Si je vous dis « créature aquatique légendaire », vous pensez… ? À la sirène, bien sûr ! La mythique sirène, cette femme de la mer et des océans aux multiples facettes qui fascine l’humanité depuis des millénaires. Tour à tour enchanteresse, femme fatale et monstre plein de branchies, sa popularité n’a cependant eu de cesse d’augmenter, et elle fait de l’ombre à ses congénères aquatiques.
Car non, cher lectorat, la sirène n’a pas le monopole des contes qui se terminent mal.
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On a tendance à les oublier, mais bien d’autres créatures aussi aquatiques que fantastiques rêvent de vous entraîner dans les fonds marins avec elles. Alors aujourd’hui, redorons le blason de la selkie, du qalupalik, et de l’umibozu !
Mais ne perdez pas de vue que la sirène n’a jamais été mignonne que dans le conte d’Andersen et le dessin animé Disney…
La (ou le) selkie, parce que le phoque aussi est un animal gracieux
Les selkies sont des êtres métamorphes, mi-phoques mi-humains.
Ceci dit, des trois susnommées, la selkie est probablement la plus connue.
C’est qu’on retrouve la trace de ces charmantes créatures dans les folklores écossais et irlandais, et les îles sub-arctiques — des Orcades, Hébrides, Féroé et Shetland jusqu’en Islande.
Bref, on les rencontre le long de côtes maritimes le plus susceptibles d’accueillir des phoques… ce qui n’a rien d’un hasard, puisque les selkies sont des êtres métamorphes, mi-phoques mi-humains.
Non, ôtez de vos esprits cette image de femme avec une queue de phoque ! On arrête avec les sirènes, on a dit. D’ailleurs, quand elle nage dans la mer, vous ne pourriez distinguer une selkie d’un phoque, puisqu’elle a tout de l’animal — hormis, peut-être, les yeux vides de l’indifférence du phoque qui n’en a rien à taper de votre existence.
Ceci n’est pas une selkie.
Lorsqu’elle rejoint la terre ferme, la selkie peut se débarrasser de sa peau de phoque comme d’un simple habit et prendre forme humaine, tout en la gardant à portée de main.
Mais lorsqu’elle rejoint la terre ferme, la selkie peut se débarrasser de sa peau de phoque comme d’un simple habit et prendre forme humaine. Notez qu’elle ne la jette pas dans un coin comme vous vous débarrassez de votre pantalon en rentrant chez vous : non, elle la garde soigneusement à portée de main, car si sa peau magique venait à disparaître, elle deviendrait incapable de retourner dans son royaume aquatique. Et ça la rendrait bien triste.
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Hélas ! La selkie est en général décrit comme une créature douce et sans animosité envers les humains. Elle peut tomber amoureuse de l’un d’eux et l’entraîner dans les flots avec elle, mais la plupart du temps, c’est l’humain qui joue les salopards.
Eh oui, le type de conte le plus répandu concernant la selkie raconte comment un jeune homme tombe amoureux d’une selkie sous sa forme humaine (des fois que), séduit l’innocente créature puis, pour lui ôter toute tentation de rentrer chez elle, lui vole sa peau et la cache. Ainsi forcée de rester à terre, la selkie devient son épouse mélancolique, qui lui fait sagement des enfants et passe le plus clair de son temps assise sur la plage à contempler l’océan…
Le très joli film Le Chant de la mer raconte l’histoire d’une petite selkie
Jusqu’au jour où, d’une manière ou d’une autre, elle retrouve sa peau, comprend en prime que son époux est un fieffé connard et le plante là comme l’andouille qu’il est en retournant à la mer avec ses enfants. Et bim.
On comprendra donc que les selkies se méfient et se tirent avec leur peau dès qu’elles entendent le moindre bruit.
Sympa comme histoire, non ? Et figurez-vous que ce genre de crasse n’arrivent qu’aux selkies femelles. Car il y a des selkies mâles ! Sauf que dans leur cas, ce sont eux qui arnaquent les pucelles en les noyant, et non l’inverse. On voudrait nous faire croire à une société patriarcale qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
La qalupalik, croque-mitaine des banquises
La qalupalik, en revanche, n’a gardé de la sirène que le petit côté fourbe avec une vague tendance sadique. En même temps, cette créature issue du folklore inuit n’est pas là ni pour faire rêver les marins, ni pour rajouter du piquant aux fantasmes de ces messieurs. Non, elle est là pour faire peur aux enfants.
De fait, la qalupalik possède tous les attributs du croque-mitaine adapté à son environnement géographique et culturel : monstre marin humanoïde à la peau verte arborant des griffes démesurées et une longue chevelure sale bien que vivant sous l’eau, elle guette les enfants pas sages qui s’éloignent de leurs parents et les attire en émettant un fredonnement presque imperceptible.
Parfaitement, elle enlève les petits enfants qui n’écoutent pas leurs parents (et qui ne mangent pas leur soupe de poisson, j’imagine) !
La créature, qui n’est pas nue — car nous parlons tout de même d’enfants —, arbore d’ailleurs un amautik pour plus de praticité : un manteau inuit doté d’une grande poche dans le dos que portent les femmes pour embarquer leurs gamins partout où elles vont. Hop, elle cueille le môme, le balance dans son sac et se tire avec.
La légende de la Qalupalik en stop-motion par Nunavut Animation Lab
La suite de l’histoire varie en fonction du taux de sadisme des parents. Certains racontent que la qalupalik enlève les enfants et les emmène loin de leur famille pour les élever à leur place dans son royaume sous-marin. D’autres ne s’embarrassent pas de poésie et prétendent qu’elle les bouffe. Bref, c’est vous qui voyez.
L’umibozu, moine géant des profondeurs
Partons à présent en direction du Japon, où leur condition d’insulaires rend les Japonais•es particulièrement méfiant•es vis-à-vis de l’océan.
Parmi les innombrables créatures aquatiques et peu sympathiques que compte la mythologie japonaise, nous avons l’umibozu, dont le nom se traduit littéralement par « moine des mers ».
Aucun moine bouddhiste n’a été blessé pendant la réalisation de cette légende.
Alors, je tiens à le préciser tout de suite : aucun moine bouddhiste n’a été blessé pendant la réalisation de cette légende, et le seul lien qu’entretient la créature avec ces derniers est une grosse tête ronde sans cheveux.
Ça n’a certes rien de flatteur ni de bien original, mais je suppose qu’il ne faut pas trop en demander à un marin qui a cru crever noyé sous une vague géante pour la cinquante-troisième fois de la journée.
L’umibozu ne chante pas. Il ne fredonne pas, il ne guette pas, il ne séduit pas ses proies pour les entraîner au fond de l’océan avec lui sans le moindre égard pour leur absence de branchies. Il n’en a pas besoin : l’umibozu surgit des eaux calmes tel un géant menaçant, et domine le navire de toute sa masse imposante et silencieuse. Puis, lorsqu’il en a marre, il se jette sur l’embarcation et rentre chez lui avec ses nouveaux amis (toujours sans branchies).
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Il vous fait penser à une vague géante ? Il est fort possible que la légende soit née des occurrences de vagues scélérates, qui viennent de nulle part et peuvent atteindre les 30 mètres de haut.
On blâmera donc l’excès de saké et/ou de mal de mer pour ces quelques légendes qui décrivent l’umibozu comme une grosse baleine poilue ou une belle femme à poil qui se change en monstre. À moins que ce ne soit encore un coup de la sirène.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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