– Article initialement publié le 30 mars 2016.
Au début, je croyais que c’était ça l’amour. C’était ma première grande relation, et elle était si forte.
Quand on sortait, parmi les autres, on se sentait différents et bien meilleurs. On était très complices. On parlait beaucoup ensemble, je savais tout de toi et tu savais tout de moi.
Violences conjugales : des disputes quotidiennes
Très vite sont apparus des mots qu’on ne prononce pas dans un couple. La première insulte, ça a été « sale pute ». Tu me l’as dit au bout de quelques mois, et je pensais que je le méritais.
Ensuite ça a été « ferme ta gueule ! » puis « casse-toi ! », et à la fin pas une dispute ne se déroulait sans ces mots – et des disputes, il y en avait souvent entre nous.
Mais c’était juste une question de forme selon toi, et puis « je ne t’ai pas frappée non plus ! ».
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C’était la première fois que j’étais dans une relation longue, la première fois aussi que je me disputais avec quelqu’un. C’était ton caractère, tout le monde savait bien que tu étais impulsif. Mais pas méchant.
Tu créais des drames à partir de rien.
Tu créais des drames à partir de rien ; un oubli, une maladresse, un changement de dernière minute, tes réactions étaient imprévisibles. Ton visage se fermait, ta voix se durcissait, il était déjà trop tard pour éviter la tornade.
Pendant quatre ans, j’ai cru que j’en étais responsable. C’était toujours le même refrain :
« Tu n’es pas fiable, tu fais passer tout le monde avant moi… Après tout ce que j’ai fait pour toi ! ».
J’avais peur de ton agressivité, et peur de l’emprise que tu avais sur moi. Maintenant que tu n’es plus là, mon ventre se noue encore quelquefois.
Pendant notre relation, je pleurais chaque semaine, à chaque dispute. « Arrête ton cinéma ! », tu répondais.
Quelquefois tu claquais la porte si fort que j’étais affolée, tu tapais contre les murs de rage. J’avais peur, je te l’avais dit, tu le regrettais et tu disais que tu ferais des efforts.
Violences conjugales : l’apparition de la violence physique
La première fois que tu as posé la main sur moi, tu m’as plaquée au sol et tu as appliqué tes mains sur ma gorge comme pour m’étrangler. C’était après trois ans de relation. J’aurais pensé que je me débattrais.
Cela ne devait jamais se reproduire. Ça s’est reproduit.
Cela ne devait jamais se reproduire, j’y croyais autant que toi. Cela s’est reproduit, une fois, une autre, et une autre encore. Jamais je n’aurais cru qu’un jour j’aurais un bleu après une dispute avec mon amoureux.
On a rapidement dédramatisé cette violence. Tu avais bu, et puis je t’avais énervé. C’était de ma faute aussi, surtout qu’avant moi, tu n’étais pas comme ça, pas jaloux, pas violent. Du moins, pas avec ton amoureuse.
Je recherchais la passion et la transgression. Je t’ai aimé car tu bousculais mes règles. Quand, souvent, tu menaçais de rompre, j’aimais que mon ventre se noue et que les larmes me montent aux yeux comme si je ne pouvais pas vivre sans toi.
Je t’aimais tellement quand on se réconciliait, tu étais lucide, tu analysais si justement la situation, et tu étais si doux.
J’étais sûre d’être celle qui pourrait te réparer.
Toi, tu me semblais tout cassé, et moi, j’étais sûre d’être celle qui pourrait te réparer si j’arrivais enfin à comprendre comment te calmer. Tu me disais que tu avais besoin de moi, que tu ne pouvais pas vivre sans moi, et j’en étais fière.
Je me suis rapidement tue. Quelquefois je t’ai reproché une attitude ; cela tournait toujours à la dispute et finissait par être de ma faute. Tu voulais te remettre en question, mais je ne te disais jamais les choses comme tu voulais les entendre.
Violences conjugales, entre emprise et manipulation
Peu à peu, je voyais moins mes amis et ma famille.
Peu à peu, je voyais moins mes amis et ma famille. Je m’organisais autour de toi pour être libre quand tu l’étais. Tous mes proches t’ont vu hausser le ton et tourner les talons.
Avec toi, tout était interprété, compliqué, abîmé. Quand j’étais avec mes proches sans toi, je craignais que tu me gâches le moment par une crise à distance ; quand tu étais là, je n’étais pas moi pour éviter un drame.
La dernière année, plusieurs fois, j’ai trouvé des excuses pour ne pas rejoindre ma famille. J’avais peur de tes réactions et de toute façon tu préférais qu’on reste juste tous les deux ; c’est ça l’amour, non ?
J’ai passé quelques années à me mentir à moi-même et à mentir aux autres. Tu n’aimais pas que je parle de ce qui se passait entre nous : les autres « ne pouvaient pas comprendre ».
Les premières années, j’en parlais facilement, mais une fois que nous avons emménagé ensemble, j’ai raconté une histoire censurée. Certes, je disais parfois « On s’est engueulés », mais qui se douterait ? La dernière année, avec la drogue, tout le monde te trouvait plus ouvert, et cela m’arrangeait bien.
