C’est pas une agression voyons, c’est juste une phrase ! C’est une invective, une injonction, une remarque, un reproche, des mots qui tachent quand ils s’écrasent sur ta peau. C’est cela qu’Emma Gassie a voulu mettre en image : l’impact de ces phrases qui sidèrent trop souvent, et passent outre le consentement.
« T’as vu comme tu me regardes ? »
« Regardez ces jeunes femmes qu’on salit, sans coups et sans armes »
Emma fait des études de théâtre, mais c’est à titre personnel qu’elle a décidé de réaliser ce court-métrage. Elle m’explique son intention par mail :
« 20% des Français pensent qu’un « non » signifie souvent un « oui », 40% considèrent que la faute de l’agresseur est en partie pardonnée si la victime a eu une attitude provocante en public ou encore 29% croient qu’un viol est souvent le résultat d’un malentendu, d’après l’association Mémoire traumatique et victimologie.
Voilà le genre de statistique qui m’a poussée à agir, à réaliser ce court-métrage.
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Quatorze jeunes femmes immobiles, quatorze agresseurs invisibles, et des paroles violentes. Quatorze jeunes femmes qui vous fixent, quatorze paires de mains qui touchent, trois situations d’agression. Regardez ces jeunes femmes qu’on salit.
Regardez ces jeunes femmes que l’on marque pour toujours. Pas de coups. Pas de rues sombres. Pas d’armes. Elles ne bougent pas. Elles se laissent faire. Elles acceptent. Elles se tétanisent.
Sont-elles des victimes pour autant ? Regardez-les bien, la réponse est devant vos yeux. »
« Pourquoi je me suis laissée violenter ? »
Ces phrases, j’en ai entendues plus d’une, et je prends le pari qu’elles seront familières à plusieurs d’entre nous. Emma aussi les a entendues, elle aussi a été confrontée à cette violence. Et les questions qu’elle pose m’interpellent aussi : pourquoi est-on aussi nombreuses à tolérer ça ? C’est aussi ce qu’elle se demande à travers son témoignage :
« Pourquoi avais-je accepté que mon professeur me parle de son pénis sur les réseaux sociaux pendant deux ans ? Pourquoi j’ai accepté de faire une fellation que je ne souhaitais pas par amour ? Pourquoi je me suis laissée violenter ?
Pourquoi je ne fais plus attention aux remarques sexistes dans la rue ? Pourquoi je ne dis rien au mec qui me caresse le cul en boîte ? Parce que je préfère oublier, me voiler la face, faire comme si tout allait bien, comme si tout était normal.
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Mais aujourd’hui, je ne peux plus. Des parts de mon cerveau que je ne contrôle pas ont pris le dessus. Mon cerveau a assimilé la violence et me la renvoie à outrance.
Le regard des hommes me fait peur, leur insistance, le sexe. Parfois, j’ai même peur de l’homme que j’aime. Il ne comprends pas, je le comprends puisque je ne me comprends pas moi-même. Je ne peux plus faire semblant, mon traumatisme est devenu plus fort que ma carapace.
Je n’en veux pas aux hommes. J’en veux à cette société. Cette société qui force l’homme à être insistant, la femme à dire « oui » contre un verre qu’on lui paie. J’en veux à nos « habitudes ».
Celle qui oblige l’homme à faire le premier pas, et la femme à se faire désirer. Celle qui pousse l’homme à être un prédateur, et la femme à être une proie. J’en veux à cette société qui n’ouvre pas les yeux et se justifie avec d’insignifiants « c’est comme ça ». »
Publié sur YouTube en avril, le court-métrage d’Emma a dépassé les 5 000 vues de lui-même : elle l’a simplement partagé sur ses réseaux personnels.
Cette audience indique qu’Emma est loin d’être la seule à ressentir cette colère, cette lassitude face au sexisme et à la peur. Et vous, qu’en pensez-vous ? Partagez-vous ces émotions ? Avez-vous réussi à canaliser votre colère ?
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Les Commentaires
La dernière fois qu'un homme a glissé sa main sur mon entre-jambe dans le train, alors qu'il était littéralement collé à moi au point que je sentais les mouvements de sa respiration sur mes propres côtes, j'ai mis du temps à réagir, et j'ai réagis faiblement, simplement en repoussant sa main et en lui disant d'arrêter. Mais il est resté assis à côté de moi tout de même. Et après coup, en ressentant la rage et la colère envers moi-même de n'avoir rien fait, je me suis promis que la prochaine fois on m'entendrait, lui et tout les témoins qui ont vu et qui n'ont rien fait. Et je me suis aussi promis d'agir si je voyais une personne dans une situation de détresse.
C'est ridicule mais maintenant je suis presque dans l'attente que ça arrive pour me prouver que j'en suis capable, parce que je me suis (j'ai essayé plutôt) préparer psychologiquement à ce que ça arrive, parce que ça arrivera de toute façon à nouveau.
Bravo à Emma Gassie et merci à Clémence d'avoir écrit cet article.