Il y a deux ans, j’ai décidé que j’allais mettre fin à tout contact avec mes grands-parents paternels.
Si je me suis longtemps demandé si j’allais regretter ce choix, je sais aujourd’hui que c’était la bonne décision à prendre.
Ma famille paternelle, une histoire compliquée
Pour te faire comprendre que je n’ai pas coupé les ponts avec eux sur un coup de tête, il faut d’abord que je te donne un peu de contexte sur ma vie familiale.
Aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été très compliqué du côté de mon père. Même bien avant que j’existe, bien avant que mon père naisse, c’était franchement le bordel.
Mon arrière-grand-mère était immigrée et a vécu pas mal de traumatismes et de rejets dans son enfance, puis dans sa vie adulte à cause de la guerre.
Ces différentes blessures se sont en quelque sorte transmises de mère en fille.
Ça, je l’ai appris il y a relativement peu de temps, et je crois que ça m’a permis de comprendre un peu mieux l’origine de ce beau bordel familial…
Ma grand-mère a toujours eu des relations conflictuelles avec les membres de sa famille : sa mère et sa sœur, qu’elle ne voit plus depuis de nombreuses années, puis ses enfants.
Mon père, ça fait une quinzaine d’années qu’il ne les a pas vus, ses parents. Les raisons, j’en connais une partie, mais je suppose que je ne peux pas imaginer le dixième de ce qu’ils lui ont fait vivre.
Mes grands-parents et mon regard d’enfant
Comme bien des enfants à travers le monde, j’ai d’abord adoré mes grands-parents.
J’ai rigolé avec eux, joué avec eux, ils m’ont appris à faire des bêtises, m’ont gâtée, m’ont gavée comme une oie à chaque repas.
À tel point que je ne comprenais pas pourquoi la situation était si compliquée avec mon père. Je lui en ai longtemps voulu, d’ailleurs, de ne pas faire l’effort de se réconcilier avec eux…
Je ne comprenais pas pourquoi il y avait autant de secrets, d’un côté et de l’autre.
Pourquoi on m’interdisait de parler à mes grands-parents du nouveau conjoint de ma tante ou de son nouveau travail. Pourquoi on me demandait de ne pas donner de nouvelles de mon arrière-grand-mère, lorsqu’elle était encore en vie.
Je ne comprenais pas pourquoi mon père nous empêchait, ma sœur et moi, de partir seules en vacances avec eux. Et comme il ne les voyait plus, c’est ma mère qui nous emmenait chez eux, alors qu’elle était déjà divorcée de mon père.
J’ai appris plus tard qu’elle le faisait parce que mes grands-parents l’avaient menacée de demander un droit de visite, de l’ordre d’un week-end par mois, alors qu’elle-même n’en avait plus que deux avec nous depuis le divorce.
Je la respecte infiniment d’avoir fait cet effort pendant autant d’années, malgré tout ce que mes grands-parents lui ont fait vivre quand elle était encore avec mon père.
Mais tout ça, je ne le voyais pas, du moins pas encore. Je voyais les parents de mon père comme les grands-parents aimants qu’ils étaient, et non comme les personnes toxiques que me décrivait mon entourage.
Mes grands-parents, une désillusion progressive
Et puis j’ai grandi et j’ai commencé à comprendre des choses, d’abord par moi-même puis en discutant avec mes parents.
J’ai commencé à être mal à l’aise, puis réellement saoulée face aux plaintes de mes grands-parents au sujet de mon père.
Je ne nie en rien la douleur que doit représenter la perte d’un enfant, d’autant plus lorsque c’est l’enfant en question qui décide de couper les ponts…
Mais mon rôle de petite-fille n’est pas de rabibocher mon père et sa mère. Après 15 ans, j’estime qu’il n’y a plus grand chose à faire, de toute manière, à part se faire une raison.
J’ai également commencé à me lasser des reproches constants de mes grands-parents quant au fait qu’il ne me voyaient pas assez.
D’abord, il y avait les reproches directs, les « tu nous appelles pas », les « on vous voit plus »…
Et puis il y avait des reproches en filigrane, lâchés au détour d’une phrase, les « on se fait vieux », les « ton grand-père déprime », les « on aimerait bien avoir des arrière-petits-enfants avant de mourir ».
Et j’avais beau les appeler, faire l’effort d’aller les voir, envoyer un petit SMS par ci par là, chaque appel, chaque visite était ponctuée de ces reproches.
Je n’ai jamais eu ce problème avec mes autres grands-parents, toujours ravis de me voir passer le pas de la porte, m’accueillant avec le sourire, faisant preuve de compréhension quant au fait que la vie ne me laisse pas toujours beaucoup de temps à leur accorder.
Plus grande, j’ai pu discuter davantage avec mon père, ma mère, mes tantes, et même ma grand-tante. J’ai découvert les mensonges, les sournoiseries, la violence verbale, la manipulation, le chantage affectif.
Étrangement, alors que j’avais tant de mal à entendre ces récits quand j’étais plus jeune, je n’étais désormais plus aussi étonnée de ce qu’on me racontait.
