Longtemps moquée, la France est actuellement en train de remonter dans l’estime de ses propres habitants… en tout cas du côté des séries hexagonales !
Lupin a convaincu, d’un haut de forme et d’une cape, les abonnés Netflix de France et d’ailleurs, au point de toujours plafonner au top des audiences et d’être à ce jour l’un des plus beaux succès du service de SVoD. En thérapie, sur Arte, enregistre également de beaux scores, tant auprès du public que de la critique.
Il ne restait plus à Canal+ qu’à elle-aussi dégainer début 2021 sa série premium, pour assouvir les cœurs toujours avides de ses abonnés… Et avec Paris Police 1900, le pari est plus que réussi.
Paris Police 1900, de quoi ça parle ?
https://www.youtube.com/watch?v=P4BzlXazvrg
En 1899, Paris est au bord de l’insurrection : entre les ligues nationalistes, les antisémites et les anarchistes, les pro et les anti-Dreyfus, la police a du pain sur la planche.
Et ça n’est pas prêt de s’arranger avec l’arrivée de M. Lépine à la tête d’une préfecture vérolée, qui a l’idée saugrenue de faire installer un téléphone dans chaque commissariat et d’instaurer un numéro gratuit pour que le peuple puisse joindre les forces de l’ordre à tout moment !
Alors que les tensions entre différents groupuscules bousculent le rythme de la ville, le cadavre d’une inconnue est par ailleurs retrouvé dans la Seine. Une affaire qui va propulser un jeune inspecteur ambitieux au cœur d’une enquête criminelle révélant un énorme secret d’État…
Paris Police 1900, c’est un mix de The Alienist et des Brigades du Tigre, l’humour en moins : ça ne déconne pas. Mais alors pas du tout !
Paris Police 1900, une création originale convaincante
On ne va pas vous mentir : au regard de la bande-annonce un poil trop grandiloquente, on avait peu envie de passer 57 minutes à mater le pilote de cette création originale Canal+.
Pourtant, au bout d’une dizaine de minutes, la mayonnaise a pris.
Dès le début, Félix Faure meurt en pleine fellation ; une ribambelle de personnages (très bien castés) avec des gueules toutes plus patibulaires les unes que les autres, pénètrent l’intrigue ; c’est toute la Belle Époque, finalement, qui prend vie, dans ses volutes de scandale, ses odeurs de fumée.
Alors on a regardé non pas un épisode, non pas deux, mais bien trois épisodes, au point d’avoir eu du mal à se mettre au plumard ! Et la surprise a été des plus agréables.
Fabien Nury, d’ordinaire scénariste de bande-dessinée spécialisé dans le genre historique, et grand amateur de polars, a allié ses deux passions pour modeler à l’image de ses plus grands fantasmes une série qui a, clairement, de la gueule. Un résultat qui a nécessité un travail de longue haleine puisqu’il lui a fallu plus d’un an pour ne serait-ce que se documenter.
Il a ensuite autorisé la réalité à rejoindre la fiction en mêlant des personnages historiques comme le préfet Lépine ou Jules Guérin, le rédacteur en chef d’un journal fasciste (L’Antijuif, dont le nom seul évoque les intentions de ses partisans), à des intrigues inventées.
Le rendu est brutal, noir, plein de colère, à l’image de son époque, qui ne semble avoir de « belle » que le nom. Fabien Nury a d’ailleurs expliqué au Monde :
« La violence politique est au cœur du sujet. J’ai tendance à décrire des univers où règnent le mal ou le chaos, des histoires sur fond de guerre. J’ai écrit sur la tyrannie, Staline ou l’esclavage. J’ai l’impression d’écrire dans le genre noir. Cette série est policière, mais mes autres histoires sont du côté criminel plus que policier. Je vois l’histoire comme une suite de crimes. »
Les derniers mots ici cités en disent long sur ce qu’est Paris Police 1900
, qui n’a pas le temps de prendre des pincettes avec ses spectateurs, et filme un cochon en train d’être torturé, des bastons impressionnantes entre connards de différents groupuscules, et autres discours de la ligue « Antijuif ».
