qu’on vient de passer une journée de plus sans le grand baiser de cinéma qu’on attend depuis des mois… Le pire étant que notre imagination se charge de nous bombarder de scénarios tous plus romantiques les uns que les autres, dans lesquels il viendrait nous déclarer sa flamme et nous enlever sur son grand skateboard blanc pour disparaître dans l’horizon.
Le pire, c’est qu’on se sent con, parce qu’on sait que cette obsession ne nous mènera nulle part et que tout le monde se fout bien de notre gueule dans notre dos – mais allez expliquer ça à un coeur d’ado qui s’emballe. Résultat, on verse des hectolitres de larmes en écoutant Avril Lavigne (même si c’est la honte, parce que c’est trop pas une vraie rockeuse) et Good Charlotte (même remarque) parce que la vie c’est d’la merde mais qu’eux ils savent bien l’expliquer dans leurs chansons et qu’ils parlent à notre âme.
Phase 3 : la démence
Et c’est là que s’arrête la comparaison avec « le crush d’adolescente un peu relou mais sain » et qu’on tombe direct dans le thriller hollywoodien. Mon amour pour Benjamin m’a rendue légèrement tarée. Je ne pouvais plus me contenter de penser à lui en cours – je l’avais dans la peau, et chaque battement de mon coeur l’injectait encore un peu plus fort dans mes veines (j’ai été parolière pour Kyo mais si vous le répétez je viendrai chez vous la nuit pour vous chatouiller les orteils).
Liste non exhaustive des choses que j’ai fait sous l’influence de mes sentiments pour Benjamin :
- Écrire des poèmes au Tipp-Ex/marqueur/criterium sur toutes les tables du lycée
- Graver son nom sur les murs de la salle de permanence
- Lui laisser des déclarations d’amour absolument partout (salle de perm, salles de classe, toilettes, cantine, arbres de la cour…)
- Ramasser une pièce d’un centime qu’il avait fait tomber par terre
- Ramasser une copie blanche avec son nom dessus trouvée dans une classe
- Coller la pièce d’un centime sur la copie pour réunir mes deux trophées à vie (je les ai encore)
- Demander à mes potes tagueurs de me faire des gros « BENJAMIN » à coller dans ma chambre
- Pleurer tous. les. jours. parce qu’il refuse de reconnaître mon existence
- Sécher tous mes cours et courir partout dans le lycée dans l’espoir de le croiser, même pour une seconde
- Invoquer toutes les divinités possibles dans ma chambre le soir avec des bougies pour les supplier de faire en sorte que Benjamin tombe fou amoureux de moi
- Me tenir assez près de lui pour pouvoir sniffer son gel pour les cheveux et passer une heure au Monoprix pour tenter de retrouver le même produit pour pouvoir le garder près de mon lit et le sniffer quand bon me semble
- Taper des missions façon 007 toute la semaine dans le lycée pour le croiser « OH TIENS COMME PAR HASARD, HOHOHO, DIS DONC, TU ME SUIVRAIS PAS UN PEU TOI PTDR PTET ÇA VEUT DIRE UN TRUC CHAI PAS » environ mille fois par jour
Et ça, ce n’est qu’une toute petite partie de ce que j’ai pu faire pour attirer son attention.
Évidemment, rien de tout ça n’a fonctionné.
Phase 4 : l’offensive
Alors il a fallu passer à l’attaque.
Ma plus fidèle camarade de l’époque a établi un plan infaillible : à la sortie, ses grandes soeurs (qui étaient au courant de mon histoire) viendraient la chercher, on demanderait à l’une d’entre elle d’aller voir Benjamin pour lui dire une connerie du genre “Eh, on était pas en cours de théâtre ensemble ?”, elle engagerait la conversation et je passerais dans le coin comme de par hasard pile à temps pour qu’elle nous présente. Benjamin verrait alors quelle fille exceptionnelle je suis, et tomberait immédiatement sous mon charme.