Et surtout, je croyais enfin à ce qu’on me racontait.
Pas de façon aveugle, pas simplement parce que j’ai confiance en mes parents. Mais parce que ces sournoiseries, cette manipulation, je les avais vécues.
Dans une moindre mesure, bien entendu, parce que j’ai finalement passé trop peu de temps en continu avec mes grands-parents pour en ressortir traumatisée.
Mais je savais comment ils fonctionnaient, et je savais de quoi ils étaient capables.
J’ai donc pris de la distance avec eux, petit à petit. Alors que je fêtais mes 20 ans avec toute ma famille, j’ai décidé pour la première fois de ne pas les inviter.
Je n’avais pas envie de l’éternel malaise en leur présence, pas envie de répondre à leurs questions concernant mon père, pas envie de les entendre parler de leur dernière engueulade avec ma tante.
Je ne voulais que du positif pour cet anniversaire qui comptait tant pour moi, et je savais que ça serait impossible avec eux.
La goutte de trop qui m’a fait couper les ponts avec mes grands-parents
Et puis il y a eu cette fête. L’anniversaire de mon grand-père, un événement avec un tas d’inconnus auquel je n’avais pas envie d’aller de toute façon.
J’ai fait l’effort, parce que je n’avais pas vu mes grands-parents depuis près d’un an. Si j’avais su que cette journée serait une journée de perdue…
Avant même qu’ils nous disent bonjour lorsque nous sommes arrivées avec ma sœur, nous avons eu droit à des reproches.
«Vous êtes venues sans vos copains » — oui, ils travaillent, on vous l’a dit il y a des semaines.
Pas un sourire, pendant toute la durée de la fête, pas une question à notre égard.
J’allais partir à l’étranger pendant 6 mois, ma sœur rencontrait elle aussi de gros changements dans sa vie. Mais ils ne nous ont pas donné l’occasion de leur en parler.
Chaque fois qu’ils nous adressaient un geste d’intérêt, c’était pour nous vanter auprès de leurs amis. Des faire-valoir, voilà ce que nous représentions à cette fête.
Puis ils m’ont fait comprendre qu’ils savaient que j’avais célébré mes 20 ans sans eux. De façon peu subtile et peu délicate, bien sûr, sinon ça ne serait pas drôle.
Des reproches, encore des reproches.
Mais comment leur dire que je ne regrettais pas mon choix ? Comment leur faire comprendre qu’ils ne m’apportaient pas assez de joie pour que j’aie envie de passer cet anniversaire avec eux ?
Je suis partie en larmes de cette fête, en colère d’avoir gâchée une journée pour eux qui n’étaient visiblement pas capables de s’intéresser à moi, et un peu coupable de me sentir ainsi face à mes grands-parents pour qui j’avais tant d’affection auparavant.
J’ai coupé les ponts avec mes grands-parents et je ne culpabilise plus
Cela fait maintenant 2 ans que je ne leur ai pas donné de nouvelles.
En 2 ans, j’ai eu le temps de me remettre en question, de réfléchir à ma relation à eux, d’en parler avec mon entourage. Et s’il y a bien une chose qui en ressort, c’est que je ne regrette pas cette décision.
Il y a un peu moins d’un an, je leur ai écrit un mail pour m’expliquer, et leur réponse m’a confirmé que cette situation avec eux était sans espoir. Ils ne comprennent pas qu’ils sont à l’origine de tous les problèmes au cœur desquels ils se trouvent.
Et je crois qu’ils ne comprendront jamais.
Je n’arrive pas à avoir de relation grands-parents/petit-enfant avec eux comme c’est le cas avec mes grands-parents maternels avec qui tout est si simple et heureux.
Je n’ai pas envie d’une relation faite de reproches et de chantage affectif. Je n’ai pas envie qu’ils m’offrent des chèques ou des cadeaux de Noël s’ils me font comprendre que je n’y ai droit qu’à condition d’aller les voir.
Je n’ai pas besoin d’être le faire-valoir de mes grands-parents s’il n’existe pas en eux une once d’intérêt pour ma vie personnelle. Je n’ai pas envie de servir de médiateur au sein des conflits de ma propre famille.
Je préfère largement passer du temps avec des gens que j’aime profondément et qui m’aiment, me respectent et m’estiment sans condition.
Malgré tout, je ne leur souhaite pas de malheur. Je suis persuadée que la situation est compliquée de leur côté et qu’ils ne savent pas quoi faire pour l’améliorer.
Mais j’ai trop espéré voir les choses évoluer, et je n’en peux plus de perdre du temps et de l’énergie à entretenir une relation qui ne m’apporte rien. C’est peut-être égoïste de ma part, mais je ne peux pas dire que je n’ai pas essayé.
Aujourd’hui, mes grands-parents ne me manquent pas, et c’est ce qui me fait penser que cette décision était la bonne.
« On choisit pas sa famille » : rien n’a jamais été aussi vrai pour moi, et si l’accepter prend du temps, cela rend finalement les choses beaucoup plus simples.
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