Cet article a été écrit dans le cadre d’un partenariat commercial avec Universal. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.
J’aurais attendu très longtemps une comédie romantique qui soit drôle, vraiment drôle, tout en ayant un fond d’authenticité. Une héroïne qui ne soit pas faussement paumée, mais réellement en manque d’assurance dans sa vie et dans ses choix, non pas à cause de la pression sociale ou du qu’en dira-t-on, mais parce qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut… Ou qu’elle n’ose pas se l’admettre.
Crazy Amy, c’est tout ça. Un film « feel good » qui ne me prend pas pour une dinde, une comédie vraiment drôle qui rit avec moi, et pas de moi, dans laquelle la vie n’est ni un long fleuve tranquille, ni une samba débridée. Juste la vie, avec ses victoires et ses échecs, ses jours avec et ses jours sans.
La sexualité assumée
Crazy Amy est l’histoire d’Amy, journaliste trentenaire qui s’éclate dans sa vie sentimentale. Dès les premières scènes, le décor est posé : le Dom Juan de cette fable aura une paire d’ovaires, et j’ai envie de dire, il était temps. J’ai failli l’attendre, ma comédie romantique où les femmes qui aiment le sexe et qui l’assument ne sont pas culpabilisées… Où la morale n’est pas qu’on finira par trouver un chevalier servant qui pardonne nos errements. J’ai rien à me faire pardonner, personnellement.
Bye bye la culpabilité
Sous le gras de la caricature, les traits grossis de la société américaine
C’est une comédie, alors les personnages sont caricaturaux, oui. On a le mec gentil, un peu trop coincé pour être vraiment attirant, la boss tyrannique, la meilleure amie con-con, le stagiaire idiot, le collègue jaloux, le meilleur pote très protecteur du mec gentil, la soeur posée & casée… Et ne parlons pas du père, satire dégoulinante de l’Américain moyen, cocktail explosif d’homophobie et de racisme.
C’est une fable, elle est pleine de bouffons, mais quand on éponge le gras de la caricature, on retrouve en-dessous une esquisse cruellement réaliste des paradoxes de notre société. Ou plutôt de la société américaine, même s’il y a bien quelques points communs avec la nôtre.
Des pointes d’authenticité salutaires
Les dialogues (en VO) sont savoureux : je n’ai pas décelé une fausse note dans cette partition qui alterne les gags et les scènes « émotionnelles », sans plonger dans l’excès. Seules ces situations seront honnêtement et sincèrement authentiques, et c’est plutôt rare dans une comédie où même aux enterrements, il se passe souvent quelque chose d’hilarant ! Dans la vie, en vrai, une infinité de situations n’ont pas ou peu de potentiel comique… Et Crazy Amy respecte la pudeur de ces moments où on n’a tout simplement pas le coeur à rire.
Ce sont justement ces scènes qui mettent à nu la comédienne, derrière son alter-égo à l’écran ! Amy Schumer le confesse dans l’extrait d’interview ci-dessous : ce ne sont pas les séquences de sexe qu’elle trouve « gênantes » dans le produit fini, mais plutôt toutes celles où elle dévoile ses propres insécurités sur ses choix, et sa vie familiale.
https://youtu.be/1QQSf-Yslb0
« Il y a beaucoup de moi dans ces scènes. C’est exagéré, bien sûr, mais ça ne me gêne pas du tout. Et peut-être que ça paraîtra bizarre, mais je me sens vulnérable à cause de certaines scènes ! Mais ce ne sont pas tant les scènes de sexe qui me donnent ce sentiment, ce sont surtout les scènes familiales, qui montrent bien mes propres peurs et mon manque d’assurance. Tout ceci est plutôt authentique ! […]
Elle est très proche de son père, ça arrive quand on se comporte comme des amis pendant l’adolescence, et c’est exactement ce qu’il s’est passé avec mes deux parents ! Le personnage de Gordon est très proche de mon père : il a aussi la sclérose en plaques, il vit aussi dans un institut médicalisé. C’est vraiment mon père, en fait ! »
Le reste du temps, en revanche, c’est festival. Amy n’est pas drôle parce qu’elle est blonde, elle est drôle parce qu’elle a du caractère et qu’elle se tamponne complètement de l’opinion des autres. C’est plutôt elle qui juge, et c’est bien le travers de ce personnage haut en couleurs d’oublier que ses proches et ses ami•e•s sont aussi là pour l’aider à trouver sa place dans une société plutôt hostile à la base.