« Oui, ça va beaucoup mieux ».
Au bout de deux ans, pour la première fois, j’ai voulu partir. En regardant les autres couples, je me suis rendu compte que notre histoire était bancale. De la passion, on n’avait que les disputes jusque tard dans la nuit.
Je m’en fichais de revivre Roméo & Juliette ; je voulais juste quelqu’un à qui je pouvais faire confiance. Et que l’histoire se termine bien.
Rompre, pour de bon
Quand j’ai voulu te quitter pour la première fois, tu m’as persuadée de rester. Nous avons ensuite vécu deux mois parfaits et nous avons emménagé ensemble selon ton idée. L’étau se resserrait.
La deuxième fois, tu as pleuré et tu m’as dit que j’étais la seule personne qui comptait, que tu allais faire des efforts. Je suis restée et nous avons passé un mois sans dispute, après lequel tu m’as annoncé :
« J’ai pris rendez-vous pour visiter une maison à acheter. »
J’ai protesté et tu as ajouté face à mes doutes :
« Si tu ne veux pas, ça veut dire que tu ne crois pas à notre couple. Alors on se sépare ».
Au pied du mur, après un mois d’idylle et habituée à ce genre de chantage, j’ai acheté une maison en me demandant quand j’allais la revendre.
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J’ai voulu te quitter à cinq reprises, et à chaque fois tu as trouvé comment me faire rester.
Tu m’as fait du chantage affectif et du chantage au suicide. En tout, j’ai voulu te quitter à cinq reprises, et à chaque fois tu as trouvé comment me faire rester. Tes paroles adoucissaient mes craintes et mes rancœurs. Tu étais toujours d’accord avec moi quand je menaçais de partir.
Nous avons fini par voir une psy en thérapie de couple. Tu voulais faire des efforts quand j’ai parlé de séparation et cela en était la preuve. Nous en avons consulté un premier, qui avait trop pris parti pour moi à ton goût.
La deuxième était plus réservée. Face à elle, nous écrivions le roman du couple passionnel qui parle beaucoup et qui s’améliore. Longtemps on n’a rien dit de la drogue, et plus longtemps encore on lui a caché les violences.
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Un jour, tu es allé vraiment trop loin. Quand ce n’était que moi, je pouvais faire bonne figure, mais quand tu as gâché le mariage de mon frère, j’ai refusé de te revoir.
Je suis partie pendant trois semaines, et tu m’as écrit une déclaration d’amour pleine de promesses. Je t’ai annoncé la rupture par mail ; une fois de plus tu m’as assuré que tu avais changé et que cette fois, tu avais vraiment compris.
Quand on s’est revus pour en parler, j’ai encore une fois failli rester en te voyant, et en t’entendant : tu as été incroyable, tu étais transformé, tu étais celui que je rêvais de rencontrer. En même temps, tu me connaissais par cœur et tu savais promettre.
J’avais des craintes, nombreuses, et des reproches accumulés, mais tu es le seul à avoir parlé pour ne pas entendre ce que j’avais à dire.
Tu as si bien parlé qu’à la fin, je te redonnais une nouvelle chance.
Ma famille et des amis étaient avec moi. Ils ne comprenaient pas ce revirement : ils m’avaient vue si mal avec toi et si déterminée à te quitter.
Les paroles étaient belles mais les actes restaient les mêmes.
J’ai réalisé peu à peu que tu ne m’avais laissé aucun espace pour réfléchir durant cette discussion, j’ai compris que rien n’avait changé. Les paroles étaient belles mais les actes restaient les mêmes.
Le soir, je t’ai à nouveau quitté par texto. Le joli vernis brillant a sauté : frénétiquement, tu as tenté de m’appeler une quinzaine de fois d’affilée, tu me culpabilisais encore, je m’étais évidemment fait retourner le cerveau, on devait en reparler.
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Violences conjugales : ce n’est pas ça, l’amour
Alors, après avoir récupéré mes affaires le lendemain, j’ai refusé de te revoir et de te parler au téléphone. Je connaissais mes faiblesses.
Encore une fois, j’étais coupable.
Je suis restée aussi loin que je le pouvais et tu ne comprenais pas ma froideur, alors que, selon toi, tu faisais tout pour que cette séparation se passe bien. Encore une fois, j’étais coupable.
Depuis la séparation, je me sens libre, et la crainte qui me tenait a disparu. Au début, je croyais que c’était ça l’amour.
Hegoak ebaki banizkio Neuria izango zen Ez zuen aldegingo.
Bainan horrela Ez zen gehiago xoria izango.
Eta nik, Xoria nuen maite.
Si je lui avais coupé les ailes Elle aurait été à moi Elle ne serait pas partie.
Mais ainsi Elle n’aurait plus été un oiseau.
Oui mais moi, C’est l’oiseau que j’aimais.
Txoria txori (Joxean Artze), par Ontuak
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Les Commentaires
J'ai lu ton témoignage quelques mois avant de quitter mon ex, violent mais de façon psychologique (et à l'encontre des murs aussi). Ca me fait bizarre de retomber dessus. En tout cas merci infiniment, c'est une des choses qui m'ont incité à partir.