Vous connaissez peut-être Alice Dellal. Topo, pour celles qui s’en foutent : héritière-mannequin-djette (haha), c’est le genre de fille dont l’existence est un gros fuck à la France d’en bas. Son plus produit, c’est d’avoir un côté du crâne rasé, et l’autre long et ondulé. Dans la vraie vie, son quotidien serait un enfer : fouille au corps dans tous les lieux publics, bébés terrorisés par sa tronche, « Vous êtes fous, c’est pas moi, j’ai pas volé l’orange » et j’en passe. Mais dans sa vie, cette subversivité capillaire est portée aux nues par Karlitto-le-barjot qui a fait d’elle la nouvelle gueule de Chanel. Quoi qu’en aurait pensé une certaine Gabrielle C., dont, rappelons-le, l’idéal féminin était actif et distingué, certainement pas une fumiste bien née.
Mais Alice est libre, Max. Il paraît même qu’on l’a vu voler. Je me prends à rêver que c’est un acte manqué qui l’a faite entrer au Panthéon des modasses. Que son coiffeur a ripé et que, bim, joies de la célébrité obligent, sa coupe immortalisée sur papier glacé est passée à la postérité. Comme Madonna en son temps, elle inspire maintenant toute une génération grâce au plus fourbe des systèmes, j’ai nommé l’ultra-libéralisme appliqué à vos têtes :
- Les rédactrices de mode, complètement à l’ouest : « Mais c’est géniaâââaaal ! On adore !! »
- Et c’est parti : mannequins semi-scalpées à tous les défilés (de l’utra-branché Bernhard Willhelm à la très classy maison Léonard) .
- C’est qui qui sera la première star à pécho son rasoir ? Bah Rihanna, la base.
- Toi, plus moi , plus tous ceux qui le veulent.
Et là, c’est le drame
Chère Alice, toi et moi sommes originaires de ce pays du Levant meurtri par les conflits et les frisottis (violons). Nous avons hérité l’une comme l’autre d’une crinière hystérique. Alice, dès ton plus jeune âge tu as déclaré la guerre aux cheveux cassants et aux pointes sèches. Tout comme moi, tu as tout essayé pour mater ta perruque zarbi. Et d’un scalp prophétique, t’as réglé la question. Bon. À première vue, j’ai lâché mon verdict sarcastique de thon surgelé : « C’est nul ». À deuxième vue, ça m’a fait penser à deux choses : une néo-hackeuse suédoise comme Lisbeth Salander, et une égérie post-punk genre « Lio : la coiffure de trop. ». Non, ça me fait penser à mille choses en fait. C’est mauvais signe. Merde, mon cerveau vient de sortir l’artillerie lourde.
Je veux me raser l’hémisphère gauche, être mi-punk mi-bourge, mi-figue mi-raisin, Prison Break
à gauche, Jerry Hall à droite, je veux l’assurance de mon père et la beauté de ma mère, être une hermaphrodite je-m’en-foutiste, une féministe castratrice, je veux être Marie-Madeleine conspuée, Jeanne d’Arc face aux Anglais et Phèdre mortifiée, je veux écouter de la techno, faire la bise à Grace Jones, ébranler un empire derrière mon ordinateur, être une roue libre bipolaire, une squaw du nouveau millénaire, moi je veux mourir fusillée de lasers… TONDEZ-MOI, NOW !
La chanteuse Cassie, autre égérie du "mi-long"
Amazone 2.0… Ou pas
Chère Alice, j’ai entendu dire que tu étais la chef de file « d’amazones 2.0 ». L’amazone, dans la légende, a une poitrine asymétrique : un sein rond et fier d’un côté, l’autre tranché net par ses soins pour tirer à l’arc comme les boys-boys-boys. D’où cette coupe double-face, genre « J’ai des ovaires mais plus de couilles que mon père, nananère ». Mouais. Cette histoire de guerrière vénère, c’est bien une idée de barbu. Je viens de comprendre pourquoi je voulais éradiquer la moitié de ma féminité. J’ai naturellement tendance à rabattre ma chevelure sur un côté parce que c’est beau, tout simplement. Parce que c’est aussi un hommage aux starlettes sponsorisées par la laque Elnett qui ont marqué ma jeunesse (Alice, toi-même tu sais).
Et puis, cette crinière à moitié sacrifiée est certainement le reflet d’une époque dans laquelle les djeun’s ne trouvent pas leur place, comme d’hab’. À chaque crise sociétale, les coiffures se radicalisent : suite aux années 60, Papa-Maman avaient les poils longs et déprimés et refaisaient le monde autour d’un ukulélé. Dix ans plus tard, ils étaient à blanc, des crêtes agressives jonchaient leurs crânes nus et ils refaisaient le monde à coups de batte dans ta gueule. Bah voilà, bonjour la « génération Y » qui tweete de son canapé au lieu de se bouger, conscients mais mous, flippés mais consentants. On a coupé la poire en deux : rasé d’un côté, au taquet pour la révolution virale, et long de l’autre parce que « Faut pas déconner, j’ai décroché un huitième stage, y’a p’t’être moyen…« . Même les garçons s’y mettent (Robert Pattinson, Jared Leto, clubbers berlinois et autres chelous de la night).
Je ne céderai pas.
Chère Alice, c’est non. J’en ai pourtant très envie (on avait remarqué), mais j’ai réfléchi. D’abord, quand un ami m’a dit « Appuie sur Shift », je n’ai pas compris, donc c’est pas demain que le réseau Anonymous va venir me débaucher. Surtout, tu as déclaré, après avoir posé nue et ficelée comme un gigot pour l’objectif de Nobuyoshi Araki : « J’ai peur que mon père voie ces photos »… Alors, COMMENT TE DIRE ? Un mythe s’effondre, t’as transformé ta tronche en brique de lait à refourguer sans scrupules, et tu viens de passer dans la case de ceux qui insultent dans leur barbe et se carapatent en disant « La violence, c’est mal » quand on les menace d’une vraie raclée. Contrairement à toi, j’aspire à une vie de coin-coin ordinaire : le suicide capillaire, en ce qui me concerne, c’est me tirer une balle dans le pied. Toute modasse que je suis, je reste un bon petit soldat qui ne choquera pas son Papa. Cela dit, Dieu que c’est beau ! Je me contenterai d’admirer celles qui ont osé. À celles qui ne se sont jamais posé la question : vous avez bien raison. Et aux flippettes comme moi, je dis : bougez-vous, et ça passera. Bisous de Dana.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Je sais pas, il me dérange cet article.