Le tout est violent, à l’instar de ce que veut montrer de l’époque ce nouveau venu dans le monde de la réalisation.
Paris Police 1900, un casting qui joue bien (!)
Ce qui nous a souvent extraites des séries françaises, c’est le jeu très théâtral des acteurs qui y figurent. Diction trop hachée ou au contraire traînante, gestes exagérés… on avait souvent l’impression d’être à l’Odéon, devant La dame de chez Maxim, ce qui entravait le naturel des personnages — et fait souvent moins défaut aux talents américains.
Mais ici, tous les acteurs sont convaincants, des premiers rôles aux figurants. Il n’est pas question pas de caser un maximum de gens aux physiques lissés en un minimum de temps mais bien de montrer des « gueules » qui correspondent à l’époque.
Les hommes sont souvent burinés, ridés, marqués par la faim et l’alcool. Les femmes sont amochées par les coups dispensés par leurs maris qui se pensent tout permis — encore une fois, rien ne nous est épargné, et surtout pas la violence des hommes sur les femmes…
D’ailleurs, en cela, Paris Police 1900 a beau être une série d’époque, elle n’oublie jamais de faire le jeu de la sienne, en évoquant les abus domestiques, et en offrant au public un rôle de femme passionnant : celui de la première avocate française.
Pour incarner ces hommes ravagés par leurs idéologies et ces femmes tantôt maltraitées, tantôt actrices du changement, on note une galerie de comédiens et comédiennes peu connues du grand public mais formidables dans leurs registres respectifs.
Jérémie Laheurte (La vie d’Adèle), Evelyne Brochu (Café de Flore, Tom à la ferme), Thibaut Evrard (Tunnel), Eugnéie Derouand (Le Calendrier) : autant de talents qui ne jouissent pas de la lumière d’autres acteurs français de programmes en vogue comme Pio Marmaï (en ce moment dans En thérapie) ou Audrey Fleurot (l’année dernière dans Le bazar de la charité), mais qui tous méritent cette belle exposition.
La distribution est au service de l’intrigue. L’intrigue ne tient pas sur le seul succès de ses « stars ». Une différence qui fait plaisir.
C’est avec parcimonie qu’on a désormais envie de consommer Paris Police 1900, pour ne pas risquer d’en venir trop vite à bout. On a envie, comme on le fait avec 3615 Monique ou En thérapie, de laisser traîner le plaisir, parce que bordel, que c’est bon de voir la France s’habiller d’aussi beaux atours.
Paris Police 1900 est à voir dès maintenant sur MyCanal.
À lire aussi : Sia s’excuse d’avoir blessé des personnes autistes avec son film « Music », et quitte Twitter
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Concernant la série, je serai un petit cran moins enthousiaste. Elle a effectivement pas mal de qualité les 3 plus grandes à mon sens étant l'esthétique dans la réalisation (couleur, décors, costumes, positionnement de la caméra etc...), le jeu des acteurs/trices et le traitement fait aux Femmes.
Après, dire qu'elle est une bonne série historique, non. Un village français cité par les Mads est une série historique par essence et très réussie. Mais comme relevé, elle avait pour elle un conseiller historique de taille JP Azema. J'ai vérifié et Paris Police 1900 n'a pas eu recours à un ou des historiens (ou alors ce n'est pas mentionné). Ce qui me paraît quelque peu galvaudé c'est la police et la violence. On est d'accord, nous n'étions pas dans une période bisounours. Relire Claude Gueux de Victor Hugo, bien avant la date de la série et cela donne le ton (c'est un livre parmi tant d'autres). Mais il y a trop de visions 2021 je trouve.
Après c'est une des séries françaises les plus intéressantes sorties. J'espère qu'elle fera un bon score à l'exportation car elle le mérite.