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La boss un peu trop tyrannique pour ne pas être un cliché ambulant
Amy est une femme libérée, qui rejette un peu trop froidement celles qu’elle considère « à la solde du patriarcat ». Les pop-pom girls trop débridées sexuellement (excuse-moi Amy : l’hôpital, la charité ?), sa soeur qu’elle juge « trop rangée » — et la liberté de choix, meuf ? Le libre arbitre n’exclut pas le mariage et la maternité, sache-le !
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C’est féministe, Crazy Amy ?
Oui, sans hésiter, oui. Attention, ce n’est pas un film pédagogique, on ne l’imprimera pas sur des t-shirts en écrivant « this is what a feminist movie looks like », on préfèrera plutôt « voici à quoi ressemble une femme parmi tant d’autres ». Amy n’a pas vocation à être un modèle, pas plus qu’elle n’aspire à être parfaite, pour elle-même. Elle cherche son bonheur, comme tout le monde, et le fait que son terrain d’exploration soit déminé du sexisme ordinaire n’enlève rien à cette fable résolument moderne.
Crazy Amy est un film intelligent, en cela qu’il interroge notre rapport à nos « nouvelles libertés ». Suis-je une mauvaise féministe de rêver à une vie bien rangée ? Suis-je lâche et peureuse de rechercher la sécurité d’une relation stable, est-ce que je renonce à ma liberté lorsque je me « case » en couple ? Non, bien sûr.
Aimer n’est pas abdiquer, « se caser » n’est pas renoncer, s’ouvrir n’est pas uniquement se rendre vulnérable. C’est aussi une invitation au partage, mais dans une société où on te prend pour une boîte de conserve (soldée en promotion après 25 ans…), c’est vrai qu’on peut avoir une certaine tendance à résister à l’ouverture.
Moi ? Peur de l’engagement ? JAMAIS.
Trainwreck, sur de nouveaux rails
Le titre original de Crazy Amy, c’est Trainwreck, c’est-à-dire un accident de train. Et comment de pas s’identifier à cette métaphore ? Celle de l’incident de parcours qui fait dérailler l’Express de la vie toute tracée, bien planifiée. Les études, le mari, les enfants, la carrière, tiercé-quarté-quinté même dans le désordre, peu importe.
Ma vie aussi est un « trainwreck ». Le jour où j’ai finalement fait ma crise d’adolescence, celui où j’ai réalisé que ma vie n’était pas et ne serait jamais un film, celui où j’ai acceptée que je ne serai jamais la fille que mes parents voulaient que je devienne… Le « trainwreck » en vrai, c’est juste celui des attentes de mes parents, de mes proches, de la société. Mon train à moi se serait probablement engagé sur d’autres rails, si les voies avaient été ouvertes.
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Merci à Amy Schumer d’avoir enfoncé les portes, et les aiguillages, de l’ambition unique de la jeune femme moderne. Oui, il faudra encore un certain temps jusqu’à ce que la caricature de la boss tyrannique soit dépassée. Jusqu’à ce que le cliché du meilleur ami protecteur soit démodé.
Mais entre-temps, si on peut avoir un tandem de gens normaux et vulnérables, qui savent ce qu’ils veulent sans forcément oser le revendiquer, personnellement, j’achète !
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Merci Amy Schumer. Merci Judd Apatow d’avoir fait confiance à cette « petite nana » trop déjantée pour être prise au sérieux, mais aussi beaucoup trop sincère, beaucoup trop pertinente pour qu’on passe à côté d’elle. Trainwreck, ou Crazy Amy, c’est LA comédie romantique que j’attendais, celle qui fait enfin écho à ma vie, à ma réalité, avec ses angoisses, mais surtout avec énormément d’humour et d’auto-dérision.
Merci Amy !
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Les Commentaires
On s'est ennuyées, on n'a pas franchement ri une seule fois, juste souri.
C'est LENT. Joli, mais lent. Sincère, mais lent.