Sept hommes blancs. Pas une femme, pas une personne racisée. Et comme si cela ne suffisait pas, ce titre en majuscule : « Objectif : Reconquête ! ». Voilà la représentation du cinéma hexagonal que donnait à voir le magazine spécialisé Le Film français avec la couverture de son numéro 4040.
Après avoir suscité une vive polémique, le magazine dédié aux professionnels du cinéma a présenté des excuses. Mais est-ce assez ?
« Un choix regrettable et malheureux »
En Une du numéro du 30 septembre, Jérôme Seydoux, milliardaire patron de Pathé prend la pose. Il est entouré des acteurs Pio Marmaï, Vincent Cassel, François Civil, Pierre Niney et Dany Boon. Pour ne rien arranger, ce numéro consacré à la crise des salles obscures titre « Objectif : Reconquête ! ». L’alliance entre ce titre et cette Une invite presque à poser la question à la rédaction du Film français : que s’agit-il de reconquérir ? Une formule d’autant plus maladroite qu’elle reprend aussi le nom du parti politique d’extrême droite fondé par Eric Zemmour…
Face au tollé qu’a provoqué la publication de cette Une, le 30 septembre, Le Film français a présenté des excuses publiques. La rédaction du magazine a déclaré « comprendre » ces critiques, expliquant : « Le choix de publier cette photo en couverture, et le choix des termes, s’est avéré malheureux et regrettable. »
Il est le fait de la rédaction, et non des personnalités présentes sur l’image, et ne reflète en rien les convictions de l’équipe, ni la ligne éditoriale du Film français. Nous avons involontairement, en souhaitant mettre en avant certains des films porteurs de 2023 présentés lors de la journée des éditeurs de films de la FNEF, véhiculé une image non représentative du cinéma français, des artistes et de Pathé. Nous le regrettons et cela prouve combien la vigilance doit être de mise à chaque instant pour que l’emporte le combat de la parité.
« C’est tout l’inverse de ce qu’on essaye de faire en ce moment »
Mais ces excuses n’expliquent pas tout. Pourquoi, par exemple, aucun des hommes figurant sur la Une du magazine ne s’est indigné de ne voir aucune consœur poser avec eux ? Pourquoi aucun de ces hommes n’a soulevé le fait qu’aucune personne racisée, homme ou femme, ne soit présente sur cette couverture ?
Actrices, scénaristes réalisatrices : les femmes sont pourtant très nombreuses parmi les professionnels du cinéma français. Elles sont aussi très nombreuses à avoir dénoncé le parti pris de ce magazine.
Sur Twitter, la réalisatrice Audrey Diwan, lauréate du Lion d’Or à Venise en 2021 pour son film L’Évènement a publié : « Si on vous gêne, n’hésitez pas à le dire. » La comédienne Alexandra Lamy a appuyé ses propos, en commentant le post : « Pas de femmes, pas de diversité. La grande classe ! ».
Dans les colonnes du HuffPost, Audrey Diwan a confié à propos de cette couverture : « C’est tout l’inverse de ce qu’on essaye de faire en ce moment ». Elle a expliqué :
« On est à un moment fragile de notre industrie. On ne cesse d’avoir à l’idée que retrouver le public, c’est se réinventer, changer de formes de narration, ouvrir les bras, renouveler les images. L’inclusion fait évidemment partie des idées qui nous animent en ce moment »
Audrey Diwan
Aïssa Maïga, Sandrine Kiberlain, Assa Sylla…
Sur Instagram, l’actrice Chloé Jouannet a mis en lumière le nombre important de femmes qui auraient pu figurer sur cette Une. À travers un photomontage, sur lequel elle a rassemblé des dizaines de portraits de femmes, elle a rendu un hommage aussi intelligent que nécessaire aux nombreuses professionnelles du cinéma dont le talent participe à repeupler des salles obscures désertées par une partie du public… et qui auraient largement mérité leur place en Une.
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Crédit de l’image à la Une : © capture d’écran Twitter
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