Le plan s’est déroulé exactement comme prévu – il a mordu à l’hameçon, bien qu’il n’ait pas été très bavard (probablement parce que deux inconnues lui hurlaient dessus avec un grand sourire à propos d’un cours de théâtre imaginaire). Je suis arrivée, on m’a présentée, et je me suis approchée de lui pour le saluer. C’est alors tout naturellement que je lui ai mis un ÉNORME vent quand il a voulu me faire la bise pour lui tendre la main. J’ai serré la main de Benjamin. Et je suis partie.
…
Mais c’était pas grave, J’AVAIS SERRÉ LA MAIN DE BENJAMIN.
(C’est pour ce genre de connerie que je milite depuis toujours pour le port obligatoire de journal intime tout au long de sa vie, je suis bien heureuse d’avoir documenté toute cette aventure.)
Et comme je portais des mitaines à l’époque, je pouvais tout à fait mettre ma menace de « plus jamais me laver la main hihihihiiiiiiiiiii OH MON DIEU » à éxécution. Quand je suis rentrée, j’ai enlevé ma mitaine et j’ai dû la sniffer pendant trois bonnes heures en gloussant inlassablement. Pour moi c’était sûr, il m’avait serré la main, alors le contact avec été établi – on allait se faire la bise tous les matins au lycée, c’était SÛR.
Ça n’est jamais arrivé.
Phase 5 : la résignation
J’ai donc passé le reste de l’année à souffrir le martyre parce que je savais qu’au mois de juin il disparaîtrait pour toujours, sans s’être rendu compte à quel point j’étais parfaite pour lui. Les derniers mois n’ont été qu’un vaste brouillard – je ne mangeais plus, je ne souriais plus, je me couchais en faisant la gueule, je me levais la mort dans l’âme, et la vie n’avait plus aucun sens.
C’était fini pour moi, et j’en avais parfaitement conscience. Et plus j’essayais de l’oublier, plus il m’apparaissait encore plus beau à chaque fois que je le croisais. Et je trouvais ça injuste parce que bon, ok, j’étais pas très belle, et j’étais bizarre, mais j’étais marrante parfois, et puis en plus j’étais pas trop con et on écoutait Korn et System of a Down et The Offspring tous les deux – alors ça voulait bien dire quelque chose, non ?
(spoiler : non, pas du tout. mais alors, vraiment, vraiment pas).
Dix ans plus tard, je l’attends toujours. Benjamin, si tu me lis, envoie moi ton coeur à [email protected], j’ai trois kilos de poèmes en retard à te lire, je les ai gardés précieusement parce que je sais que nous sommes faits l’un pour l’autre.
Et à toutes les filles qui ont un jour souffert de l’indifférence du beau gosse de terminale, j’organise des réunions de soutien tous les jeudis à 21h dans la salle des fêtes de Montereau-Fault-Yonne, n’hésitez pas, y a des cookies et du chocolat chaud – et surtout des gros câlins de soutien.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Je me suis tellement reconnue dans vos histoires Quand j'étais au lycée j'avais un énorme crush sur un garçon qui s'appelait Arthur. Il était tellement beau (bon pour le coup il l'est encore). je m'étais retrouvée assise à coté de lui en cours de français en seconde, ce qui fiât que j'ai eu une soudaine passion pour Zola . Il me faisait tellement rire et je le trouvais siiiiii mature (puis surtout si beau). Un jour on s'est même pris une heure de colle ensemble et j'étais au comble du bonheur . Mais malheureusement pour moi, son ex était extrêmement jalouse et m'a clairement fait comprendre que même s'ils n'étaient plus ensemble à ce moment la, ça ne saurait tarder (ce qui a finit par arriver).
J'en ai pleuré, ris, re-pleuré, hurler mon désespoir. chacun de ses mots faisait battre mon coeur à 10000 à heure. Quand j'y pense ça faisait vraiment psychopathe. J'écoutais des chanson de Ed Sheehan en pensant à lui.... Alalala cette innocence amoureuse me manque.
Mais il a compté pour moi et ce qui est drôle c'est qu'aujourd'hui j'ai de nouveau un gros crash sur un Arthur