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La question de Tiphaine
Bonjour Stéphanie,
Cela fait quelques semaines que mon supérieur hiérarchique, qui a divorcé récemment, me fait des avances. Il s’est mis à m’envoyer des messages pas du tout pro sur la messagerie de l’entreprise, en me proposant d’abord un café, que j’ai décliné, puis un verre et un dîner… J’essaye de répondre le moins possible, mais il me relance régulièrement. Je me sens un peu coincée, car je n’ai pas envie de me faire virer et en même temps, je trouve cette situation complètement déplacée et gênante.
Merci d’avance pour ta réponse !
Tiphaine
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La réponse de notre DRH
Chère Tiphaine,
Ce que je te propose de prime abord : une bonne grosse claque au beau milieu de l’open space ? Certes, c’est une solution radicale qui peut faire du bien, mais cela te mettrait dans une position inconfortable ! À éviter donc… du moins en première intention. Cependant, garde ton crochet du droit en réserve, on ne sait jamais !
La violence ne résout rien, encore moins en entreprise ! Pourtant, face à un collègue insistant, un manager lourd ou un employeur qui se prend pour Casanova, il peut être difficile de rester calme.
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Avant de passer au vrai plan anti-relou, un petit aparté s’impose !
Les relations amoureuses sur le lieu de travail existent depuis toujours et continueront d’exister. Elles sont même protégées par l’article 9 du Code civil concernant le respect de la vie privée, et par l’article L.1132-1 du Code du travail pour garantir le principe de non-discrimination. Cela dit, il s’agit ici de relations consenties, entre adultes responsables. Bien sûr, cela peut devenir délicat lorsqu’il y a une relation de hiérarchie entre les deux personnes. Mais même dans ce cas, les relations amoureuses au travail sont légales ! Et tant mieux, car de belles histoires naissent parfois au bureau, parole de DRH !
Le problème, c’est que dans ton cas, tu n’es pas OK, et ton patron semble ne pas comprendre.
Peut-on déjà parler de harcèlement sexuel, de surcroit managérial ?
Voyons ce que dit la loi : le harcèlement sexuel est défini par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste, imposés de façon répétée, et portant atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère humiliant ou dégradant, ou créant un environnement intimidant, hostile ou offensant.
Le passage « de façon répétée » est souvent frustrant, mais il est important. Je t’explique avec deux exemples simples :
- Si ton patron te fait du chantage, comme une augmentation de salaire contre une relation intime, c’est directement assimilé à du harcèlement sexuel. Pas besoin de répétition ici, c’est un délit pénal !
- En revanche, lorsque les faits sont moins graves — comme des messages insistants —, c’est là que la répétition entre en jeu, et c’est exactement ce que tu vis.
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Première chose à faire : tout conserver !
Deuxième étape : lui dire clairement que son comportement te gêne, que tu n’es pas intéressée, et qu’il doit cesser immédiatement. Normalement, s’il n’est pas totalement idiot, il arrêtera. Dans ce cas, le harcèlement sexuel ne sera pas constitué. Mais s’il continue, s’il répète ses agissements, il franchit la limite légale et tu n’as pas à supporter cela. Jamais !
Parles-en autour de toi
Collègues, managers, famille, amis… Leur soutien allégera ta charge mentale et te permettra d’y voir plus clair même si cela ne résoudra pas le problème. Tu n’as pas à traverser cette épreuve seule. Existe-t-il un référent harcèlement ou un CSE dans ton entreprise ? Ces ressources sont là pour t’accompagner dans la dénonciation des faits. Le service des ressources humaines est aussi un allié de poids, n’hésite pas à le solliciter, tu trouveras normalement des interlocuteurs formés à gérer ce type de situations.
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Une fois que tu as signalé les faits, ton employeur, ou son représentant, a l’obligation d’agir
Il devra mettre en place des mesures de protection pour toi et une enquête pourra être ouverte pour évaluer la situation. Souvent, une mise à pied conservatoire (mesure transitoire) est prononcée contre l’auteur des faits, le temps de faire la lumière sur l’affaire et de garantir ta sécurité.
En parler à la médecine du travail
Si c’est ton patron qui est à l’origine des faits, et que tu te sens mal à l’aise de parler en interne, tu peux également te tourner vers la médecine du travail ou l’inspection du travail. Ces entités extérieures peuvent intervenir pour faire cesser ses agissements.
Sanction disciplinaire et dépôt de plainte
Qu’en est-il ensuite ? Une sanction disciplinaire sera certainement prise à son encontre, pouvant aller jusqu’au licenciement selon la gravité des faits. De plus, le harcèlement sexuel est un délit pénal, je t’encourage donc à porter plainte dans le commissariat de ton choix.
Le harcèlement sexuel peut avoir de graves répercussions sur ton bien-être, tant mental que physique. Même si cela demande du courage, sache que tu n’as pas à prouver de manière exhaustive les faits de harcèlement devant les prud’hommes. Comme l’indique l’article L. 1154-1 du Code du travail, tu dois apporter un début de preuve (messages, emails…), cf. la première chose à faire, et ce sera ensuite à l’autre partie de prouver que ses actes ne constituent pas du harcèlement.
Si tu te sens dépassée par la situation, fais appel à un avocat ou un juriste pour te guider. Tu peux aussi contacter le 3919, le numéro d’urgence pour les femmes victimes de violences.
Je te crois.
Stéphanie.
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Les Commentaires
Si vous avez confiance dans les RH de la boite, c'est à eux qu'il faut en parler en leur transmettant les mails. Si vous n'avez pas confiance en eux, vous pouvez mettre en copie du mail que vous leur adressez l’inspection du travail et s'il en a un, le CSE ou la CSSCT.
La médecine du travail n'est pas habilitée à enquêter sur le harcèlement au travail, leur en parler n'est pas une mauvaise idée pour établir les effets sur la santé du harcèlement. C'est surtout l'inspection du travail qu'il faut aller voir : elle peut enquêter et rappeler à votre employeur ses obligations en matière de santé/sécurité. Je vous conseille le n° des renseignements des usagers en droit du travail : 08 06 000 126
Par ailleurs, vous pouvez aussi porter plainte à la police/gendarmerie parce que le harcèlement au travail est puni pénalement.