Leur image a fait le tour des réseaux. Fin juillet, Fati Dosso et sa fille Marie, âgée de six ans, ont été retrouvées mortes de soif à la frontière entre la Tunisie et la Libye. Elles ont été, comme des centaines de migrants depuis le début du mois de juillet, abandonnées dans le désert après avoir été expulsées de Tunisie.
Plusieurs ONG internationales ont alerté sur les conditions déplorables de ces réfugiés subsahariens laissés sans eau ni vivres, et ont appelé le gouvernement du pays à respecter les droits humains. Des artistes comme Gims puis Bigflo et Oli ont par ailleurs annulé leurs venues pour dénoncer une crise humanitaire d’ampleur, alimentée par les politiques hostiles du gouvernement tunisien.
Que se passe-t-il avec les migrants subsahariens en Tunisie ?
Lundi 3 juillet 2023, des affrontements ont éclaté à Sfax entre les habitants et des migrants originaires d’Afrique subsaharienne. Deuxième plus grande ville du pays, Sfax constitue un point de transit stratégique pour les personnes désireuses de rejoindre l’Europe par la mer.
Lors de ces affrontements, un homme tunisien a été mortellement poignardé.
Comme le retrace le HuffPost, la nouvelle de sa mort a rapidement fait le tour du pays « via une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux par un député de Sfax, Tarek Mahdi, montrant son corps dans la rue et une traînée de sang. La vidéo a suscité un torrent de réactions, souvent aux relents racistes, appelant à l’expulsion des migrants africains de Sfax ».
Depuis, le gouvernement conduit des campagnes massives d’arrestation et d’expulsion de migrants vers les pays limitrophes, comme la Libye. Selon plusieurs ONG, ils sont abandonnés dans des zones désertiques, sans eau ni nourriture.
Qui est visé par ces expulsions ?
Selon Human Rights Watch, ONG garante du respect des droits humains et de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, « parmi [l]es personnes, expulsées sans aucun respect des procédures légales, certaines vivaient en Tunisie en situation régulière, d’autres en situation irrégulière ».
L’ONG a collecté plusieurs témoignages qui font état « de violences de la part des autorités lors de leur arrestation ou de leur expulsion ».
Rfi relate par ailleurs la crainte permanente que ressentent aussi bien les migrants que les étudiants d’origine étrangère résidant dans le pays à l’idée d’être arrêté arbitrairement.
Mardi 1er août, le chef de l’ONU Antonio Guterres a également pris la parole pour dénoncer la situation en Tunisie : « Plusieurs sont morts à la frontière avec la Libye et des centaines, dont des femmes enceintes et des enfants demeurent, selon des informations, coincés dans des conditions extrêmement difficiles avec peu d’accès à de l’eau et de la nourriture ».
Quelle est la position du gouvernement sur le sujet ?
Le président tunisien, Kaïs Saïed, a fait part de ses positions ouvertement anti-immigration lors d’un discours qualifié de « raciste et haineux » par les associations, prononcé le 21 février dernier.
Le président a fustigé l’arrivée de « hordes de migrants clandestins », source, selon lui, de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ». Il a ensuite déroulé une théorie digne de celle du grand remplacement, arguant que l’immigration clandestine servirait à « changer la composition démographique de la Tunisie », pour la transformer en un pays « africain seulement » et non « arabo-musulman ».
Comme le relate le HuffPost, il a ensuite préconisé des « mesures urgentes » pour « mettre rapidement fin » à cette immigration. Des déclarations qui n’ont pas tardé à susciter l’indignation des ONG qui dénoncent « la radicalisation de l’État tunisien et la montée du racisme dans le pays ».
La polémique entourant les déclarations du président s’est finalement soldée par un appel du dirigeant à « veiller sur nos frères de l’Afrique subsaharienne en situation légale » et à appliquer de manière « stricte de la loi sur le statut des étrangers en Tunisie et sur le franchissement illégal des frontières ». Des consignes prises au pied de la lettre par les autorités.
Depuis, les discours xénophobes s’intensifient et la situation ne fait qu’escalader malgré les multiples rappels à l’ordre des Nations unies et de Human Rights Watch qui exhortent la Tunisie à faire respecter les droits des migrants, cesser les expulsions massives et « permettre d’urgence l’accès humanitaire ».
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